Discours d’Emmanuel Macron à Versailles, devant les députés réunis en Congrès, lundi 9 juillet. / JEAN CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Un an après son discours devant les parlementaires, le président de la République a retrouvé le Congrès, lundi 9 juillet, pour refixer le cap de sa deuxième année à venir à l’Elysée, en insistant davantage sur la dimension sociale de sa politique et sur son « humilité » personnelle.

Bastien Bonnefous, chef du service politique au Monde, a répondu aux questions des internautes à propos du discours du président Macron devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, le lundi 9 juillet.

Le_sans_nom : Quel est le gain qu’Emmanuel Macron attend de cette allocution quand manifestement il n’y a aucun infléchissement de sa politique, notamment sur le plan social ?

Bastien Bonnefous : Ce discours du chef de l’Etat a lieu dans un climat particulier, à un moment où les critiques se multiplient contre lui, dans les oppositions, bien sûr, mais aussi au sein de sa propre majorité. Des critiques et des doutes relayés par ailleurs dans les sondages. Pour résumer, Emmanuel Macron a tenu à répondre dans son discours aux principales critiques actuelles contre sa personne et/ou sa politique.

  • Il a tenté de répondre en creux qu’il n’était pas « le président des riches » en expliquant que sa politique économique menée depuis un an n’était « pas favorable aux riches mais aux entreprises », qu’il était contre « les rentes et les castes », et qu’il ne fallait pas différencier la politique économique de son gouvernement mise en place et une politique sociale qui tarderait à venir.
  • Il a cherché également à montrer qu’il n’était pas un président monarque, distant des Français et des corps intermédiaires, accusé d’arrogance par ses opposants depuis plusieurs semaines. Raison pour laquelle il a fait un geste d’un côté en direction des parlementaires (en proposant un amendement au futur projet de loi constitutionnelle pour que, l’an prochain, son discours devant le Congrès soit suivi d’un moment de questions-réponses avec les parlementaires), et de l’autre en direction des syndicats, en confirmant un sommet social pour le 17 juillet.
  • Il a enfin cherché à redéfinir « un cap » pour son action et pour son « projet pour la France ». Pas d’annonce concrète, mais la volonté de rappeler que le macronisme est une mise à jour du modèle politique comme du modèle social, ainsi que l’instauration d’un nouveau clivage politique entre « progressistes » et « nationalistes », au niveau national aussi bien qu’européen. Le tout avec un ton qui tentait de renouer avec celui de la campagne présidentielle de 2017.

Médecine du travail : Quid de la santé au travail ?

B. B. : En effet, le discours d’Emmanuel Macron n’a pas spécifiquement évoqué ce sujet ni d’autres questions soulevées par des internautes, comme la bioéthique, l’audiovisuel, ou même l’environnement, dans le détail.

C’est toute la difficulté de ce genre de discours : en tant que président de la République, Emmanuel Macron ne peut se livrer à un discours catalogue, listant toute une série de domaines et multipliant les annonces sectorielles, travail qui incombe plutôt au premier ministre et aux membres du gouvernement. Le discours présidentiel devant le Congrès à Versailles est un exercice compliqué : il s’agit d’adresser un message général pour tenter de (re) donner une cohérence globale à l’ensemble de la politique gouvernementale. Au risque de décevoir en étant jugé pas assez précis sur tel ou tel thème.

Yacdu : Quelle est l’analyse d’Emmanuel Macron sur l’état de la France un an après son élection ? Et quelle est son analyse de l’action menée par son gouvernement ?

B. B. : Emmanuel Macron a commencé son discours en répétant plusieurs fois l’expression « je n’ai rien oublié » : une référence aux conditions nationales de son élection en mai 2017 face à l’extrême droite, dans un paysage politique éclaté, où les partis traditionnels de droite et de gauche ont subi une lourde défaite.

Une élection qui s’inscrit également dans un contexte international particulier : Brexit, victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, montée des populismes dans plusieurs pays de l’Union européenne… Bref, des contextes généraux de « peurs » et de « tensions », matérialisés par une défiance croissante entre le peuple et les élites.

Le chef de l’Etat constate que si son élection avait pu créer une attente importante dans le pays, un an plus tard, les doutes subsistent et semblent même s’être réactivés, comme l’indique l’enquête du Cevipof publiée dans Le Monde ce lundi. D’où cet exercice d’explication de son action devant le Congrès.

Baff : Quelle est sa stratégie de lutte contre la pauvreté ?

B. B. : Concernant la lutte contre la pauvreté, Emmanuel Macron a, de fait, surtout annoncé… de futures annonces en la matière. Il y a encore quelques semaines, plusieurs sources au sein du gouvernement disaient que le chef de l’Etat profiterait de son discours devant le Congrès pour détailler ce plan de lutte contre la pauvreté. Puis la communication autour de ce sujet a donné lieu à un vrai couac gouvernemental : après la polémique relative à la vidéo de l’Elysée sur « le pognon de dingue » dépensé pour lutter contre les précarités sociales, le ministère de la santé a également annoncé que le plan pauvreté était repoussé à la rentrée à cause de la Coupe du monde de football et des vacances d’été, qui risquaient d’en diminuer la portée médiatique.

Une justification plus que maladroite, critiquée par les oppositions et par les associations, qui a obligé l’exécutif à expliquer dans un second temps que si la présentation du plan était repoussée, c’était d’abord parce qu’il n’était pas encore finalisé au niveau budgétaire et parce que le gouvernement voulait annoncer un plan de grande envergure. A vérifier en septembre.

Aujourd’hui, devant le Congrès, Emmanuel Macron a simplement rappelé que sa politique de lutte contre la pauvreté ne serait pas « une politique de redistribution classique », mais un changement beaucoup plus profond, résumé d’une phrase : « Ne pas vivre mieux [dans la pauvreté], mais sortir de la pauvreté une fois pour toutes. »

Manu valse : Les parlementaires étaient obligés d’être présents, y avait-il des absents ?

B. B. : En effet, plusieurs parlementaires ont boycotté le discours du chef de l’Etat devant le Congrès, en dénonçant un exercice de communication « monarchique » à leurs yeux. Principalement les parlementaires de La France insoumise, mais aussi certains élus du parti Les Républicains.

Victor : C’est quand les vacances ?

B. B. : Concernant les parlementaires, les vacances ne sont pas encore officiellement arrêtées, mais elles devraient avoir lieu normalement à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août, une fois que la session parlementaire sera terminée.

Pour le gouvernement, le dernier conseil des ministres est prévu le 8 août, avec une dizaine de jours de vacances dans la foulée. Pour une partie des Français, elles ont déjà commencé depuis le week-end dernier.

Pour vous, Victor, je ne le sais pas, mais pour moi, assez prochainement :)

Alandrich : Puisqu’on parle beaucoup de la forme à propos d’Emmanuel Macron, a-t-il été convaincant aujourd’hui devant le Congrès ? Que pensez-vous de la tonalité générale donnée à son discours ?

B. B. : Il est toujours difficile (et risqué) de juger à chaud, quelques heures après un discours, de son caractère convaincant ou pas. Par petites touches, Emmanuel Macron a surtout cherché à refixer le cap de sa deuxième année à venir à l’Elysée, en insistant davantage sur la dimension sociale de sa politique et sur son « humilité » personnelle.

« Je ne peux pas tout, je ne réussis pas tout », a-t-il déclaré. A sa façon, c’est une manière de répondre aux principales critiques formulées à son encontre ces derniers temps : le manque de lisibilité générale de sa politique, jugée trop favorable aux plus aisés au détriment des classes populaires, et un manque d’empathie personnelle du chef de l’Etat. En soi, l’exercice est de ce point de vue instructif…