Le big bang annoncé au classement général a eu lieu à l’issue du contre-la-montre par équipes de Cholet, mais pas dans les proportions que l’on craignait : les équipes des favoris pour le classement général se regroupent dans les 13 premières positions et seulement 75 secondes séparent la BMC (Richie Porte) de l’équipe AG2R (Romain Bardet). Mardi, un Belge sera en jaune sur les routes du Tour de France, mais La Baule, lieu de départ de la quatrième étape, est très loin de Saint-Pétersbourg.

  • Froome n’est pas là où il pensait être

« T’es qui toi ? » / Peter Dejong / AP

Christopher Froome au milieu du paquet des favoris après le contre-la-montre, deux secondes derrière Alejandro Valverde et 20 derrière Rigoberto Uran ? Ce n’était vraiment pas le plan. On ne sait pas si l’on doit croire le quadruple vainqueur du Tour de France lorsqu’il nous dit, casquette sur le crâne et valisette en main : « On a de quoi être satisfaits, tout s’est passé comme prévu. C’est rassurant de reprendre du temps, même si j’aurais préféré ne pas en perdre. »

>> Le classement général du Tour de France

Dans les faits, le Team Sky a perdu pour quatre secondes le contre-la-montre par équipes dont il était favori, battu comme il y a trois ans par les spécialistes de la BMC. Alors que certains prédisaient un Tour de France carbonisé dès ce chrono compte tenu de la faiblesse dans l’exercice des adversaires principaux de Froome (la Movistar de Quintana, Landa et Valverde, l’AG2R de Bardet, la Bahreïn-Merida de Nibali ou Education First de Uran), tout ce beau monde est dans les mêmes eaux à l’exception de Nairo Quintana.

La faute à la chute de Froome le premier jour, bien sûr (perte de 51 secondes), mais la faute aussi aux faibles écarts produits par ce contre-la-montre par équipe. Très rapide, avec des portions montantes et descendantes qui nivellent les valeurs, le parcours a favorisé un resserrement des écarts. Et les équipes de Nibali et Uran ont fait bien mieux que prévu. Tout est remis à zéro ou presque, avant des étapes, sur la route de Mûr-de-Bretagne et Quimper, qui devraient donner lieu à de nouvelles surprises. Et il ne faut pas écarter que la Sky en soit parfois à l’intiative, à écouter Geraint Thomas : « Ce seront deux jours difficiles, pas autant que les Alpes, mais suffisamment pour faire mal aux jambes. (...) Beaucoup de choses vont encore se passer d’ici les Alpes. » Froome a d’ailleurs ajouté, comme un vœu pieux : « Il y a encore des favoris qui perdront beaucoup de temps avant la montagne. »

Deux éléments rassurent la Sky, toutefois : Froome, surpuissant dans la plus grosse côte du parcours, et surtout Geraint Thomas, qui a fait souffrir les coéquipiers rangés dans sa roue, sont forts ; et la position de Thomas, le mieux placé des favoris, ouvre à l’équipe britannique plusieurs options tactiques. On doute que l’aîné, moins sifflé dans le Maine-et-Loire qu’en Vendée, en soit authentiquement ravi.

  • L’équipe BMC court à neuf

Alors que toutes les équipes sont réduites à huit depuis ce Tour de France, il semble que la BMC se soit alignée sur l’ancien règlement et courre chaque étape à neuf : depuis le départ de l’épreuve, elle n’a que le nom d’Andy Rihs à la bouche.

Andy Rihs allait à rebours de la mode de l’anorexie chez les coureurs et se présentait chaque année au départ du Tour de France avec un peu plus d’embonpoint que l’année précédente. La silhouette ajoutait à la bonhommie de ce Suisse rigolard, souvent habillé aux couleurs de son équipe avec laquelle il aimait défiler sur les Champs-Elysées. On le voyait moins dans les cols : Andy Rihs était le propriétaire de l’entreprise de cycles BMC et mécène de l’équipe. Il est mort le 18 avril à l’âge de 75 ans.

Avant BMC, il avait sponsorisé l’équipe Phonak, du nom de l’entreprise d’appareils auditifs dont il était co-fondateur. Une mauvaise affaire : l’équipe est surtout restée célèbre pour les affaires de dopage, notamment le contrôle positif de Floyd Landis durant son Tour de France victorieux.

A Cholet, après la victoire, les coureurs de la BMC ont soufflé à tous les micros le nom d’Andy, avec une telle évidence qu’on ne prononce plus son nom de famille. Richie Porte, lorsqu’on lui demande quel est le contre-la-montre par équipe le plus importnt dans sa carrière : « Sur le Tour de Suisse (en juin, ndlr), pour Andy Rihs, dans son pays, c’était le plus fort. » Michaël Schär, Suisse alémanique lui aussi : « Le maillot jaune, c’est un rêve pour nous, pour BMC, pour Andy qui n’est plus avec nous. Il a beaucoup apporté, pas seulement dans (le financement de) l’équipe mais aussi l’esprit. Il nous donnait le moral. C’est le seul patron dont la présence nous apportait du réconfort plutôt que du stress. Il était toujours de bonne humeur. Quand j’ai pris mon dernier relais, j’ai pensé à lui et j’en ai fait un peu plus. »

Pour le Tour de France, la BMC a inscrit le « hashtag » #WeRideforAndy (On court pour Andy) sur le flanc de son car luxueux.

La disparition d’Andy Rihs a incité la firme de cycles à se désengager de ce sponsoring coûteux, disproportionné par rapport à ses revenus. La BMC cherche un nouveau sponsor et Richie Porte, son leader, est déjà annoncé chez Trek-Segafredo l’an prochain. En conférence de presse, Greg Van Avermaet a fait le trait d’union entre les deux sujets : « On mérite vraiment un nouveau sponsor pour poursuivre le rêve d’Andy. »

  • Bardet : pas génial, mais pas pire. Mais pas génial

Romain Bardet en dernière position - de son équipe sur cette photo, des favoris au général sur cette étape. / Christophe Ena / AP

L’exercice s’annonçait périlleux : sur un chrono par équipes à peu près similaire, le mois dernier au Critérium du Dauphiné, les AG2R avait roulé une minute trente de plus que les Sky. Douzièmes à Cholet, Bardet et ses camarades leur concèdent cette fois une minute et onze secondes au bout de 35,5 kilomètres. C’est mieux. Disons que c’est moins pire. « Soulagé », Romain Bardet : « C’est un exercice qu’on redoute toujours dans une équipe majoritairement composée de grimpeurs, mais on a réussi à réduire la marge par rapport à Sky. C’est correct. »

L’affaire était mal embarquée pour le diesel AG2R, dont le premier tiers de course - 31 secondes de retard sur la Sky après 13 kilomètres - a procuré quelques bouffées de chaleur au manager Vincent Lavenu dans sa voiture : « Quand on regarde le premier écart et qu’on fait une projection mathématique, on peut se dire “aïe”… Mais on ne s’est pas affolé. On a l’habitude d’avoir un peu de mal à mettre en route et de bien terminer, c’est ce qui s’est passé. Donc le bilan est bon. »

Le bilan : Bardet a perdu 71 secondes sur Froome, qui lui en avait cédé 51 dans sa chute de la première étape. Merci Rick Zabel - le cycliste de Katusha qui a plus ou moins fait tomber le quadruple vainqueur du Tour samedi -, grâce à qui les apparences sont sauves. Vingt secondes de retard sur Froome après cette étape : « Si on nous l’avait dit avant le Tour, on aurait signé tout de suite, bien sûr », dit Lavenu.

« On est dans les clous, mais on n’a fait que trois étapes, compte Bardet. Vingt secondes, ce n’est pas grand-chose compte tenu de ce qui nous attend. Il n’y aura pas d’étape relax, c’est la guerre tous les jours. On sait que ça va se jouer à coups de secondes. » Le Français n’en a pris à aucun favori aujourd’hui. Il en a même cédé 9 à Nibali, 22 au trio de la Movistar (Quintana - Landa - Valverde), 40 à Uran, 64 à Dumoulin, 71 à Thomas et 75 à Porte. Ça aurait pu être pire, donc, mais ça aurait aussi pu être mieux.