Film sur Ciné+ émotion à 20 h 45

Sur son lit de mort, une vieille femme fait son testament. Brève mais tonique introduction, teintée d’un mauvais esprit à la Etienne Chatiliez, où l’agonisante commente la philosophie de l’héritage avec un cynisme qui donne le ton de cette comédie mal pensante. Quatre étoiles est un divertissement irrespectueux sur le profit à tirer des gens fortunés quand on est fauché.

Franssou (Isabelle Carré), nièce de la défunte et orpheline, est légataire universelle. Elle empoche l’argent en liquide et décide de prendre une année sabbatique pour claquer ses 50 000 euros sur la Côte d’Azur. C’est au Carlton de Cannes qu’elle rencontre Stéphane (José Garcia), beau parleur, tour à tour prétendu bras droit d’Elton John et agent immobilier, en fait mythomane, escroc piteux, joueur de poker à dettes.

Franssou est-elle la proie et Stéphane le prédateur ? Pas si simple. Car, avec son coscénariste Olivier Dazat, Christian Vincent orchestre un jeu de dupes qui fait référence aux deux princes de l’arnaque sentimentalo-financière Ernst ­Lubitsch et Billy Wilder. Si, dans un premier temps, Stéphane tente de s’octroyer le magot de Franssou, l’intrigue va se révéler à double fond, et l’oie blanche se dévoiler en petite canaille.

Eblouie par la haute société

Quatre étoiles est l’histoire d’un usurpateur d’identités terrorisé à l’idée d’être démasqué, mais aussi celle d’une épicurienne éblouie par la haute société et impatiente de mettre le grappin sur l’homme qui, côté cœur comme côté portefeuille, s’avérerait un complice idéal.

On retrouve là l’esprit de La Baronne de minuit, Haute pègre, ­Certains l’aiment chaud, en même temps qu’un certain nombre de situations dont Lubitsch et ­Wilder firent leurs délices. Le rôle du téléphone, grâce auquel Stéphane fait surveiller Franssou par un ami quand elle dîne aux chandelles avec un concurrent. Le rôle des portes : celle où Stéphane laisse un écriteau (« Finalement je reste là ») destiné au garçon d’étage venu récupérer ses bagages et qui ne sait pas qu’une femme – présente dans la chambre – a motivé ce revirement.

Car comme dans The Shop Around the Corner, d’Ernst Lubitsch, la jolie blonde a besoin d’un tiers pour forcer Stéphane à assumer son désir : ce sera René (François Cluzet), le pigeon auquel le couple sans scrupule cherche à vendre une villa qui ne lui appartient pas, et qui en pince pour elle. Franssou inverse les rôles. Dans sa chambre, elle a subi l’intrusion de l’escroc venu prouver que les murs ne garantissent aucune intimité. Lorsqu’elle consent un prêt, c’est un contrat qu’elle exige : s’imposer chez lui, le suivre comme son ombre – un pacte mi-main au collet, mi-bague au doigt.

La comédie qu’elle lui joue en faisant mine d’être prête à tomber dans les bras de René est une « sérénade à trois ». Elle se sert du gogo pour obliger Stéphane à passer à l’acte, à savoir trouver les mots pour enfin avouer qu’il est amoureux d’elle. Car Stéphane est aussi à l’aise dans le baratin qu’empoté dans le langage sentimental.

José Garcia (Stéphane) et Isabelle Carré (Franssou). / THIBAULT GRABHERR/STUDIOCANAL

A chaque comédie coquine, ses sous-entendus. Dans La Huitième Femme de Barbe-Bleue, de Lubitsch, l’achat d’un pyjama était détonateur de l’idylle, Gary Cooper achetant le haut et Claudette Colbert le bas. Plus terre à terre, Isabelle Carré déclare ici à José Garcia que c’est sur son corps qu’elle a caché sa fortune, et qu’il n’a qu’à chercher. Autre message du film, hitchcockien celui-là : les hommes sont timides, et les blondes prêtes à mêler le crime et l’étreinte.

Quatre étoiles, de Christian Vincent. Avec José Garcia, Isabelle Carré, François Cluzet (Fr., 2006, 106 min).