Ilya Kutepov et l’équipe de Russie n’ont pas démérité malgré l’élimination. / Manu Fernandez / AP

Le miracle footballistique a pris fin en quart de finale. La Russie a été sortie de son tournoi, samedi 7 juillet, aux tirs au but après un match nul contre la Croatie (2-2, 4 tab à 3). Le pays hôte, médiocre 70e au classement FIFA avant la Coupe du monde, n’a pas réédité le parcours de la Corée du Sud, invitée surprise, qui s’était hissée en demi-finale de son Mondial en 2002.

Pourtant, les 45 000 spectateurs du stade olympique de Sotchi y ont cru jusqu’au bout, même quand il ne restait plus que quelques minutes à jouer en prolongation et que leur équipe était menée 2-1 face à la Croatie. Le grand absent, le président Vladimir Poutine, qui avait dépêché encore une fois son premier ministre au bord de la mer Noire, a dû aussi se prendre à rêver devant son poste de télévision. Le porte-parole du Kremlin s’est d’ailleurs fendu d’une déclaration relayée par l’agence Interfax : « Poutine a regardé, il soutenait les joueurs de l’équipe. Nous avons perdu lors d’un grand match fair-play. Ce sont toujours des gars formidables à nos yeux, ce sont des héros. Ils succombaient sur le terrain, nous sommes fiers d’eux. »

Après tout, leur « Sbornaïa » avait bien jusqu’alors déjoué tous les pronostics. Quand le défenseur Manuel Fernandes a égalisé de la tête et que les tirs au but s’annonçaient pour la deuxième fois consécutive, chaque Russe a dû penser à une improbable qualification en demi-finale. Le héros des huitièmes de finale face à l’Espagne, le gardien Igor Akinfeev, allait sauver la patrie une nouvelle fois. Dans les tribunes du stade olympique, les poings étaient rageurs, les enfants portés à bout de bras et la pluie de selfies immortalisaient l’instant qui promettait d’être mémorable.

Il s’en est effectivement fallu d’un rien. L’héritier du légendaire Lev Yachine a été à deux doigts de rééditer son exploit espagnol. Il a d’abord sorti brillamment une tentative adverse et a été à deux doigts de détourner celle du capitaine croate. Le ballon a finalement touché le poteau avant de franchir la ligne. Le sort en était jeté. Akinfeev n’entrera pas dans l’histoire. Il n’aura pas sa fresque grandeur nature. Le capitaine devra se contenter de son visage peint sur une croûte : le tableau d’une dame croisée avant la rencontre le long de la plage qui borde l’enceinte de Sotchi, au talent artistique malheureusement peu en rapport avec son patriotisme.

Un intérêt nouveau pour la Coupe du monde

Dans les tribunes, certains spectateurs ont fait l’effort de diversifier leurs encouragements. Sans beaucoup de réussite, à cause d’une foule en grande majorité néophyte. Les tentatives d’ola ont échoué mais on a assisté à deux ou trois « clapping », cette manière de taper dans les mains popularisée par les fans islandais à l’Euro 2016. Avant les hymnes, un tifo, pas très concluant, a été exposé dans un virage.

Une jeune trentenaire, Julia, qui assistait pour la première fois à un match de football, relativisait : « C’est dommage. On est passé tout près de la victoire. C’est la première fois que je m’intéressais à ce sport. Je suis peinée mais vraiment fière. » Drapeau russe enroulé autour d’épaules solides, Denis partageait ce sentiment : « C’était inespéré avant la compétition. Je ne croyais pas en ces joueurs et ils m’ont surpris. Cela restera un formidable moment. »

Que cela soit à Iekaterinbourg, à Samara, à Moscou ou encore à Sotchi, on a croisé de nombreux Russes qui se trouvaient dans ce cas. Contre toute attente, les bonnes performances de leur sélection les ont conduits à se passionner pour la Coupe du monde. L’atmosphère chaleureuse et cet afflux inédit d’étrangers ont également favorisé ces adhésions de dernière minute. Malgré l’évidente déception, le moustachu le plus célèbre du pays, le sélectionneur Stanislav Tchertchessov, pouvait savourer sa revanche : « On est comme des conscrits démobilisés avant l’heure. On a été critiqués avant le tournoi ? Croyez-moi ou non, nous, nous croyions en nous, et le pays nous aimait. »

Le public russe était triste mais fier du parcours de son équipe. / TATYANA MAKEYEVA / REUTERS

Une rencontre parfois soporifique

Sur fond de crise diplomatique entre Moscou et Londres, il n’y aura donc pas de demi-finale sulfureuse contre l’Angleterre, le 11 juillet au stade Loujniki. C’est la Croatie qui sera opposée aux Anglais. Très performants au premier tour, les footballeurs croates ont nettement baissé de rythme en huitièmes (face au Danemark) et en quart. Par deux fois, ils sont passés proches d’une désillusion. Par deux fois, les tirs au but leur ont souri.

Mais Luka Modric et sa bande devront retrouver leur inspiration s’ils veulent inquiéter les Three Lions, plutôt séduisants cet après-midi contre la Suède (2-0). Les Croates, qui avaient décidé de ne pas se laisser aspirer par une équipe russe positionnée très bas sur le terrain, ont paru attentistes. Cela a donné une rencontre d’un niveau très moyen, soporifique parfois.

Toujours est-il que la Croatie retrouve les demi-finales, vingt ans après le Mondial français. Une performance assez incroyable pour un pays indépendant depuis 1991, dont les meilleurs joueurs ont longtemps défendu les couleurs de la Yougoslavie. Aux dernières nouvelles, Lilian Thuram est à la retraite et n’a pas pris la nationalité croate. Au fait, comment s’appelle l’arrière droit anglais ?