Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, le 24 octobre 2017 à l’Assemblée nationale. / ERIC FEFERBERG / AFP

Un cap conservé, quelques ajustements et un manque criant d’explications. C’est ce que les députés de la commission des finances de l’Assemblée nationale ont retenu, mardi 10 juillet, de la stratégie budgétaire de l’exécutif, à quarante-huit heures du débat d’orientation des finances publiques. C’est peu dire que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et son homologue des comptes publics, Gérald Darmanin, sont attendus de pied ferme jeudi dans l’Hémicycle pour détailler la trajectoire budgétaire et répondre aux députés.

« Ne me demandez pas des précisions sur des questions que je pose moi-même au gouvernement ! », a d’ailleurs lâché Joël Giraud, le rapporteur de la commission des finances, mardi. Son rapport, élaboré à partir des éléments fournis par l’exécutif, relève une différence majeure par rapport au programme de stabilité envoyé fin avril par Paris à Bruxelles : le gouvernement a renoncé à son objectif d’excédent budgétaire de 0,3 % du PIB d’ici à la fin du quinquennat. Il prévoit seulement un retour à l’équilibre des comptes publics en 2022. Une différence de quelque 6 milliards d’euros, qui prend en compte la suppression de la taxe d’habitation (TH) à partir de 2020, y compris pour les 20 % les plus aisés. « La suppression totale de la TH sera entièrement financée par le déficit », a fustigé Charles de Courson (Les Constructifs).

Déficit légèrement meilleur

Pour le reste, l’exécutif table sur un déficit légèrement meilleur en 2019 (– 2,3 % contre – 2,4 % auparavant). La dette publique atteindra 89,7 % du PIB (contre 89,2 % prévus au printemps). La baisse des dépenses publiques (51 % du PIB en 2022) et celle du taux de prélèvement obligatoires (44 %) devraient être un peu plus rapides sur le quinquennat. Mais le projet de loi de finances 2019, qui sera présenté à l’automne, demeure particulièrement flou.

Sur le contexte économique d’abord. Le gouvernement confirme son objectif de 2 % de croissance du PIB cette année, alors que l’Insee table sur seulement 1,7 %. « Cela fait 4 milliards de recettes en moins. Ça ne marche pas », a taclé la socialiste Valérie Rabault, la présidente du groupe Nouvelle Gauche. « La cible de déficit public pour 2019 pourrait être relevée à 2,6 % du PIB en cas de fléchissement de la croissance en 2018 et 2019 », précise le rapport de M. Giraud.

Deuxième interrogation : sur les recettes, avec les incertitudes entourant le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu –, la Cour des comptes avait fait état fin juin d’une différence possible de 2 milliards d’euros en 2019, à la hausse ou à la baisse.

Mais l’enjeu principal concerne les dépenses, alors que le gouvernement n’en finit pas de tergiverser sur les annonces à faire à partir du rapport Action publique 2022. Après une hausse de 1,5 % (hors inflation) en 2017, leur augmentation devrait freiner à seulement + 0,7 % prévue en 2018, puis + 0,4 % en 2019, avant de s’intensifier encore (+ 0,3 %, + 0,2 %, + 0,1 % entre 2020 et 2022). Ont aussi été annoncées 120 000 suppressions de postes de fonctionnaires en cinq ans, là non plus sans détail.

« Pas sérieux »

Enfin, M. Giraud a déploré de ne pas encore avoir reçu le document censé détailler les crédits alloués par ministère pour 2019 – il n’avait été communiqué qu’à quelques heures du débat public l’an dernier. Si l’exécutif s’en tenait à la loi de programmation des finances publiques votée fin 2017, « les plafonds de crédits de treize missions [travail, cohésion des territoires…] [devraient] diminuer entre 2018 et 2019, pour un total de 4,8 milliards d’euros. [Ceux] de quinze missions augmenteront [insertion, santé, défense…], pour 6,1 milliards d’euros », précise M. Giraud.

« Le gouvernement passe à côté d’un moment (…). Cela aurait été bien d’engager maintenant un débat sur la baisse des dépenses », a observé Eric Woerth, le président LR de la commission des finances. « Reporter les efforts dans les deux dernières années du mandat n’est pas sérieux », a renchéri sa collègue Véronique Louwagie.

Une première salve d’annonces était attendue mercredi 11 juillet. Gérald Darmanin devait rencontrer ses principaux directeurs d’administrations pour « échanger [sur] les projets de transformation » de Bercy, indiquait son entourage. Les syndicats redoutaient des suppressions de postes.