Fallait-il décider d’un embargo sur les armes maintenant au Soudan du Sud alors que les deux leaders – le président Salva Kiir et l’ex-vice président Riek Machar – montrent de timides signaux de leur volonté d’aboutir à un accord de paix ? Le conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a répondu par la positive, vendredi 13 juillet, en frappant le jeune état d’un embargo sur les armes jusqu’au 31 mai 2019 et en imposant des sanctions individuelles contre deux responsables militaires. Mais la forte polarisation du conseil (neuf votes positifs – le minimum pour l’adoption d’une résolution – et six abstentions) témoigne d’un embarras certain face aux risques de fragiliser les avancées des dernières semaines. Fin juin, Salva Kiir et son rival Riek Machar avaient annoncé à Khartoum la signature d’un énième accord de cessez-le-feu.

Les Etats-Unis, état parrain du Soudan du Sud et à l’origine du texte voté, ont balayé la question. « Un cessez-le-feu a déjà été signé en décembre dernier », a rappelé l’ambassadrice Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU. « Tous les mois, on nous en annonce un nouveau. Ils n’ont jamais tenu. Pourquoi octroyer plus de temps à ceux responsables de cette folie ? » L’embargo sur les armes devrait permettre de réduire le niveau de violence. « Ce sont des armes que les groupes armés ont utilisées pour tirer sur des pères devant femmes et enfants, pour braquer les convois d’aide alimentaire ou pour attaquer des femmes et des filles », a-t-elle justifié. « Nous devons changer la donne et montrer que l’ère de l’impunité est terminée. »

Ce vote positif est une petite victoire diplomatique pour Mme Haley qui avait rencontré le président Kiir au mois d’octobre et lui avait fait part de l’intense frustration de Washington face aux retards persistants dans l’application de l’accord de paix et aux attaques répétées contre les civils, les casques bleus et les personnels humanitaires. Depuis des mois, les Etats-Unis travaillaient à réunir le nombre de voix nécessaires pour aboutir à cet embargo – qui avait déjà été rejeté en décembre 2016 sous l’administration du président Obama. C’est le vote positif de la Côte d’Ivoire, qui s’est désolidarisée du groupe africain au conseil de sécurité, qui a rendu possible son adoption, largement saluée par la société civile qui y voit « une lueur d’espoir » mais qui estime que le défi réside maintenant dans son application.

Les conséquences pour le processus de paix questionnées

Le texte souligne la « préoccupation profonde » des diplomates « face à l’échec des dirigeants du Soudan du Sud à mettre un terme aux hostilités » et « condamne les violations continues et flagrantes » de l’accord de cessez-le-feu et de libre accès humanitaire conclu en 2015. Il donne par ailleurs le droit aux états membres de détruire ou neutraliser toute livraison d’armes interdites. Deux responsables militaires, appartenant aux deux camps-Malek Reuben Riak, ex-chef d’état-major adjoint, et Paul Malong Awan, ex-chef d’état-major devenu un des dirigeants de l’opposition, sont sanctionnés.

Pour aboutir à ce vote, les Etats Unis ont été contraints à des concessions, notamment le retrait de la liste des sanctionnés de trois ministres du gouvernement – de la défense et de l’information notamment – qui figurait à l’origine dans le texte partagé aux quinze membres du conseil. Washington a dû faire marche arrière face à la levée de bouclier que cela avait suscité chez certains états membres qui y voyaient une provocation alors que les tractations diplomatiques pour un processus de paix ont repris sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) et de l’Union Africaine (UA).

L’Ethiopie, par la voix de son représentant à l’ONU a dénoncé un vote « qui aura des conséquences très graves pour le processus de paix » alors que le conseil de sécurité a voté un embargo qui était dénoncé par l’UA et les pays de la sous-région. « Le conseil fait bande à part » a t-il dénoncé « et n’a pas écouté les appels de la région » Les parties aux conflits « devraient recevoir des encouragements », a t-il souligné et ne pourront être que « confuses » de ces sanctions. Cet embarras était perceptible parmi les états membres qui ont voté en faveur de l’embargo. « Cette résolution ne vise pas à nuire aux négociations menées par l’IGAD. Son objectif est de protéger les populations civiles », a plaidé le représentant français François Delattre qui s’est efforcé de ménager les susceptibilités et de protéger les acquis – même timides – des derniers jours en faveur de la paix.