Série documentaire sur France Culture à 7 h 12 et 13 h 50

Simon Wiesenthal, à Vienne, dans les années 1970. / OLLE WESTER/AFP

Après un an de débats et quatre cents heures d’audience, le 1er octobre 1946 s’achevait, à Nuremberg, un procès qui fit date et où comparurent vingt-quatre hauts dignitaires nazis parmi lesquels Hermann Göring, Rudolf Hess, Joachim von Ribbentrop ou encore Albert Speer, Ernst Kaltenbrunner. Manquaient à l’appel ceux qui avaient préféré se suicider – Hitler, Goebbels, Himmler… – ou ceux qui, grâce à de multiples complicités, parvinrent à se cacher et à fuir vers des cieux plus cléments.

Quelque soixante-dix ans tard, le 15 juillet 2015, le tribunal de Lüneburg (Basse-Saxe) condamnait à quatre ans de prison pour complicité d’assassinat de 300 000 personnes, entre 1942 et 1944, un ancien comptable d’Auschwitz, Oskar Gröning. Ce dernier est mort le 18 mars à 96 ans.

Alors que disparaissent peu à peu les derniers témoins, la justice, dans une ultime course ­contre la montre, continue d’œu­vrer, sept décennies après les faits. Et avec elle ces « auxiliaires de mémoire » que représentent les chasseurs de nazis. Qui sont-ils ? Quelles méthodes ont-ils employées pour parvenir à leurs fins ? Quelles difficultés ont-ils rencontrées lors de leur traque ? De quelles complicités et protections – et à quel niveau – les criminels nazis ont-ils bénéficié pour échapper à la justice ? Surtout, comment comprendre que cette « chasse aux nazis » qui a alimenté nombre de romans, de films, d’articles et d’ouvrages ­historiques se poursuive aujour­d’hui ? Pour tenter de répondre à toutes ces questions et bien d’autres encore, Michel Pomarède s’est lancé sur la piste de ces chasseurs.

Innombrables obstacles

Ainsi de l’appartement de Serge et Beate Klarsfeld, à Paris, au bureau d’Efraim Zuroff, au Centre Simon-Wiesenthal de Jérusalem, de l’Office central d’enquêtes sur les crimes nationaux-socialistes, à Ludwigsburg en Allemagne, dirigé par le procureur Jens Rommel, aux locaux du département de la justice à Washington, où ­officie le procureur Eli Rosenbaum, le documentariste nous entraîne dans une histoire au long cours. Un récit composé de 40 épisodes (dix minutes) et nourri abondamment de lectures, d’archives ­sonores, de témoignages et d’analyses de spé­cialistes et d’historiens (Dina ­Porat, Johann Chapoutot, Richard ­Rashke, Tom Segev…).

Quelques révélations

Chemin faisant, le réalisateur dresse le portrait des précurseurs. A commencer par celui de Simon Wiesenthal, le plus célèbre d’entre eux, dont il ne cache pas l’ambiguïté ; Abba Kovner, rare « chasseur » à avoir été mû par l’esprit de vengeance ou encore Fritz Bauer, tenace procureur qui tenta de mettre « l’Allemagne face à son passé » au travers des procès d’Auschwitz et de Francfort. Et détaille leur méthode et surtout les innombrables obstacles qu’ils durent surmonter pour débusquer les criminels qui, dès la fin de la guerre, bénéficièrent sinon de la protection de certains Etats – arabes ou sud-américains –, et parfois même, qui s’offrirent leurs services.

Au-delà du caractère proprement captivant de ce feuilleton aux faux airs de polar historique qui recèle quelques révélations – l’amitié de Wiesenthal avec Albert Speer, l’architecte du IIIReich, ou l’abandon de la traque de Josef Mengele par l’équipe du Mossad qui arrêta Adolf Eichmann –, Michel Pomarède déconstruit un « mythe » – selon l’expression de Serge Klarsfeld – pour mieux rendre hommage à ces « chasseurs d’oubli ».

Chasseurs de nazis, écrit par Michel Pomarède, réalisé par Jean-Philippe Navarre. (Fr., 2018, 40 × 10 min). Du lundi au vendredi jusqu’au 24 août et en podcast sur le site Franceculture.fr.