L’union des droites passera par la jeunesse. C’est l’idée défendue par Erik Tegnér, candidat à la présidence des Jeunes Républicains, dont l’élection se tiendra les 14 et 15 octobre. Le Breton de 24 ans, qui vient de lancer sa campagne, plaide pour une coalition entre son parti avec le Rassemblement national (RN, ex-Front national), Debout la France et le Parti chrétien-démocrate. Une stratégie toujours rejetée par le président du parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, qui rêve de siphonner l’électorat d’extrême droite mais répète à longueur d’interviews qu’il n’y aura « jamais d’alliance » avec le parti de Marine Le Pen.

L’étudiant en école de management souhaite mettre fin à « l’hypocrisie qui règne » chez LR. « C’est une arnaque de s’opposer au rassemblement quand on voit que sur la loi asile et immigration, les députés LR et RN votent quasiment la même chose, s’agace Erik Tegnér. Pourquoi refuser le dialogue quand des figures du parti comme Guillaume Peltier ou Julien Aubert portent des idées proches des personnalités d’extrême droite ? »

Erik Tegnér, qui ne se départ jamais de sa veste bleu marine sur une chemise blanche, tient Sebastian Kurz pour modèle. Comme le chancelier autrichien allié avec l’extrême droite, il se dit libéral-conservateur et tient un discours très dur sur l’immigration. « Je parle à la jeunesse conservatrice de La Manif pour tous et à la jeunesse identitaire qui se sent dépossédée culturellement », répète à l’envi le candidat.

« Dépasser les frontières »

Inconnu du grand public, Erik Tegnér est pourtant régulièrement invité par les médias préférés des partisans de la droite dure, conservatrice ou russophile, tels que le site Boulevard Voltaire ou la chaîne TV Libertés. Le Breton qui a peu de réseaux pour l’instant s’enorgueillit de déjeuner avec le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, ou avec le porte-parole du RN, Sébastien Chenu, et de prendre le café avec Emmanuelle et Robert, respectivement députée et maire de Béziers. Ambitieux, il affirme chercher à rencontrer le premier ministre hongrois, Viktor Orban, devenu la figure de proue de la droite populiste en Europe.

Lancé dans sa pré-campagne, Erik Tegnér n’hésite pas à franchir la digue qui sépare encore la droite du RN. Et à le revendiquer. Le 31 mai, il s’affichait à la soirée organisée par le magazine réactionnaire L’incorrect avec Marion Maréchal en invitée vedette. A la rentrée, l’étudiant compte même suivre une formation à l’Issep, l’institut lyonnais de sciences sociales dirigé par l’ancienne députée frontiste. Erik Tegnér parle aussi très ouvertement de ses accointances avec les membres de Génération nation, le nouveau nom du mouvement des jeunes au sein du RN. « On débat ensemble, on va dans les mêmes bars, raconte-t-il. Eux sont dans une logique d’ouverture alors que Les Républicains sont dans une logique d’exclusion. »

Ancien président des jeunes frontistes, Gaëtan Dussausaye loue la capacité d’une frange des jeunes LR, encore minoritaire, à « dépasser les frontières » sans se dissimuler. « Avant, quand on se voyait avec Erik, on se cachait dans une arrière-salle d’un café, se souvient Gaëtan Dussasaye. Maintenant, il vient directement à la permanence des jeunes du RN. »

Jurisprudence Mariani

« Il explicite la ligne que prend le parti », estime Cédric Rivet-Sow, ancien président des Jeunes avec Fillon. L’actuel soutien de Valérie Pécresse s’étonne de constater qu’Erik Tegnér reste membre de LR. « On ne va pas commenter les faits et gestes de tous nos militants », s’énerve Laurence Sailliet, porte-parole de LR, rappelant que le jeune candidat n’a aucune fonction officielle au sein du parti. « On verra bien au moment du dépôt des candidatures, mi-septembre », ajoute-t-elle.

Erik Tegnér sait qu’il bénéficie de la jurisprudence Mariani. Comme l’ancien ministre des transports, il peut exprimer ses velléités de rassemblement avec l’extrême droite. Tant que l’alliance n’est pas effective, aucune sanction ne sera prise à son encontre. Il laisse même entendre que Laurent Wauquiez a besoin de lui pour parler aux militants séduits par une alliance avec le RN. « Déjà quatre-vingts personnes se sont engagées chez Les Républicains à voter pour moi », jure-t-il, n’hésitant pas à envoyer le numéro de ses soutiens aux journalistes pour qu’ils puissent vérifier.

Mais son premier véritable test de popularité consistera à recueillir les quinze parrainages de responsables départementaux des jeunes LR, d’ici à la rentrée. Confiant, le candidat s’appuie sur un sondage Kantar Sofres One-Point paru en mars, dans lequel 43 % des sympathisants LR se disent prêts à une alliance globale ou de circonstance avec le RN.

« Un infiltré ou un arriviste »

« Il ne représente rien et il n’a aucune colonne vertébrale », tance un jeune pro-Pécresse ironique sur le parcours sinusoïdal d’Erik Tegnér. Le Breton se lance en politique à 17 ans en prenant sa carte… au Front national. L’année suivante, il passe à l’UMP. Lors de la primaire de la droite de 2016, il rédige quelques notes pour Bruno Le Maire. Après la défaite de François Fillon à la présidentielle de 2017, il devient président des Jeunes avec Virginie Calmels, alors proche d’Alain Juppé. L’étudiant apprécie le libéralisme de la première adjointe du maire de Bordeaux, également « très à droite sur l’identité et l’islam ».

En août 2017, il rédige une tribune sur le site de L’Obs pour dire non à tout accord avec Marine Le Pen. « La droite renierait des décennies d’engagement républicain en s’alliant avec un parti dont les fondations reposent sur un socle profondément démagogue et intolérant », écrit-il. Il démissionne pourtant le 14 mai, jugeant Virginie Calmels, alors première vice-présidente de LR, modérée sur l’immigration et trop prompte à condamner l’appel de Thierry Mariani en faveur de l’union des droites. « Je n’ai jamais su si c’était un infiltré ou juste un arriviste », critique un proche de Virginie Calmels.

Pour la présidence des Jeunes Républicains, Erik Tegnér affrontera Aurane Reihanian, à la tête des Jeunes avec Wauquiez et grand favori. Un adversaire tout aussi dur sur les questions sociétales. Dans un portrait que Libération lui a consacré en décembre 2017, il estimait en effet que les enfants nés grâce à la PMA « ne devraient même pas exister ».

Aurane Reihanian, à l’instar de son mentor Laurent Wauquiez, s’oppose publiquement à tout accord avec le RN. En passant sous silence une partie de son passé : en 2014, il s’est présenté aux élections municipales dans le 13e arrondissement de Paris sur la liste « Paris libéré » menée par Charles Beigbeder, autre grand défenseur de l’union des droites. « Reihanian est sur la même ligne que moi, mais il ne peut pas le dire », s’amuse Erik Tegnér. En cas de défaite, le jeune héraut de l’union des droites jure qu’il ne cédera pas aux appels du pied du RN : « Tant que Les Républicains m’acceptent, je n’ai pas de raison de partir. »