Comment assister aux différents matchs de foot de la Coupe du monde tout en découvrant le meilleur des villes russes qui les accueillent ? En suivant les circuits touristiques proposés spécialement par une jeune équipe de l’Institut de recherche en e-science de l’université ITMO (Saint-Pétersbourg). Leurs particularités ? Ils ont été déterminés par des algorithmes capables de déceler dans l’immense base de données des réseaux sociaux (Instagram, Facebook et Foursquare) les lieux les plus populaires parmi les touristes comme parmi les locaux.

La plupart d’entre nous s’en servent pour bavarder, se montrer, râler ou s’émerveiller. Mais d’autres y puisent toutes sortes d’informations et inventent des algorithmes pour les exploiter. Ksenia Mukhina et ses collègues d’e-science comptent parmi ces défricheurs des réseaux sociaux. Leur idée : profiter des photos et commentaires géolocalisés postés sur la Toile pour découvrir autrement nos villes. Et dénicher notamment les lieux authentiques plébiscités par les personnes du cru et ignorés des étrangers.

Dans un premier temps, les chercheurs – que nous avons rencontrés à l’occasion d’un voyage de presse organisé par les universités russes – ont sélectionné les utilisateurs ayant posté au moins trois photos de la ville de Saint-Pétersbourg en un an, durant des périodes séparées de plusieurs mois. Au total, sur les 59 000 utilisateurs d’Instagram analysés durant l’année 2016, 23 500 ont été identifiés comme locaux. « En éliminant les sites les plus visités, comme le Musée de l’Ermitage ou le palais d’Hiver, nous avons pu mettre en évidence une quarantaine de lieux populaires parmi les Saint-Pétersbourgeois, mais inconnus des guides touristiques », raconte Ksenia Mukhina, originaire de Tomsk, en Sibérie. Ce premier travail a permis de proposer un guide de Saint-Pétersbourg pour les touristes qui ne veulent pas faire les touristes.

Cheminement idéal

Pour les fans de foot, les chercheurs ont d’abord élargi leurs recherches aux onze villes russes hôtes de la Coupe du monde. Ils ont ensuite inclus dans leur guide quelques hauts lieux touristiques parmi les plus appréciés selon les réseaux sociaux ou TripAdvisor. Puis, en supposant les supporteurs de foot sportifs, ils ont calculé le cheminement idéal entre l’ensemble de ces lieux pour tout voir en une seule journée, à pied. Ainsi, les cartes comportent pour chaque ville entre 8 et 14 étapes, pour 4 à 11 km de marche. Bien entendu, pour satisfaire la soif et les grands creux des fervents supporteurs, des cafés et des restaurants pittoresques sont proposés tout au long de ces parcours. Comme cette insolite adresse de Saint-Pétersbourg, fondée en 1958 et restée en l’état depuis, où l’on vient déguster de délicieux pyshkas (des sortes de donuts) en compagnie de chats. « J’ai moi-même découvert ce lieu grâce à ce travail », précise Ksenia, qui entend bien profiter de la Coupe du monde pour évaluer ses circuits et multiplier ses analyses et ses comparaisons entre touristes et locaux.

Et elle n’est pas la seule, dans cet institut de recherche en e-science, à éplucher toutes ces données. D’autres collègues cherchent les meilleurs algorithmes pour analyser automatiquement les contenus des photos et des commentaires postés publiquement sur la Toile. Ce qui permet par exemple de créer une « carte des émotions » de Saint-Pétersbourg. Ou, encore, une carte des consommations de drogues…