Raphaël Varane (à gauche) repousse l’assaut du Belge Romelu Lukaku, en demi-finale, le 10 juillet à Saint-Pétersbourg. / Martin Meissner / AP

La Russie, qui n’en manque pas, découvre un nouveau château fort. Didier Deschamps a construit son équipe de France comme telle. Le sélectionneur la veut résistante en défense, du genre à « ne rien donner à l’adversaire », aucune chance de tirer au but, pas même à travers le créneau d’une muraille. A plus forte raison en finale du Mondial, dimanche 15 juillet, contre la Croatie et ses flèches offensives.

A Moscou, les Bleus joueront comme les six matchs précédents, avec ce même désir obsidional. Ce même « objectif », pour reprendre le mot de Raphaël Varane, « d’être d’abord solides » dans leur propre surface de réparation. Avant même le tournoi, le défenseur central insistait : « Ça doit être ce que représente l’équipe de France : un adversaire nous voit jouer et doit se dire “attention, cette équipe est solide”. »

Les fondations demeurent : Hugo Lloris dans les cages ; Benjamin Pavard à droite, Lucas Hernandez à gauche ; Samuel Umtiti et Raphaël Varane dans l’axe. Ces cinq-là ont passé tout le Mondial côté à côte. A l’exception du dernier match de poule (0-0) contre le Danemark, où Steve Mandanda, Presnel Kimpembe et Djibril Sidibé ont aussi pointé le bout de leurs crampons, la qualification pour les huitièmes de finale étant déjà acquise.

Contrariétés initiales

Quand elle débarque en Russie, cette équipe de France promène pourtant l’étiquette d’une formation fragile sur ses pattes arrières. Les esprits chagrins évoquent encore le souvenir de la défaite contre la Colombie en match amical le 23 mars à Saint-Denis (2-3) ou les flottements observés lors des matchs de préparation.

Pour ses débuts en Coupe du monde, une main délictueuse de Samuel Umtiti offrait un penalty aux Australiens (2-1). En huitièmes, les petits Bleus encaissaient ensuite trois buts contre l’Argentine (4-3) : « On défendait trop bas par moments, selon Hugo Lloris. On aurait dû mieux garder le ballon en fin de match. » Le trentenaire parle d’expérience, et tant mieux, dans cette équipe parmi les plus jeunes du tournoi. Varane et Umiti ont beau être des cadres du Real Madrid et le FC Barcelone, ils ont tout juste 25 et 24 ans. Pas prévus dans le casting initial, les latéraux Pavard (Stuttgart) et Hernandez (Atlético Madrid) déboulent avec l’ardeur de leurs 22 ans.

En quarts, puis en demi-finales, tous ont pris la mesure de l’enjeu. Au point de se transformer en buteurs décisifs : une tête pour Varane contre l’Uruguay (2-0) sur corner, puis une pour Samuel Umtiti contre la Belgique (1-0) sur coup franc, toujours après un centre d’Antoine Griezmann. « lls ont été énormes sur le plan défensif », rappelle aussi et surtout Lloris. Sauf en de très rares occasions, qui permirent alors au gardien de se distinguer, sa timidité dût-elle en souffrir.

En bon capitaine, Hugo Lloris préfère élargir le champ des éloges pour vanter cette solidité nouvelle : « Depuis le début, tout le monde est impliqué sur le secteur défensif, même les trois joueurs offensifs font les efforts. » Le compliment s’adresse en particulier à Olivier Giroud, Antoine Griezmann et même Kylian Mbappé, pourtant plus enthousiaste à l’idée de courir avec le ballon qu’après lui.

« On préfère se qualifier même en ayant mal joué »

Repousser les attaques de l’adversaire pour mieux le prendre de vitesse en contre : la tactique a opéré contre les Uruguayens, puis les Belges. Tout cela, Benjamin Mendy l’a observé du banc de touche : « Dans les matchs comme ça, peu importe la manière, estime le défenseur. On a laissé le contrôle du ballon. Défensivement, on est une équipe très solide, on a bien fait le boulot. » Quitte à rendre le match plus âpre : « Contre la Belgique, il y avait moins de beau jeu, mais on préfère se qualifier même en ayant mal joué plutôt que de jouer super bien et de devoir partir. »

Une victoire sans panache, selon le gardien vaincu, Thibaut Courtois : « La France n’a pas joué, critiquait-il après le match. Ils ont défendu à onze à quarante mètres de leurs buts, et joué les contre-attaques avec Mbappé ». Réponse de ce dernier : « Il faut s’adapter aux situations. Surtout face à des équipes comme ça, qui imposent leur rythme, qui ont voulu miser sur leur impact physique. »

Même sur le ton de la blague, l’avant-centre des Bleus récuse « toute jalousie particulière » envers les défenseurs et leurs buts wharoliens. « On veut tous la coupe. Après, si c’est Rapha qui doit avoir la lumière, on la lui donnera », déclare-t-il, bon prince, au moment d’évoquer le brio de Raphaël Varane. Lequel se tient déjà prêt dimanche à éclairer le stade Loujniki, même en plein après-midi d’été.