La chaîne Muséonaute est consacrée à l’histoire de l’art. / CAPTURE D’ÉCRAN YOUTUBE

Leurs visages et leurs noms ne vous disent peut-être rien, mais les grands musées, les maisons d’édition et les festivals misent de plus en plus sur eux. Le Fossoyeur de Films, Révisons Nos Classiques, Art Comptant Pou Rien, Bulledop, Muséonaute, etc. sont autant de chaînes YouTube qui collaborent régulièrement avec le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, La Monnaie de Paris ou les éditions Albin Michel.

En février 2016, le Musée du Louvre est parmi les premiers à leur avoir laissé carte blanche dans ses salles. Pourtant, ces youtubeurs ne cumulent au mieux que quelques milliers de vues par vidéo, bien loin des 61 millions d’Apshit, le clip de Beyoncé et Jay-Z tourné dans le plus grand musée du monde.

De plus en plus d’institutions culturelles se disent séduites par le ton décalé qu’adoptent les jeunes vidéastes et qui contribue à désacraliser leur image. Pour Adel Ziane, directeur de la communication du Louvre, ce sont eux les vrais « ambassadeurs du musée ». La plateforme de partage de vidéos en ligne fait désormais partie intégrante de la stratégie de communication de grands organismes culturels.

Pas une fin en soi

Deux profils de youtubeurs culture se distinguent. Le premier, le plus précaire, concerne des étudiants ou de jeunes diplômés. Le thème de leurs vidéos est souvent lié à leur domaine d’études qu’ils cherchent à vulgariser. Mais si un partenariat en entraîne aisément d’autres, les moyens des jeunes vidéastes deviennent vite limités, leurs interlocuteurs n’estimant pas toujours nécessaire de les rémunérer. « Le contenu que nous produisons est certes de la médiation mais il relève aussi de la communication. Sauf que que si les musées sont prêts à investir des milliers d’euros dans des produits dérivés, ce n’est pas le cas pour les youtubeurs qu’ils invitent », explique Chloé de la chaîne Muséonaute, consacrée à l’histoire de l’art.

Le second profil s’en sort mieux. Il se compose de vidéastes plus aguerris, ayant déjà exercé une autre activité professionnelle. Ils peuvent donc s’appuyer sur leurs économies pour développer leurs activités de youtubeurs. Ils exigent également plus rapidement d’être rémunérés. Pour eux cependant, YouTube n’est pas une fin en soi. « Aujourd’hui, je suis autoentrepreneur, je ne suis pas que youtubeur, dit Guillaume, aux manettes de la chaîne Révisons Nos Classiques, consacrée à la musique classique. Je me considère plutôt comme une agence de communication, tout en gardant ma ligne éditoriale. Au-delà de YouTube, je souhaite être à terme un média global, produisant des contenus à destination de tous types de supports ».

« Des contrats un peu hybrides »

Un youtubeur culture bien établi vit en général de trois sources de financement : les revenus publicitaires de YouTube, du crowdfunding et surtout les partenariats. Pour ces derniers, il existe autant de formes de contrats que de structures : bénévolat, prestataires en communication, accréditation presse, blogueur… « Ce sont toujours des contrats un peu hybrides. Le métier est nouveau et recouvre plein de facettes différentes. Chaque youtubeur est un vrai orchestre, à la fois auteur, réalisateur, comédien, etc. Mais les normes s’établissent progressivement », affirme François Theurel, de la chaîne consacrée au cinéma, Le Fossoyeur de Films.

La rémunération est variable. La Monnaie de Paris, par exemple, recourt à une agence chargée de recruter les youtubeurs. « C’est elle qui fixe les rémunérations en fonction de la taille des influenceurs et de leur expertise dans le domaine concerné », indique le community manager du musée, Nicolas Cazaux. Autrement dit, plus le nombre d’abonnés est élevé, plus le youtubeur a de poids dans la négociation. Et la concurrence est rude.

Une communauté très fidèle

En revanche, toutes les institutions culturelles s’accordent pour les désigner sous le terme d’« influenceur ». Si leur communauté peut sembler réduite par rapport aux millions d’abonnés des stars de la plateforme, elle est cependant très fidèle. Les éditions Albin Michel n’hésitent pas à cibler les youtubeurs en fonction de l’auteur à promouvoir, afin de créer des affinités. « L’idée, c’est de mettre en place un cercle vertueux pour que les auteurs, les libraires, les booktubeurs et les lecteurs communiquent entre eux et s’influencent », indique Mickael Palvin, directeur marketing de la maison d’édition.

Difficile toutefois d’évaluer les retombées économiques d’une telle stratégie en dehors du nombre de vues et des commentaires. « Il n’y a pas de traçabilité, c’est un bruit, un engouement, mais les prescriptions se font, ça c’est sûr », assure Mickael Palvin.