La 7e étape du Tour entre Fougères et Chartres a tenu toutes ses promesses, qui étaient d’être ennuyeuse et de s’achever au sprint, malgré l’opération kamikaze de Yoann Offredo, aussi flamboyant sur son vélo que devant un micro. Il va falloir apprendre à prononcer le nom du sprinteur néerlandais Dylan Groenewegen – on vous dit comment faire , vainqueur devant Gaviria et Sagan, alors que Van Avermaet a réussi à consolider son maillot jaune de trois secondes. Demain, le Tour met le cap vers les Hauts de France, avec les pavés de Roubaix en ligne de mire dimanche.

  • Dylan Groenewegen a bien fait d’être sprinteur

Tentative ratée d’hommage à Lilian Thuram. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Il est sprinteur, il a une dégaine de boxeur mais il aurait pu être grimpeur. C’était en tout cas le plan jusqu’à ce qu’il dispute « une course où il y avait des bosses », a-t-il raconté au site Chronique du vélo : « J’ai compris que je ne serais pas un grimpeur. »

En sprint, ce court sur pattes, format à la Mark Cavendish et même regard noir quand ça tourne mal, tire son épingle du jeu dans les sprints en faux-plat montant, comme en mars sur Paris-Nice, ou l’an dernier sur les Champs-Elysées. Le sprinteur de la Lotto NL-Jumbo avait remporté ce championnat du monde non-officiel des sprinteurs et le grand public s’était pris à espérer qu’il retomberait vite dans l’anonymat, rapport à son nom : G-R-O-E-N-E-W-E-G-E-N. Prononcer Rrrrrouneuvéreune.

Mais Groenewegen est là pour rester, et c’est même lui que les spécialistes annonçaient comme possible terreur des sprints du Tour, dans une hiérarchie en pleine recomposition. Il a finalement attendu la septième étape pour s’imposer, et posé son doigt sur les lèvres, un geste bravache qui lui correspond assez bien : « Mes jambes n’étaient pas assez bonnes les premiers jours et les gens se sont dit que je n’étais pas assez bon pour gagner sur le Tour. Donc c’est bien de l’avoir fait. Beaucoup de gens parlent quand vous ne gagnez pas. »

>> Le classement de la 7e étape >> Le classement général

Groenewegen a roulé sur des pavés avant de toucher au bitume. C’était dans la rue de son enfance à Rivierenbuurt, dans le sud d’Amsterdam. Un quartier créé dans les années 1920 pour les vétérans de la Guerre et qui abritait de nombreuses familles juives venues d’Allemagne, dans les années 1930. Anne Frank a grandi dans le même ensemble que Dylan Groenewegen.

La famille y vit depuis quatre générations et y a installé son magasin de vélo, de sorte qu’il roulait sur des vélos sur mesure à l’âge de sept ans, comme le raconte le site Cycling Tips dans un reportage avec la famille Groenewegen. L’arrière-grand-père fabriquait déjà des cadres, le grand-père et le père ont suivi, tout en s’essayant à la compétition. Avec moins de succès que le fils, garçons souriant qui prévient : « Là je suis détendu, mais dans un sprint je peux devenir arrogant. » Le Tour a vu.

  • Chaque jour est une chance, mais Démare ne la saisit toujours pas

Arnaud Démare plus doucement qu’il n’aimerait ce Tour de France 2018 : quatre arrivées au sprint, 0 victoire pour le spécialiste du genre à la FDJ, et la pression de celui-qui-tarde-à-gagner qui s’installe lentement mais sûrement sur ses épaules.

Vendredi à Chartres, l’ancien champion de France a fini quatrième, derrière Groenewegen, Gaviria et Sagan, et n’avait pas l’air plus déprimé que ça : « Je reste content du travail de mes gars, on a réussi à se trouver, la jambe est bonne, mais je fais l’extérieur… » « Il était trop sur la corde, ça s’est un peu rabattu sur lui, décrypte Marc Madiot, le patron de l’équipe. Donc il a perdu de la vitesse, et après c’était fini, il était un poil trop loin au démarrage du sprint. » Voyez plutôt :

L’an dernier à pareille époque, cinq jours avant de quitter le Tour hors délai, « Nono » avait déjà remporté le sprint aussi curieux que mémorable de Vittel (vidéo ci-dessous). Cette année, il a été pris dans une chute collective à 10 kilomètres de Fontenay-le-Comte (1ère étape, victoire de Gaviria), a fini 3e d’un sprint qu’il a lancé un peu trop tôt à La Roche-sur-Yon (2e, Sagan), et n’a jamais pu prendre le bon wagon à Sarzeau, où il termine 11e (4e, Gaviria).

Le Picard jouera à domicile demain, lors du sprint qui se profile à Amiens : « On n’est pas loin de la maison, j’espère briller. J’avais dit s’il y en avait deux à choisir, c’était la première jour et celle-là, le 14 juillet, à Amiens. Ça va être très rapide, j’aime bien ce genre d’arrivées. » Mieux vaut ne pas traîner, parce qu’après Amiens, le vainqueur de Milan – San Remo 2016 n’aura plus que trois occasions : Valence (13e étape), Pau (18e), et Paris (21e et dernière). Marc Madiot ne désespère pas : « C’est mieux quand on en gagne une vite, mais c’est comme en foot, c’est possible de gagner pendant les arrêts de jeu. » On le souhaite de tout cœur. Pas du tout par chauvinisme, juste pour revoir des images pareilles :

  • Yoann Offredo, sans chef et sans filtre

Sur le Tour de France, un jour comme celui-là, le métier de journaliste est relativement facile. Il faut trouver Yoann Offredo à l’arrivée et appuyer sur le bouton enregistrer. Puis le restituer, tel quel, car si ce n’est pas de la poésie, ça a le mérite de ne pas s’embarrasser de circonvolutions.

Tentative ratée d’hommage à Bernard Hinault. / JEFF PACHOUD / AFP

Le contexte, tout de même : Yoann Offredo (Wanty-Groupe Gobert) a attaqué au kilomètre 33 d’une étape qui en comptait 231, et roulé seul devant le peloton jusqu’au kilomètre 141, lorsqu’il a été repris. Il n’a pas été récompensé malgré tout du prix de la combativité (laid, rappelons-le), attribué à Laurent Pichon (Fortuneo-Samsic), qui a lui passé 47 kilomètres en tête de la course. Seul, aussi. L’analyse de tout cela, on la laisse à Offredo :

« Je n’avais pas prévu de m’échapper, mais qu’est-ce qu’on fait ? On se regarde les quéquettes et on attend l’arrivée, on fait un sprint ? Moi non plus je n’avais pas plus que ça envie d’y aller. Mais être récompensé d’aucune manière, je trouve ça navrant. C’est nul. On le donne pour quoi le prix de la combativité ? Quelqu’un qui anime la course, non ? A ce moment-là, il n’y a plus aucun intérêt à aller devant. Au moment où je vous parle, j’ai juste envie de prendre ma valise et de rentrer chez moi.

Pourquoi plein de équipes ne collaborent pas ? C’est déjà magnifique d’être en tête du Tour de France, certains devraient essayer. Toutes les équipes n’ont pas un sprinteur qui peut s’imposer; Toutes les équipes n’ont pas un leader qui peut gagner le Tour de France. Pourquoi ne pas animer ce Tour ? Il y a des heures d’antenne à prendre, ça ne ferait pas de mal à certains coureurs et certaines équipes.

>> Le coup de gueule similaire de Yoann Offredo lors du Tour 2017

La consigne de l’équipe était de ne pas aller dans l’échappée, mais moi je n’ai pas de chef, personne ne me dit ce que j’ai à faire. Si j’ai envie d’aller dans l’échappée, je vais dans l’échappée. Si nous on n’y va pas, si Wanty-Groupe Gobert n’y va pas, il ne se passe rien. C’est un plaisir d’être devant, de voir les gens, mais ces étapes-là sont une mascarade. J’ai vu (le directeur du Tour) Christian Prudhomme m’applaudir sur le bord de la route, je pense que c’était une belle récompense. La récompense, ce sont les gens qui t’applaudissent, qui crient ton nom. Et leur prix de la combativité, qu’ils se le carrent dans les fesses.

(On vous a vu parler à certaines équipes avant d’attaquer ?) Je leur ai dit : bon, écoutez, j’y vais mais laissez moi 15 minutes au moins, qu’il y ait un peu de suspense, sinon c’est pas drôle. Et puis tu vois que tu talonnes à sept minutes et ils te laissent là... Je ne comprends pas. Laissez un peu de suspense aux gens ! »