La façade de Fox News à New York, mardi 16 juillet. / LUCAS JACKSON / REUTERS

On n’est jamais mieux trahi que par les siens, dit l’adage populaire. Au lendemain du sommet d’Helsinki, même Fox News a vivement critiqué l’attitude de Donald Trump envers Vladimir Poutine, laissant le président des Etats-Unis plus isolé que jamais sur la scène politique nationale.

A l’antenne de la pourtant très droitière chaîne de télévision, d’ordinaire prompte à soutenir la Maison Blanche, l’un des présentateurs a affirmé que la conférence de presse de Donald Trump avec son homologue russe, « a donné une très mauvaise image de lui. […] Il a semblé en décalage avec la réalité et les faits ».

Sur son site, Fox News publie en outre une longue tribune – intitulée « Ce n’est pas une manière de gagner contre la Russie » – qui, là encore, dénonce l’attitude du président. Ce dernier a dit croire aux dénégations de Vladimir Poutine, malgré les preuves fournies par ses services de renseignements, sur l’ingérence russe lors des élections de 2016.

Fox News s’insurge :

« Plutôt que de s’opposer à Poutine, Trump a proposé de coopérer avec la Russie sur les problèmes qu’elle a elle-même créés. C’est comme demander à un criminel d’enquêter sur ses propres crimes. »

« Des carottes pour Vladimir Poutine »

Ce désaveu est d’autant plus cinglant qu’il vient du propre camp du président, qui réussit la gageure de susciter un large consensus dans le paysage médiatique américain, habituellement opposé idéologiquement. Ainsi, de nombreux sites prorépublicains dénoncent, mardi 17 juillet, « l’échec » du sommet, le Washington Examiner osant un jeu de mots en titre évoquant le « flop » d’« Hell-sinki » (littéralement, « le sommet de l’enfer »).

A l’unisson, The Federalist évoque une « grande occasion manquée pour les intérêts américains ». « D’ordinaire, Trump sait traiter ses interlocuteurs avec à la fois le bâton et la carotte. Pourquoi n’y a-t-il eu que des carottes pour Vladimir Poutine ? », s’interroge le site d’information, pourtant partisan d’un rapprochement avec la Russie.

Le très conservateur National Review tacle tout aussi violemment – sinon plus – l’attitude du locataire de la Maison Blanche :

« Ce sommet ne signifie pas, comme l’ont suggéré les démocrates, que Trump partage son lit avec les Russes. De manière beaucoup plus probable, cela signifie que l’ego de Trump est une blessure géante grande ouverte, qui suppure d’une rage discontinue dès qu’on ose suggérer que sa victoire électorale en 2016 a pu venir d’une manipulation. »

Sans surprise, l’ensemble de la presse a tiré à boulets rouges sur la stratégie présidentielle. CNN qualifie cette rencontre de « moment le plus stupéfiant d’une présidence qui n’en manque pas ». La chaîne télévisée déplore « un gouffre aussi grand que le Grand Canyon », entre les allégations du président à Helsinki et la réalité d’une présidence russe qui « a depuis toujours pour objectif de réussir à déstabiliser le monde occidental ».

« Le rôle du chien dominant »

Comment justifier ce discours ? ce désaveu complet des services de renseignement états-uniens ? cette adoption de la novlangue russe en matière de complot anti-Moscou ? La presse cherche des réponses. « Un tel comportement est si pervers, si contraire aux valeurs et aux intérêts américains qu’une seule conclusion s’impose : soit Donald Trump travaille pour le renseignement russe, soit il aime jouer ce personnage à la télévision », tente d’avancer le New York Times.

Le média en ligne Vice News tout comme CNN optent pour la théorie du « kompromat » : « Il est probable que les Russes aient quelque chose de compromettant à son sujet, quelque chose de tellement embarrassant qu’il préfère ignorer le danger immédiat évident posé par la Russie plutôt que de le voir devenir public. »

Le Los Angeles Times préfère y lire, au minimum, une histoire de cohérence politique, puisque parler d’une ingérence reviendrait à délégitimer son élection et donc sa présidence. Ou alors, de formuler une hypothèse plus testostéronée et cryptique : « Trump admire Poutine parce que les hommes comme lui admirent les hommes comme Poutine », résume le quotidien californien.

Serait-ce là la seule clé de lecture du sommet d’Helsinki ? Une histoire de domestication, qu’a également soulignée le New Yorker, dans un article consacré notamment à la gestuelle des deux acteurs du sommet :

« Poutine a clairement joué le rôle du chien dominant dès le début. […] Il montre son ennui. Il s’avachit dans son siège, les jambes écartées. Souvent, il ne regarde même pas Trump. Trump, qui porte invariablement sa cravate rouge, est assis sur le bord de son fauteuil. Ses doigts s’entrechoquent, peut-être instinctivement, peut-être nerveusement. »

Et le Boston Globe de filer cette métaphore canine, évoquant ce moment où « Poutine a caressé son caniche ». Le quotidien conclut qu’il est « désormais impossible de ne pas réaliser que Trump ne combattra pas la Russie s’il n’y est pas forcé par le Congrès. C’est à lui désormais de désavouer officiellement Donald Trump ».