« Je chante la musique traditionnelle capverdienne ». Deux trois mots, osés en français, pour se présenter, un sourire timide, et Lucibela, née en 1986 à São Nicolau, l’une des îles de l’archipel sahélien, se met à chanter. Comme elle l’a toujours fait, dans les bars, les clubs ou la rue des îles du Cap-Vert. Avec une joie simple et sans chichis.

Invitée par le festival Les Suds à Arles, dont la 23e édition s’est ouverte le 9 juillet, elle se produit le 10 en début de soirée, dans le cadre intimiste de la cour de l’Archevêché. Les musiciens assis l’accompagnent, avec une belle délicatesse (notamment le guitariste Aldair Lima Da Costa Neves). D’une voix douce et nuancée, la chanteuse enchaîne mélancoliques mornas et pétillantes coladeiras, les deux genres musicaux que Cesaria Evora (décédée le 17 décembre 2011) a su faire aimer au monde. Le répertoire de Lucibela provient essentiellement du premier album de la chanteuse, Laço Umbilical, paru en février sur le label Lusafrica, créé par José Da Silva, découvreur et producteur de Cesaria Evora.

« Je suis capverdienne et je vais vous interpréter un funana des années 1980 ». Invitée de Gilberto Gil, qui ouvrait, peu après 22 heures, la première des soirées au théâtre antique du festival, Mayra Andrade lance l’énergique Compasso Pilom. C’est une composition de Bulimundo, un groupe formé en 1978 (trois ans après l’indépendance du Cap-Vert), pionnier de la rénovation de ce genre rural. La chanteuse tient en main le « ferrinho », l’indispensable bout de fer, vigoureusement gratté au couteau, qui assure le tempo de ce style nerveux, joué à l’accordéon (« gaita », au Cap-Vert), emblématique de l’île de Santiago, la plus « africaine » de l’archipel, celle de sa capitale, Praia.

La chanteuse capverdienne Mayra Andrade. / COAST COMPANY

Une énergie solaire

Frétillant comme un jeune homme, Gilberto Gil (76 ans) est sous le charme. La fièvre monte dans le théâtre antique quasi plein (pas loin de 2 500 spectateurs). Dehors, les klaxons fêtent la victoire de l’équipe de France en demi-finale du Mondial de football ; ici on célèbre les 40 ans de Refavela, l’un de ses albums les plus irrigués de sa revendication de négritude, paru l’année où il participait au Festac77, festival des arts et de la culture noirs, organisé à Lagos, au Nigéria.

Quelques heure avant ce concert où elle reprenait également deux ou trois titres de Refavela et participait aux chœurs, Mayra Andrade clamait son bonheur. « J’ai conscience de faire une tournée avec quelqu’un qui a pour moi la dimension de Fela Kuti ou Bob Marley. » Après cette aventure, la chanteuse reprendra le cours de ses affaires personnelles, avec la sortie d’un nouvel album, Manga, enregistré entre Abidjan et Paris (parution prévue en octobre, chez Sony). lnstallée à Lisbonne depuis bientôt trois ans, comme Lucibela, qui est venue y vivre en quittant le Cap-Vert, après quatorze années à Paris, Mayra Andrade dit trouver une énergie solaire à cette ville, « où l’on n’a pas besoin que tout soit sur la table pour faire un bon repas. On se débrouille avec ce qu’il y a ».

Les Suds à Arles, jusqu’au 15 juillet. Avec Alba Molina, Aman Doktor/Djam Live (Tony Gatlif), Xylouris White, Altin Gün… le 12 ; Trio Joubran, Puerto Candelaria, 47Soul… le 13 ; Love I Obey (Rosemary Standley), Yom & The Wonder Rabbis, Cannibale… le 14. www.suds-arles.com

Lucibela en concert au festival Rhizomes à Paris (Square Rachmaninov) le 14 juillet, au festival Là c’est de la musique à Avignon (Vaucluse) le 15, aux Mardis de l’été à Nérac (Lot-et-Garonne) le 17, à Eclats – Festival de la Voix à Dieulefit (Drôme), au New Morning à Paris le 29 novembre.

Mayra Andrade en tournée en octobre dont le 23 au festival Worldstock, aux Bouffes du Nord, à Paris.