Les représentants de Facebook (Monika Bickert), de YouTube (Juniper Downs) et de Twitter (Nick Pickles) devant le comité judiciaire du Parlement américain. / Capture écran

Les hauts responsables des réseaux sociaux ont désormais l’habitude de passer un mauvais quart d’heure face à un parterre de parlementaires. On ne compte plus, depuis deux ans, les auditions de représentants de YouTube, de Facebook ou de Twitter devant le Congrès américain, la chambre des députés britanniques ou les eurodéputés.

Mais l’audition devant le comité judiciaire du Parlement américain, qui s’est déroulée mardi 17 juillet à Washington, n’avait rien à voir avec les précédentes. L’ordre du jour était consacré aux « pratiques de filtrage du contenu » sur les réseaux sociaux. Un titre très générique, qui dissimulait en réalité une audition largement consacrée à une forme de procès d’intention fait aux réseaux sociaux par les républicains.

Feu roulant de questions

Durant plusieurs heures, alors que les élus démocrates et républicains se succédaient pour poser des questions, le même scénario s’est répété. Les députés de gauche ont quasi exclusivement utilisé leur temps de parole soit pour critiquer vertement la rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump du 16 juillet, qui n’avait rien à voir avec le sujet de l’audition, soit pour poser des questions sur la campagne d’influence russe de 2016, à laquelle plusieurs auditions précédentes avaient déjà été consacrées.

De leur côté, les républicains ont pressé les représentants de Twitter, de Facebook et de YouTube d’un feu roulant de questions les accusant de faire campagne contre la droite américaine. « Le site [pro-Trump] Gateway Pundit a vu son trafic en provenance de Facebook chuter de 54 % ces dernières années, a ainsi attaqué le très droitier député de l’Iowa Steve King. Comment l’expliquez-vous ? » Lorsque Monika Bickert, la représentante de Facebook, a répondu que l’algorithme du réseau social évoluait avec le temps, M. King a sous-entendu que les changements récents avaient été dictés par le Southern Poverty Law Center, une organisation progressiste.

Accusations récurrentes

Ces accusations, qualifiées par le député Jamie Raskin (démocrate, Maryland) de « bombardement idéologique », ne sont pas nouvelles. Depuis deux ans, une importante partie de la droite américaine se plaint, sans avoir pu en apporter de preuve irréfutable, d’une « censure » à l’encontre des idées conservatrices sur les réseaux sociaux. Certains soutiens de Donald Trump qui mêlent sur leurs sites ou leurs comptes tribunes, théories du complot et désinformation ont été à plusieurs reprises modérés ces derniers mois. C’est notamment le cas du site InfoWars, point de ralliement des soutiens du président et dont l’animateur Alex Jones a notamment affirmé que la tuerie de Sandy Hooks était un « coup monté ».

Les représentants des réseaux sociaux, qui étaient préparés à ces questions à en juger par le contenu de leurs déclarations préliminaires, ont fait pâle figure face à ces attaques directes. Visiblement mal à l’aise, Juniper Downs, la directrice des politiques publiques de YouTube, a répondu à plusieurs questions en lisant ses notes. Même Monika Bickert, vétérane des auditions publiques et spécialiste des sujets sensibles chez Facebook, a parfois été mise en difficulté.

« Neutraliser leur biais libéral »

Confrontée à une question du député du Texas Louie Gohmert, issu du Tea Party, qui lui demandait si Facebook avait trouvé des traces d’interventions de pays autres que la Russie sur sa plate-forme, Mme Bickert a initialement répondu qu’elle n’avait pas les éléments en tête pour répondre. « Vous aviez pourtant l’air très empressée de répondre aux questions des démocrates sur la Russie, a objecté M. Gohmert. Vous êtes venue ici pour aider les démocrates [en répondant uniquement aux questions] sur la Russie. »

Les élus républicains ne se sont pas limités aux attaques plus ou moins directes. Le député du New Jersey Chris Smith a ainsi demandé aux trois réseaux sociaux, au terme d’un long monologue durant lequel il a notamment accusé YouTube de « censurer les références à Jésus », s’ils étaient « prêts à jurer qu’ils feraient tous les efforts possibles pour neutraliser leur biais libéral ». Parallèlement à ce déluge d’accusations, quelques élus démocrates ont bien essayé de rappeler que les progressistes pouvaient, eux aussi, s’estimer victimes de traitements injustes. La députée Karen Bass (Californie) a ainsi rappelé que des pages Facebook du mouvement Black Lives Matter avaient été supprimées par Facebook — « une erreur, nous l’avons reconnu », a répondu Mme Bickert.