Casemiro, le 2 juillet, à Samara (Russie). / EMMANUEL DUNAND / AFP

Heureusement qu’il y a eu certains footballeurs pour occuper l’espace médiatique dans les jours précédant les quarts de finale de cette Coupe du monde, que ce soit par leur propension à tomber par terre (Neymar), leur blessure et possible forfait pour un des matchs le plus important de leur vie (Cavani) ou leur possible absence à cause d’une naissance imminente (le Suédois Granqvist).

Un autre joueur, bien plus discret dans les médias, sera absent pour cause d’accumulation de cartons jaunes. Un événement banal dans le football qui attire forcément moins l’attention, mais qui pourrait bien être un des tournants à ce stade de la compétition, tant Carlos Henrique Casimiro, dit « Casemiro », est un rouage essentiel de la sélection brésilienne.

Le milieu défensif du Real Madrid appartient à cette catégorie de joueurs que l’on remarque surtout quand ils sont absents. Et cela sera le cas, ce samedi 6 juillet, à 20 heures, face à la Belgique en quart de finale du Mondial. Même si Casemiro est remplacé numériquement par Fernandinho – titulaire avec les champions d’Angleterre de Manchester City, quand même – les Brésiliens risquent de passer par une période de dérèglement en l’absence de leur sentinelle. En effet, Casemiro est la clé de voûte de l’architecture tactique du Brésil, telle que l’a imaginée Tite, le sélectionneur qui reprit en mains les décombres de la Seleçao après l’humiliation contre l’Allemagne en 2014.

Zinédine Zidane : « Ça ne devrait plus surprendre personne »

Le premier jaune de Casemiro, contre la Suisse. Le deuxième sera contre le Mexique. / DAMIR SAGOLJ / REUTERS

La régénération de la sélection est passée par un meilleur « équilibre », un mot qui revient sans cesse dans les réponses du sélectionneur brésilien devant la presse. Le mot pourrait désigner une meilleure répartition de l’effort entre attaquants et défenseurs, un sacrifice individuel sur l’autel du collectif. En réalité, « équilibre » est presque un synonyme pour Casemiro dans la bouche de Tite. « Son travail est fondamental dans l’aspect défensif, mais aussi pour sortir la balle. Il domine toutes les facettes du jeu. (…) Même dans le vestiaire, il a une vision périphérique », a dit de lui son entraîneur.

C’est lui qui assure sans cesse la stabilité entre les lignes arrière et celles de l’attaque, qui organise les sorties de balle, crée furtivement des espaces et rehausse non seulement les qualités de l’équipe, mais également le rendement offensif de ses coéquipiers. Il réalise pour Neymar et Coutinho ce qu’il fait pour Cristiano Ronaldo et Isco avec le Real Madrid depuis 2016, quand l’entraîneur encore néophyte Zinédine Zidane l’a immédiatement placé devant la défense. Là aussi, le mot qui revient dans la bouche du Français quand il parle de Casemiro est « équilibre » : « Il assure cet équilibre entre la défense et l’attaque. Ça ne devrait plus surprendre personne. »

« Il m’a fait comprendre la fonction d’un milieu défensif », dit de lui le Brésilien, après trois Ligue des champions consécutives et une métamorphose quasi achevée en un Sergio Busquets brésilien, avec des qualités physiques supérieures mais sans (encore) la roublardise de la légende de l’Espagnol.

Invaincu sur ses derniers matchs avec le Brésil

Casemiro et Neymar se congratulent après la victoire du Brésil contre le Mexique en quarts de finale, le 2 juillet à Samara. / MANAN VATSYAYANA / AFP

Le milieu défensif est le garant de « la sortie de balle soutenue », un des préceptes tactiques de Tite. Il consiste à avoir au moins trois défenseurs derrière la balle dans les phases offensives : les deux défenseurs centraux et Casemiro, ce qui permet aux sept autres joueurs, dont les deux latéraux, d’être plus offensifs. A charge pour les trois derrière, et surtout à Casemiro, d’empêcher les contre-attaques et de proposer des solutions de passe en arrière.

Le magazine brésilien Epoca a calculé que Casemiro a été le joueur brésilien à avoir parcouru le plus de terrain (10,4 km) et le quatrième avoir le plus couru balle au pied (3,4 km) contre le Mexique. « Voilà l’importance de Casemiro dans le schéma tactique, résume Epoca. C’est l’athlète qui court le plus quand l’équipe n’a pas le ballon. »

Depuis le début du Mondial, le Brésil n’a encaissé qu’un seul but, sur cinq tirs cadrés, en quatre matchs. Il serait injuste de mettre cette statistique impressionnante uniquement à l’actif de Casemiro, et il serait tout aussi absurde de ne pas y voir son rôle prédominant.

Cette solidité défensive est née juste après le fiasco de Belo Horizonte, précisément quand la défense brésilienne avait atteint son nadir. Pour son premier match depuis l’élimination face à l’Allemagne, en novembre 2014, le Brésil battait la Turquie (4-0) en amical. Pour sa sixième sélection, Casemiro débutait devant la défense. Il ne quittera plus le poste, et pour ses vingt-deux prochains matchs, il ne perdra jamais (17 victoires et 5 nuls). Contre la Belgique, son pays devra s’en passer, en espérant que l’équilibre qu’il incarne a imprégné le collectif.