De Pont-Aven au Menez Quelerc’h, de Saint-Goazec à la montagne de Locronan, le Tour a fait étape mercredi au pays des festou-noz et des elfes, et sacré son plus fameux farfadet à Quimper. Peter Sagan, encore irrésistible dans la côte finale de Stang Bihan, remporte sa deuxième étape et égalise face à Fernando Gaviria. Cinquième étape plus calme que prévu, pour le reste, à l’issue de laquelle Greg Van Avermaet conserve le maillot jaune malgré les tentatives des Quick-Step.

Peloton seulement demi-écrémé, voire pas du tout écrémé, à l’arrivée à Quimper. / STEPHANE MAHE / REUTERS

  • C’est quand on s’y attend le moins qu’on peut perdre le Tour. Mais l’inverse est aussi vrai

Que d’efforts pour pas grand-chose : Thierry Gouvenou, directeur sportif du Tour de France, avait beaucoup misé sur le final tortueux et en toboggan de l’étape de Quimper, dessiné avec soin. Depuis deux jours, les équipes de favoris craignaient cette étape comme la peste et s’attendaient à perdre des secondes sur une crevaison au mauvais moment, une chute ou une cassure sur un mauvais placement. Du coup, elles étaient très vigilantes. Et du coup, il ne s’est absolument rien passé. Le peloton est arrivé à Quimper garni comme une corbeille VIP en finale de Coupe du monde : une centaine de coureurs ensemble au pied de la bosse finale, et 37 coureurs dans le même temps que Peter Sagan, dont tous les favoris.

C’est dire tout ce qui sépare le Tour de France du Tour du Finistère : une course de Coupe de France au parcours voisin, et dont le peloton avait explosé au fil des ascensions, 15 coureurs se disputant la victoire au sprint à Quimper. Alors, pourquoi le menez a-t-il accouché d’une logodenn ?

« Tout le monde roule à un super niveau, tout le monde est structuré, et heureusement qu’il n’y a pas eu de chutes, analyse Nicolas Portal, directeur sportif de la Sky, qui a fait la course en tête dans les derniers kilomètres. Dans le final, s’il y avait eu une petite chute, il y en aurait eu de partout. C’est ce qu’on voulait éviter. Le tracé du final, aussi, fait que l’entrée de la dernière bosse se passe bien. »

Pour Julien Jurdie, son homologue de chez AG2R-La Mondiale, le rythme imposé toute la journée par la BMC derrière l’échappée a aussi empêché la course de se décanter : « Certaines équipes avaient peut-être une stratégie d’accélérer dans les 15 derniers kilomètres, mais la fatigue s’est installée à cause du rythme. Il aurait fallu un gros coup d’accélérateur d’une équipe et personne n’a osé le mettre. »

La Sky a en tout cas pu se rassurer, si toutefois elle en doutait après la chute de Chris Froome lors du premier jour, sur la solidité de son collectif, qui a permis au Britannique de rouler sur coussin d’air dans ces derniers kilomètres scabreux.

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    Et en plus, Sagan se fend d’une danse des canards au moment de franchir la ligne. Quelle insolence.

    Peter Sagan a la victoire moqueuse

Même s’il en sort rarement quelque chose d’intéressant, Peter Sagan a une grande bouche. Nouvelle illustration en conférence de presse où le Slovaque, en train de déjà se tricoter déjà un sixième maillot vert (33 points d’avance sur Fernando Gaviria), s’est gentiment moqué de deux de ses adversaires du jour.

Sagan a ainsi remercié le maillot jaune Greg Van Avermaet d’avoir attaqué à 300 mètres de l’arrivée, c’est-à-dire trop loin sur une arrivée en faux plat montant : « Greg a sprinté vraiment très tôt, c’était le poisson pilote parfait pour moi et Sonny. Merci Greg, du coup. »

En réalité, le Belge a expliqué qu’il s’agissait aussi pour lui de ne pas laisser partir son compatriote Philippe Gilbert, lequel menaçait son maillot jaune. Mais Sagan n’allait pas passer une occasion de se payer son ancienne bête noire, avec qui il adore s’asticoter durant la campagne des classiques – Sagan mène deux « monuments » à un, depuis sa victoire sur Paris-Roubaix cette année.

Il y eut aussi Sonny Colbrelli, déjà deuxième derrière Sagan à La Roche-sur-Yon, dimanche :

« J’ai parlé avec lui pendant l’étape, je lui ai dit : “Ne me surprends pas, hein, me fais pas de blague.” Il m’a dit : “Allez Peter laisse-m’en une, juste une.” Je lui ai répondu : “Sonny, si tu essaies encore, tu y arriveras un jour.” »

Heureusement pour lui, ce Sonny-là a des manières délicates. C’est pas comme d’autres.

  • Les « petits » pays aiment les petits pois

Le maillot à pois s’accroche volontiers aux épaules des cyclistes des « petits » pays en ce début de Tour. Toms Skujins, qui l’a conquis aujourd’hui, nous vient de Lettonie, 2 millions d’habitants. Son précédent propriétaire Dion Smith, est originaire de Nouvelle-Zélande, 4,6 millions d’habitants. Quant au premier maillot à pois du Tour, il s’agissait de Kevin Ledanois, de la Fortunéo-Samsic, équipe domiciliée en Bretagne, 3,3 millions d’habitants.

A peine désigné maillot à pois, le type essaie déjà d’imiter Usain Bolt. / JEFF PACHOUD / AFP

Ce scénario n’avait pas été prévu au briefing d’avant-course, mais le garçon de 27 ans devient le premier Letton de l’Histoire à enfiler un maillot distinctif du Tour, et Riga risque d’être en transe ce soir pour fêter ça. « Oui, enfin, c’est surtout parmi les cyclistes que ce maillot va un peu faire parler », nous calme le sympathique Toms, néophyte sur la Grande Boucle, vaguement francophone depuis ses années au Vélo club La Pomme Marseille, qui se dit tout de même « très fier ».

Au classement de la montagne, Skujins – prononcer « skeuyns », selon le speaker du Tour, « skouïnz » selon Alain Gallopin, son directeur sportif – devance Sylvain Chavanel, qui compte autant de points que lui (4), mais est passé en tête au sommet de moins de côtes de troisième catégorie (1 contre 2). « J’ai 0 point d’avance, c’est difficile de faire plus serré, mais si tu es devant, tu es devant », constate le Letton, réputé le mec cool du peloton. On l’a vu se pointer à la signature au départ avec un vélo électrique, qui avait l’avantage d’être équipe d’une sonnette pour écarter les passants (ce qui n’est pas le cas des vélos de course, alors que ce serait rudement pratique pour se frayer un chemin en tête de peloton).

Voilà donc la Lettonie placée sur la carte du cyclisme, un haut fait de plus pour Skujins, jusqu’à présent connu des amateurs de cyclisme pour une victoire d’étape sur le Tour de Californie d’il y a deux ans, et des amateurs de maxigamelle pour celle-ci, pas piquée des hannetons, sur le Tour de Californie de l’an dernier.

Manifestement, le garçon s’en est bien remis.