Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a annoncé une baisse de 400  millions d’euros des crédits aux CCI d’ici 2022. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Le couperet est tombé mardi 10 juillet. En annonçant, devant l’assemblée générale des chambres de commerce et d’industrie (CCI), une baisse de 400 millions d’euros des crédits alloués au réseau d’ici à 2022, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a confirmé l’intention du gouvernement de trancher dans le vif. « Il y aura un impact sur les personnels », a-t-il reconnu, estimant que les chambres consulaires devaient maintenant se « réinventer ».

Ce coup de rabot, dont le montant avait filtré la semaine dernière, a suscité un mouvement de colère dans les CCI. Lundi et mardi, des débrayages et des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, de la Gironde à la Moselle. Et même si le ministre s’est défendu de « faire une croix » sur ces établissements « nés sous Henri IV, en 1559, à Marseille », nombreux sont ceux à se demander s’ils survivront à la saignée. Sur les 31 000 salariés des 126 CCI, 2 500 équivalents temps plein sont susceptibles de disparaître, selon des estimations évoquées dans le rapport de l’inspection générale des finances remis en mars au gouvernement.

Angoisse du personnel

L’angoisse est d’autant plus forte, du côté du personnel, que ce n’est pas la première fois que les chambres sont mises à contribution pour diminuer la dépense publique. Depuis 2012, les taxes de frais de chambres dont s’acquittent les entreprises n’ont cessé de fondre, provoquant des vagues de départs volontaires et des suppressions de poste dans le réseau. Un peu plus de 1 000 personnes ont quitté la CCI de Paris-Ile-de-France, entre 2015 et 2016, soit 20 % des effectifs. La chambre de l’Essonne est allée jusqu’à symboliquement mettre en vente ses locaux d’Evry sur le site Le Bon Coin en octobre, pour protester contre la décision de l’exécutif de réduire (déjà) de 150 millions d’euros les crédits en 2018. Une coupe qui devait être la seule du quinquennat.

Conscient des efforts « considérables » qu’il demande à nouveau au réseau, M. Le Maire s’est voulu rassurant : « Si, à un moment donné, il faut ralentir parce qu’il pourrait y avoir de la casse, parce que ça ne passe pas, eh bien nous ralentirons », a-t-il promis. En attendant, les CCI doivent impérativement se recentrer sur « leurs missions prioritaires, qui justifient le recours à une taxe affectée ». Trois surtout : l’aide à la création d’entreprises, la formation initiale dans les territoires, par le financement des écoles de commerce, et la représentation des sociétés à l’échelle locale.

La CCI de Paris-Ile de France, première concernée

Les économies ainsi dégagées seront « intégralement rendues aux entreprises par une baisse à due concurrence des impôts de production CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises] et CFE [cotisation foncière des entreprises] », a souligné le ministre. Deux députées de La République en marche, Stella Dupont et Valérie Oppelt, sont chargées d’accompagner le chantier. Un big bang censément facilité par la future loi sur la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) qui devrait permettre aux chambres de poursuivre des activités marchandes et de recruter des personnels de droit privé. Les salariés bénéficient aujourd’hui d’un statut hybride, bien qu’ils soient considérés comme agents publics de l’Etat.

Première concernée par la réduction des ressources fiscales, la CCI de Paris-Ile de France pourrait voir son budget baisser de quelque 100 millions d’euros d’ici quatre ans. Anticipant sur l’annonce, elle a déjà adopté un plan stratégique qui vise à filialiser ses activités ne relevant pas directement des missions prioritaires. Un virage à 180 degrés vers le privé, calqué sur ce qui se fait déjà au sein de sa branche congrès et salons, et le développement d’activités marchandes. « On a le même modèle de développement que La Poste, explique Didier Kling, son président. Face à une baisse constante du courrier, l’entreprise a dû diversifier ses sources de revenus. Nous suivons la même voie. »

Le président régional a également annoncé à HEC, l’Essec et l’ESCP, trois écoles de commerce qui lui appartiennent, qu’elles devront se passer de subventions d’ici trois ans. Pour assurer leur développement, « la seule solution est d’aller chercher des capitaux privés », estime Didier Kling, souhaitant doter d’un statut juridique chaque établissement. Au total, 19 écoles de management sont gérées par la chambre.

Mais toutes les CCI ne pourront pas s’aligner sur ce modèle. Les plus fragiles craignent de disparaître purement et simplement. « C’est catastrophique et sans précédent. Pour nous, réformer, il n’y a pas de problème, mais la purge est tellement immense que ce n’est pas tenable », a déclaré à Reuters Pierre Massy, président de la CCI de Limoges (Vienne).