Le ministre britannique du Brexit, Dominic Raab, et Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne, à Bruxelles, le 19 juillet 2018. / FRANÇOIS LENOIR / REUTERS

Preuve que l’heure est grave : jeudi 19 juillet, la Commission européenne a rendu public un document à l’attention des vingt-sept Etats membres destiné à leur indiquer la marche à suivre en cas d’absence d’accord sur les conditions du divorce avec Londres, censé intervenir au plus tard le 29 mars 2019.

Il ne reste plus que huit mois pour boucler un traité de divorce mais étant donné le chaos politique à Londres, où la première ministre Theresa May a eu le plus grand mal à imposer à son propre camp conservateur sa dernière vision du Brexit, la crainte d’un « no deal » est montée en flèche à Bruxelles ces derniers jours. « Les préparations [pour un no deal] doivent être lancées immédiatement, à tous les niveaux, et prendre en compte tous les scenarii », explique la Commission dans son document.

« Nous travaillons jour et nuit à un accord mais les opérateurs économiques et les Etats membres doivent etre prêts à toutes les éventualités », a précisé Mina Andreeva, porte-parole de la Commission, jeudi. Ce n’est pas l’institution qui est à l’initiative du document mais les vingt-sept capitales : elles lui ont expressément demandé d’y travailler lors du dernier conseil européen, le 29 juin dernier.

Conséquences multiples et redoutables

Cependant, insister sur ce document le jour où le chef négociateur des Européens, Michel Barnier, rencontre son nouvel équivalent britannique, Dominic Raab, semble quand même le moyen pour l’institution communautaire de faire prendre conscience au gouvernement britannique que le scénario catastrophe risque de se matérialiser s’il n’adopte pas enfin, une ligne claire sur sa vision du divorce.

En l’absence d’accord de divorce, explique la commission dans sa « communication », la période de transition réclamée par Londres pour parachever sa « relation future » avec l’Union européenne (UE), censée démarrer le jour J du Brexit, le 30 mars 2019, et s’achever le 31 décembre 2020, sera caduque. Au 30 mars 2019, le Royaume-Uni sera considéré comme un Etat tiers de l’UE.

Les conséquences sont multiples, et redoutables. Les expatriés européens et britanniques ? Aucun arrangement particulier ne tiendra pour eux au lendemain du Brexit : les Européens basés au Royaume-Uni ne se verront plus garantis leur droit de séjour, idem pour les Britanniques installés dans les Etats membres.

Ces derniers devront par ailleurs avoir « réintroduit leurs contrôles aux frontières pour tous les flux de biens et de personnes venant ou allant au Royaume-Uni [contrôles douaniers mais aussi phytosanitaires, et sanitaires] », précise le document bruxellois. Les opérateurs économiques devront aussi prendre en compte que ces contrôles « impacteront sévèrement les transports », « entraîneront des délais conséquents » et « des difficultés dans les ports ».

Sensibiliser les TPE et les PME 

Si les grandes entreprises sont déjà en train de prendre leurs dispositions, notamment dans le secteur financier, la Commission entend surtout sensibiliser les PME/TPE. « Nombre d’entre elles n’ont aucune expérience du commerce avec des pays tiers, car elles ne commercent qu’à l’intérieur du marché unique ». Or ces entités vont devoir, une fois le Royaume-Uni parti « s’acquitter de procédures [déclarations aux douanes], auxquelles elles ne sont pas du tout habituées mais qui sont obligatoires dans le cas des pays tiers ».

Si la Commission mobilise déjà des dizaines d’experts en interne pour le « no deal » , l’essentiel du travail de préparation reste à la charge des Etats. A eux, entre autres, de se tenir prêts à déconnecter le Royaume-Uni de leurs multiples bases de données informatiques, le jour J du Brexit… Certains ont déjà pris les devants. L’Irlande en particulier, probablement l’Etat le plus impacté par le futur Brexit avec près de la moitié de sa production agricole destinée au Royaume-Uni. Dublin a lancé un site web (prepareforbrexit.com) pour les PME/TPE, leur permettant d’évaluer l’impact du Brexit sur leur activité. Un système de prêts jusqu’à 5 000 euros a également été mis en place pour les aider à se préparer.