Le gardien de but français tient le trophée de la Coupe du monde lors d’une réception à l’Elysée, le 16 juillet 2018, pour fêter la victoire de l’équipe de France. / LUDOVIC MARIN / AFP

Les Italiens, mauvais perdants ? Quadruple championne du monde, la Squadra Azzurra s’est fait éliminer par la Suède dès le 13 novembre, l’empêchant de se qualifier pour la Coupe du monde, une première depuis 1958. Si le pays a du mal à digérer sa non qualification, la presse nationale se console en soulignant les prouesses d’un Didier Deschamps aux influences italiennes. Tandis que le Corriere dello Sport rappelle « les cinq saisons qu’il a passées au sein de la Juventus », La Gazzetta dello Sport affirme que la carrière transalpine du sélectionneur lui a permis d’acquérir « l’art italien de la défense et de la tactique ».

Matteo Salvini, premier attaquant

En réalité, le succès tricolore n’est pas près de s’attirer la sympathie des Italiens. Entre la Croatie et la France, « l’équipe au damier » fait de loin pencher la balance, soutenue selon un sondage du Corriere della sera par 90 % des Italiens. Parmi eux figure le ministre de l’intérieur Matteo Salvini, dirigeant du parti d’extrême droite la Ligue du Nord, qui s’est fait remarquer en dénigrant la victoire des Bleus, dans un message posté dimanche sur son compte Twitter.

Dans son message, qui accompagne un article sur la victoire des Italiens lors du relais 4 x 400 mètres de la Coupe du monde d’athlétisme des moins de 20 ans, le dirigeant ne manque pas de s’attaquer à certains symboles culturels français, agrémentant son propos d’un émoticône souriant : « Voici les vrais champions du jour ! Et puis le vin italien est meilleur que le français, le cinéma et la musique idem, et la Sardaigne est bien plus belle que la Corse. »

« J’irai porter la poisse à la France », avait déjà annoncé le ministre lors d’un meeting de la Ligue, son parti d’extrême droite, le 13 juillet, selon Il Fatto Quotidiano. « Je n’ai pas envie de voir Macron sautiller », avait-il ajouté, prenant position pour la Croatie.

Le Louvre recadré

Nombre de nos voisins transalpins n’ont pas non plus apprécié le geste du Louvre qui, dimanche soir, a publié un montage sur Twitter qui montrait la Joconde vêtue du nouveau maillot de l’équipe, orné de sa deuxième étoile. Mais l’image a suscité l’indignation de certains Italiens, blâmant la France pour appropriation culturelle, à l’image de cette internaute qui a écrit que « Mona Lisa est l’œuvre de Léonard De Vinci. Elle est née en Italie, aux mains d’un Italien. Il en est ainsi, et le restera toujours ». Le Louvre a directement répondu aux tweetos, avec humour et en italien, au moyen d’une pique historique : « Pour information, La Joconde a été vendue par Léonard de Vinci à François Ier ! »

« C’est l’Afrique qui a gagné »

Si la querelle de la Joconde peut prêter à sourire, la rancune italienne transparaît fréquemment sur fond de racisme latent. Les réseaux sociaux sont parcourus d’une citation relevée par la Repubblica et l’agence de presse Adnkronos : « C’est l’Afrique qui a gagné ». Les joueurs français étant désignés dans certains messages comme « des singes avec un ballon » ou de « champions du tiers-monde ».

Le monde politique n’est pas exempt de ce type de dérapage, comme le montre une publication Facebook (depuis effacée) d’Ernesto Sica, conseiller municipal du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia : « Pour la première fois, une équipe africaine remporte la Coupe du monde de football. » Depuis la formation du gouvernement populiste italien, dit « gialloverde » (« jaune et vert », les couleurs symboliques du mouvement Cinq étoiles et de la Ligue du Nord en coalition) et effectif en juin dernier, certains assument un racisme décomplexé.

Trois semaines après la crise diplomatique entre Paris et Rome sur la question des migrants, les tensions trouvent un écho sur les réseaux sociaux, autour de la question du football.

Le football italien, en proie au racisme

La France n’est pas la seule victime du racisme des tifosi (nom donné aux supporters italiens). Alors que Mario Balotelli était pressenti pour être nommé capitaine de l’équipe d’Italie, l’attaquant a été confronté à une banderole raciste brandie dans les gradins le 28 mai, lors d’un match amical entre l’Italie et l’Arabie saoudite. La banderole indiquait : « mon capitaine a du sang italien ». Né en Sicile, à Palerme, et d’origine ghanéenne, le joueur s’est indigné de ce comportement sur le réseau social Instagram, appelant au réveil des Italiens : « On est en 2018. Ça suffit ! »

Rappelé après quatre ans d’absence, « Super Mario » a pris sa revanche en s’illustrant d’un but lors de ce match amical. « Les plus racistes, c’est nous ! » déplorait déjà Il Corriere dello Sport en novembre 2013, consacrant sa une à son « enquête choc » sur la discrimination raciale dans les stades. « Etre capitaine ne changerait pas grand-chose pour moi, mais ce serait un signe fort contre le racisme dans le pays », avait alors conclu l’avant-centre.