Cordon de sécurité installé, le 5 juillet 2018, dans les jardins Reine Elizabeth de Salisbury où un couple de Britanniques aurait pû être exposé au Novitchok. / Matt Dunham / AP

Alors que les supporteurs anglais de football ont les yeux rivés sur la Russie, et à quelques jours d’un sommet de l’OTAN, la tension est remontée entre Londres et Moscou, jeudi 5 juillet, après l’hospitalisation dans un état critique d’un couple de Britanniques ayant été exposés au Novitchok, un puissant poison déjà utilisé en mars, dans la même région, contre l’agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia.

La Russie utilise la Grande-Bretagne comme « une décharge à poison », a accusé Sajid Javid, le ministre de l’intérieur devant le Parlement, en ajoutant : « Il est maintenant temps que l’Etat russe explique exactement ce qui s’est passé. Il est totalement inacceptable que nos citoyens soient des cibles délibérées ou accidentelles ou qu’on déverse du poison dans nos rues, nos parcs, nos villes. »

Le gouvernement britannique avait accusé Moscou d’être responsable de l’empoisonnement, le 4 mars à Salisbury, de Sergueï et Ioulia Skripal, déclenchant une crise diplomatique avec la Russie, qui a toujours nié la moindre implication. Après un traitement médical lourd, les deux victimes sont sorties de l’hôpital en avril et en mai.

« Nous appelons les forces de l’ordre britanniques à ne pas céder aux sales jeux politiques commencés par certaines forces à Londres », a déclaré Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe

Le Royaume-Uni a alerté une nouvelle fois, jeudi, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). « Nous appelons les forces de l’ordre britanniques à ne pas céder aux sales jeux politiques commencés par certaines forces à Londres, a déclaré Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe. Le gouvernement de Theresa May et ses représentants auront à s’excuser. »

Dawn Sturgess, 44 ans, et son compagnon, Charlie Rowley, 45 ans, ont été exposés au poison « après avoir manipulé un objet contaminé », a indiqué la police antiterroriste, dont une centaine d’agents mènent l’enquête. Mais samedi, lorsqu’ils sont tombés gravement malades, la police a d’abord cru à une overdose car, selon le Times, M. Rowley a un passé d’héroïnomane.

Ancien sans-abri, il vivait depuis quelques mois dans la maison où le couple a été retrouvé à Amesbury, à une douzaine de kilomètres de Salisbury. Quant à Dawn Sturgess, elle habitait dans un foyer pour sans-abri de Salisbury, qui a dû être évacué, jeudi. Le plus probable est que le couple, qu’aucun lien apparent ne relie à la Russie, ait trouvé et touché accidentellement une seringue ou un flacon ayant été utilisé contre les Skripal.

Selon des amis des victimes, ces derniers ont passé la soirée de vendredi dans les jardins Reine Elizabeth de Salisbury, non loin de l’endroit où Sergueï Skripal et sa fille avaient été retrouvés dans un état second après leur empoisonnement. Une hypothèse est que « l’une des deux victimes a ramassé le contenant utilisé pour stocker l’agent neurotoxique utilisé contre les Skripal », a précisé le gouvernement.

Inquiétude des habitants

Ce possible scénario met en cause l’efficacité de l’impressionnante opération de décontamination menée dans la zone, depuis l’empoisonnement des Skripal, par des militaires et des spécialistes des armes chimiques du ministère de la défense. A l’époque, le poison aurait été appliqué sur la poignée de la porte d’entrée de la maison de l’ex-espion. Il se pourrait qu’une seringue ait été utilisée. Mais la police ne l’a jamais confirmé, pas plus qu’elle n’a donné le résultat de ses recherches sur la présence de poison dans les environs.

Jeudi, les experts du laboratoire spécialisé de Porton Down ont établi que Dawn Sturgess et Charlie Rowley ont été contaminés par le même type de Novitchok que celui utilisé contre les Skripal, sans pouvoir préciser si le poison provenait du même lot. Ce produit, conçu du temps de l’Union soviétique, agit sur le système nerveux. Cet agent ne s’évapore pas ou ne se décompose pas rapidement.

Le ministre de l’intérieur a tenté de désamorcer l’hypothèse d’un défaut dans les opérations de décontamination en affirmant que le couple serait « entré en contact avec l’agent neurotoxique dans un endroit différent » des sites décontaminés depuis mars.

A Salisbury, où plusieurs lieux réputés suspects ont été fermés au public, les habitants sont à nouveau plongés dans l’inquiétude. Il n’est pas certain que les conseils de Sally Davies, médecin chef de santé publique, les rassurent. Elle demande au public « d’être vigilant lorsqu’il ramasse des objets inconnus ou dangereux comme des aiguilles ou des seringues ».