Dans un élevage de vaches laitières, en décembre 2017, à Drucat (Somme). / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Après une année noire pour l’agriculture française en 2016, 2017 a été celle du rebond. Un ressaisissement qui n’efface pas toutefois la chute précédente. C’est le constat fait par la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN), qui a publié les données de l’Insee, jeudi 5 juillet. La valeur de la production de la « ferme France » a progressé de 3,2 %, à 71,8 milliards d’euros, après un net recul de 6,4 % un an plus tôt. Avec, en moyenne, des prix stables et des volumes en progression de 3,3 %.

Ce retour à meilleure fortune doit beaucoup à l’élevage. Après plus de deux années catastrophiques, les éleveurs laitiers ont retrouvé un niveau de prix juste suffisant pour tenir la tête hors de l’eau. La valeur de la production laitière a augmenté de 10 % en 2017, selon l’Insee. Les éleveurs porcins ont, eux, vécu une véritable embellie entre le printemps 2016 et l’été 2017, avant que les cours au marché de Plérin (Côtes-d’Armor) ne replongent. Illustration de la rapidité d’évolution des cycles qui secouent les agriculteurs. Quant aux producteurs d’œufs, ils ont bénéficié de l’envolée des prix intervenue après la crise du fipronil, qui a éclaté à l’été 2017 et a réduit les volumes dans les pays les plus touchés, les Pays-Bas et la Belgique.

Du côté des céréaliers, les moissons ont été fort bonnes. En quantité comme en qualité. Mais un gros point noir a assombri le tableau. Lestés par des volumes très importants dans la plupart des pays producteurs, et en particulier en Russie, premier exportateur mondial, les cours mondiaux sont restés au ras des pâquerettes. Ne couvrant souvent pas les coûts de production. La situation a toutefois été meilleure pour les oléagineux que pour le blé. Les producteurs de betteraves ont, eux, bénéficié de leur dernière année sous protection des quotas sucriers européens avant leur démantèlement en octobre 2017 et la déconfiture qui s’est ensuivie.

Le vin est toujours la première production agricole française

Les vendanges en 2017 ont pâti des aléas météorologiques, mais la valorisation des vins, un exercice où la France excelle, avec ses appellations, progresse encore. Résultat, le vin est toujours la première production agricole française en valeur, avec une part de 15,8 % de l’ensemble. Viennent ensuite le lait et les produits laitiers (13,9 %), les céréales (13,2 %), les plantes fourragères, dont le maïs fourrager, plantes et fleurs (11,2 %), suivis des légumes et pommes de terre (7 %).

Sans surprise, le niveau des subventions, essentiellement les aides de la politique agricole commune (PAC), s’érode. En 2017, l’agriculture française a touché 8 milliards d’euros, un montant en repli de 124 millions d’euros. Les éleveurs de canards et de volaille du Sud-Ouest, touchés deux années d’affilée par la grippe aviaire, ont reçu une dernière indemnité de 54 millions d’euros en 2017. Les exploitations fruitières affectées par les gelées ont, elles, bénéficié du versement de 48 millions d’euros au titre des calamités agricoles.

Dans ce contexte, selon l’Insee, le résultat brut par exploitant agricole a progressé de 14 % en 2017, retrouvant les niveaux de 2015. Une hausse à relativiser. D’abord, parce que ce chiffre correspond à une moyenne et ne reflète pas les situations de plus en plus contrastées sur le terrain. Ensuite, parce que 2015 n’est pas restée dans les mémoires comme une année faste pour les agriculteurs.

« Inverser le rapport de force entre paysans et industriels »

Or, le sujet de la juste rémunération des agriculteurs et de la meilleure répartition de la valeur sur toute la chaîne agroalimentaire, du producteur au distributeur, en passant par les industriels, a été au cœur des débats des Etats généraux de l’alimentation, lancés à l’initiative du président de la République, Emmanuel Macron, en juillet 2017. Un an plus tard, l’heure est à la dernière main mise au projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Les sénateurs ont adopté le texte en première lecture mardi 3 juillet.

En l’état du texte législatif, la FNSEA, premier syndicat agricole, affiche sa satisfaction et parle d’« équilibre » et de « sagesse ». L’organisation salue le principe d’une construction des prix agricoles sur la base d’indicateurs de coûts de production diffusés par les interprofessions. Cette construction du prix se faisant « en marche avant », à partir de l’agriculteur. Le syndicat Coordination rurale regrette, lui, que les coûts de production ne soient pas fixés par l’organisme public FranceAgriMer ou par l’Observatoire de la formation des prix et des marges.

Pour sa part, la Confédération paysanne déplore le refus de parler d’arbitrage public des relations commerciales et d’établir un seuil de vente à perte au niveau des coûts de production, seuls outils à ses yeux capables « d’inverser le rapport de force entre paysans et industriels ». Toutefois, ce syndicat souligne que le texte pose « des jalons intéressants ». Comme l’amélioration de la définition du prix, abusivement bas, l’obligation d’inscrire un prix « déterminé ou déterminable » dans les contrats, ou la saisie du juge en la forme des référés en cas d’échec de la médiation. Reste maintenant à franchir l’étape parlementaire de la commission mixte paritaire.

La France, première puissance agricole européenne

Avec ses 72 milliards d’euros, la France garde son statut de première puissance agricole européenne. Elle devance l’Allemagne et l’Italie, dont les productions atteignent respectivement 57 milliards et 55 milliards d’euros, même si l’Hexagone a connu une croissance plus faible (3,2 %) que la moyenne européenne, établie à 5,2 %. Les plus fortes augmentations de production ont été observées en Roumanie (15 %), au Royaume-Uni (10,2 %), en Pologne (8,9 %) et en Allemagne (8 %). Globalement, la branche agricole européenne a pesé 427 milliards d’euros en 2017.