Froome qui perd sans doute la course, Bouhanni qui s’impose enfin sur la Grande Boucle, le Tour qui s’incline devant la Coupe du monde : on nous promettait cinq heures d’ennui pour la 4e étape entre La Baule et Sarzeau, ce fut un feu d’artifice continu. On se souviendra de ce 10 juillet.

Christopher Froome, tête basse. / JACQUES RADIX / AFP

  • Froome victime de la Ventoline

Ils avaient fait le coup lors du dernier Tour d’Italie, ils ont remis ça en Bretagne, mais cette fois, c’est beaucoup moins drôle. Deux petits malins déguisés en infirmiers et transportant un pulvérisateur de Ventoline géant, déjà aperçus courant à côté de Chris Froome sur le bord de la route du Giro il y a deux mois (photo ci-dessous), ont refait la même blague en France. La chute est moins réussie, puisqu’elle a entraîné celle du quadruple vainqueur de Tour et l’a sans doute privé d’un cinquième.

Son guidon s’est pris dans la blouse de l’un de ces pseudo-facétieux spectateurs à la sortie de Saint-Jean-La-Poterie, à soixante bornes de l’arrivée. Froome a chuté lourdement sur le bitume brûlant et sur son poignet gauche, comme il y a quatre ans. Le temps des soins, des points de suture et de l’attelle posés en catastrophe, le peloton s’était envolé. Escorté par trois coéquipiers, Froome termine à 12 minutes. Pour le quintuplé, rendez-vous l’an prochain.

  • Le Tour victime de la FIFA

On avait vu venir le problème de loin : dimanche 15 juillet, la 9e étape du Tour doit arriver vers 16 h 30 à Roubaix, une demi-heure à peine avant le coup d’envoi de la finale de la Coupe du monde. Délai jugé trop court par un très grand nombre de coureurs, de salariés du Tour, et surtout de journalistes, qui redoutent, à raison, d’être encore en plein décrassage, en plein démontage, ou en pleine écriture au moment du match, et d’en rater une bonne partie.

Face à ce qui ressemblait à un début de fronde, nous apprend une source interne chez ASO, Christian Prudhomme a directement appelé le patron de la FIFA Gianni Infantino pour le prier de décaler de deux heures le coup d’envoi de la finale. Nous n’avons pas les détails de la conversation, mais étrangement, c’est finalement le Tour de France qui a dû avancer l’étape des pavés : la 9è étape du Tour partira à 6 heures du matin, pour que tout le monde ait le temps de prendre l’avion en direction des Alpes et regarder la finale à la fraîche avec un génépi.

  • Le gratin du sprint victime de Bouhanni

Nacer Bouhanni, tête haute. / JOSEP LAGO / AFP

Enfin ! La 4e participation au Tour aura été la bonne pour Nacer Bouhanni, qui met fin à la malédiction et remporte sa première étape sur le Tour de France à Sarzeau. Superbe tir groupé tricolore en Bretagne, puisque le sprinteur Vosgien devance d’un boyau Bryan Coquard et Gilbert Duclos-Lassalle.

Bien. Cessons.

Nacer Bouhanni qui remporte un sprint sur le Tour, c’était sans doute un peu trop gros, ne serait-ce que parce qu’il ne le dispute pas cette année. Vous l’aurez compris, pas un traître mot ci-dessus n’est vrai. Mais puisque de toute façon, à l’heure où s’écrivent ces lignes, vous n’avez d’yeux que pour ce qui se passe à Saint-Pétersbourg, on s’est dit qu’on pouvait écrire n’importe quoi.

Veuillez trouvez, ci-dessous, les trois véritables leçons de la 1ère étape de Bretagne du Tour remportée au sprint par le Colombien Fernando Gaviria (Quick-Step Floors). On vous laisse, il y a de la route entre Sarzeau et Saint-Petersbourg et on n’aimerait pas rater le coup d’envoi. Allez les Bleus. Vive le vélo.

  • La demi-finale France-Belgique a lieu ce soir

Et certains coureurs des deux pays les plus représentés sur le Tour (35 Français, 19 Belges), interrogés dix fois, cent fois, mille fois à propos de ce match ces derniers jours, doivent secrètement espérer l’élimination de leur équipe. Double peine pour les malheureux Français courant pour une formation belge, et vice-versa, qui n’en peuvent plus. « Ça chambre au sein de l’équipe ? », « Ça va être bizarre de regarder le match avec l’adversaire ? », etc.

Anthony Perez et Jérôme Cousin ne discutant pas de la titularisation de Blaise Matuidi. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

En même temps, ce mardi, Julien Simon, Anthony Perez, Dimitri Claeys et Guillaume Van Keirsbulck n’ont rien fait pour y mettre fin : deux Français et deux Belges échappés ensemble pendant 194 kilomètres… Fatalement, la question est tombée sur Dimitri Claeys : « C’était marrant quand même, parce que vous étiez deux Belges et deux Français, est-ce que vous avez eu le temps parler de la demi-finale de ce soir ? » Silence consterné. « Oui, on a parlé de football pendant 200 kilomètres alors qu’il faisait 35 degrés, on n’a fait que parler de la tactique du match de ce soir. »

Avant l’étape, le Français de l’équipe belge Wanty, Guillaume Martin, nous disait sa détresse face à la répétition des questions sur le sujet. Après l’étape, Oliver Naesen, le Belge de la formation française AG2R, est venu sur le plateau de France Télévisions. « Ça va être drôle ce soir, vous êtes le seul Belge au milieu des Français !
- Ça va pas être si drôle que ça parce qu’on a perdu Axel Domont. Il s’est cassé la clavicule (cf. infra).
- Ah, c’est le coup dur. »

Vivement demain.

  • Bardet en infériorité numérique

Axel Domont a subi sa sixième fracture de la clavicule, la première sur l’épaule droite. / POOL / REUTERS

Pas une journée sans crash spectaculaire depuis le début du Tour, celui de la 4e étape a eu lieu à 5 kilomètres de l’arrivée, et il a coûté du temps à une soixantaine de coureurs - parmi lesquels aucun favori -, arrivés plus ou moins attardés. Une minute trente de débours, par exemple, pour Guillaume Martin, le cyclisto-philosopho-chroniqueur au Monde, dont vous pouvez lire la première livraison ici.

Romain Bardet, lui, a perdu l’un de ses meilleurs potes dans la bataille, Axel Domont, lequel y a lui-même laissé sa clavicule droite, fracturée, et gagné un traumatisme crânien en échange. Abandon, et en route pour l’hôpital de Vannes pour le grimpeur d’AG2R qui devait jouer un rôle dans les premiers cols des étapes de montagne auprès de Romain Bardet. Lequel accuse désormais un retard de vingt secondes et un coéquipier sur Chris Froome.

  • La Quick-Step s’occupe de tout

Et elle fait bien, puisque généralement, elle gagne. Pour la 49è fois cette saison, un coureur de Quick-Step a levé les bras à l’arrivée. Pour la 9è fois cette saison, c’était Fernando Gaviria. Et pour la 1267è fois cette saison, l’équipe de Patrick Lefévère a eu l’impression qu’elle faisait tout toute seule. On l’avait croisé dimanche, au départ de Mouilleron-Saint-Germain et Lefévère avait sorti d’un air tranquille :

« Vous avez déjà vu une course où on n’ait pas pris nos responsabilités ? Parfois je me dis qu’heureusement qu’on est là dans le cyclisme. Si on n’était pas là pour animer les classiques du Nord, ce serait vraiment ennuyeux. Hier, je n’ai pas vu Bora (l’équipe de Peter Sagan, ndlr) jusqu’à 3 kilomètres de l’arrivée. »

Fernando Gaviria, soulagé de savoir que personne ne lui posera de questions sur la Coupe du monde en conférence de presse, puisque la Colombie est éliminée. / BENOIT TESSIER / REUTERS

Ce mardi, c’est Brian Holm qui a dégainé le concept de « Mickey Mouse teams » pour qualifier ceux qui ne roulent pas (Bora et Katusha sont particulièrement visées, croit-on comprendre, puisqu’elles sont restées invisibles toute la journée ou presque).

« C’est étrange de voir des équipes avec de grands sprinteurs qui ne roulent pas du tout. Certaines équipes de Mickeys resteront des équipes de Mickeys, car elles courent comme des équipes de Mickeys. Ils ne gagneront jamais. »

C’est la loi du genre : quand un sprinteur domine les autres, c’est un bon prétexte pour les autres équipes de sprinteurs de refuser de faire leur part de travail derrière les échappés. Et ça ne risque pas de s’arranger pour le « roule-toujours » de la Quick-Step, le colosse Tim DeClercq. Avec deux étapes remportées sur trois étapes en ligne disputées sur le Tour de France, Fernando Gaviria a, haut la main, le meilleur ratio de réussite de tous les cyclistes de l’histoire.

Demain, Brian Holm envisageait un « day off » pour ses équipiers. L’étape pourrait pourtant convenir à merveille à Julian Alaphilippe, dont on ne savait pas ce qui le rendait plus heureux, mardi à Sarzeau, de la victoire de Gaviria ou de la défaite de ses adversaires.

« Je suis content parce que les autres ne jouent pas toujours le jeu. Dans le final ils ont venus bosser quand ils ont vu que c’était la panique, pour espérer pouvoir gagner. Mais c’est nous qui avons fait le travail toute la journée. »

Une analyse que les chiffres ne confirment pas tout à fait : entre les kilomètres 155 et 175, à vingt kilomètres de l’arrivée, la Quick-Step a assuré la moitié des relais, le reste se répartissant entre l’équipe du maillot jaune (BMC) est les autres équipes de sprinteurs.