Antoine Griezmann, la moustache d’Adil Rami et Adil Rami, à Nijni Novgorod, le 5 juillet. / David Vincent / AP

Le rôle de remplaçant chez les Bleus réserve parfois bien des surprises pendant une Coupe du monde. Dans la mémoire collective, Vincent Candela reste d’abord le DJ des champions du monde de 1998. Le défenseur est derrière le choix de ce remix de I Will Survive, de Gloria Gaynor, comme hymne officieux des Bleus. Huit ans plus tard, pendant le Mondial en Allemagne, Vikash Dhorasoo s’improvise, lui, réalisateur avec Substitute, film en super-8 sur le temps qui coule trop lentement entre deux matchs sur le banc de touche.

Adil Rami emprunte une voie moins artistique lors de ce Mondial où il est le seul Français (avec le troisième gardien, Alphonse Areola) à n’avoir pas encore foulé une pelouse russe. Depuis la victoire contre l’Argentine en huitièmes de finale, ses coéquipiers – à l’initiative de Kylian Mbappé – viennent effleurer sa moustache qu’il porte épaisse. Un talisman efficace visiblement. Ils étaient encore « cinq ou six » à toucher les bacchantes de Rami avant la demi-finale face aux Belges. « Ce qui est important, c’est qu’ils veulent désormais que je la lisse et que je la mette bien », avouait dans un grand sourire le défenseur de 32 ans à TF1 quelques minutes après la qualification pour la finale, le 15 juillet face à la Croatie, à Moscou.

Thauvin cité en exemple

Le défenseur de l’Olympique de Marseille est la preuve qu’on peut être un « coiffeur » heureux. Au sein du groupe France, l’ancien agent municipal de Fréjus est le grand frère qui assure l’ambiance. Un rôle de GO qui lui va comme un gant. « Sincèrement, qu’est-ce que je kiffe ce groupe ! Je prends du plaisir chaque jour », assure-t-il le 4 juin. A deux jours du quart de finale face à l’Uruguay, le compagnon de Pamela Anderson tient une conférence de presse survoltée. Un numéro de stand-up parfait pour détendre l’atmosphère avant un match décisif. « Mon rôle, c’est d’apporter des ondes positives à l’équipe », dit-il à propos de son statut de leader de vestiaire.

Florent Thauvin, le 7 juillet à l’entraînement à Istra. / SERGEI KARPUKHIN / REUTERS

Et c’est à croire que sa bonhomie a gagné ses voisins sur le banc de touche. Même ceux qui avaient prévu un séjour russe plus actif. Prenez Benjamin Mendy. Annoncé comme titulaire au poste de latéral gauche, le joueur de Manchester City a vu Lucas Hernandez lui griller la priorité lors des matchs de préparation alors qu’il pensait avoir fait le plus dur en revenant à temps d’une grave blessure au genou. Après la victoire face à la Belgique, on l’a pourtant encore vu assurer le service après-qualification sans se forcer : « On est une bande de potes. La cohésion est parfaite même quand on souffre, on l’a vu contre l’Argentine. Le banc suit le mouvement. » Comme lors du second but de Kylian Mbappé où les remplaçants tricolores sont venus recouvrir d’amour leur attaquant au niveau du point de penalty.

En fin de match, Didier Deschamps a « offert » ce jour-là cinq minutes de temps de jeu à Florian Thauvin. Une façon pour le sélectionneur de récompenser un garçon jugé « exemplaire » pour son implication dans la vie du groupe, mais aussi montrer à ses autres suppléants que la porte n’est jamais totalement fermée. « Je n’oublie pas ma chance d’être à la Coupe du monde et dans le groupe des 23 [joueurs] », assurait un Thauvin reconnaissant.

Kimpembe, le nouveau Candela ?

Bien sûr, la victoire aide à accepter plus facilement un rôle à la Michael Collins regardant depuis son module ses petits camarades d’Apollo 11 décrocher la Lune. Mais encore faut-il en avoir le caractère. « J’étais le garçon souriant, même lorsque [je] ne jouai[s] pas », expliquait Vincent Candela dans un entretien à L’Equipe en mai. En 2018, Presnel Kimpembe postule au titre de « Candela ». Comme l’ancien joueur de l’AS Roma, le défenseur du PSG n’a eu droit qu’à un troisième match – sans un grand enjeu – de la phase de poule face au même adversaire : le Danemark.

Depuis, la doublure de Samuel Umtiti assure l’ambiance musicale dans le vestiaire ou l’avion des Bleus et dit « profiter de chaque instant ». Et se tenir prêt à palier une blessure ou même l’expulsion d’un titulaire dimanche au stade Loujniki. Un certain 12 juillet 1998, Alain Boghossian et Patrick Vieira étaient sortis du banc contre le Brésil au bénéfice de la réorganisation tactique provoquée par le carton rouge de Marcel Desailly. Le tout jeune Vieira avait même offert le but du 3-0 à Emmanuel Petit. Adil Rami ne rase pas sa moustache tous les matins, mais doit peut-être y penser.