Affaire Benalla : la vidéo qui montre un collaborateur de Macron frappant un manifestant
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L’« affaire Benalla », révélée mercredi 18 juillet par Le Monde, a eu depuis de nombreuses répercussions politiques et judiciaires. La présidence peinait jeudi 19 juillet à couper court à la bronca suscitée par une vidéo montrant Alexandre Benalla, un collaborateur d’Emmanuel Macron, frappant un manifestant le 1er mai. Une enquête préliminaire pour violences et usurpation de fonction a été ouverte et l’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie.

  • Que s’est-il passé le 1er mai ?

En marge des cortèges du 1er mai, une centaine de personnes s’étaient rassemblées pour manifester place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris. Ce rassemblement faisait suite à un appel lancé sur Facebook par un comité d’action inter-lycéen, relayé ensuite par le syndicat étudiant UNEF et par le parti La France insoumise (LFI).

Au final, une centaine de militants avaient répondu présent. Sur place, la situation avait dégénéré, et une vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, montrait un homme portant un casque tirer par le cou une jeune fille aux cheveux châtains, puis revenir s’en prendre violemment à un jeune homme, déjà à terre, entouré par des CRS. On entend alors le jeune homme le supplier de se calmer : « Je vais vous expliquer », lui crie-t-il. En vain. L’homme casqué, visiblement hors de lui, le traîne au sol, le saisit violemment au cou par-derrière, puis le frappe à plusieurs reprises.

  • Qui est Alexandre Benalla, identifié comme l’auteur de ces violences ?

Alexandre Benalla, collaborateur de l’Elysée, lors du défilé du 1er mai 2018. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Alexandre Benalla, 26 ans, que Le Monde a identifié comme étant l’auteur de ces violences, est un homme que M. Macron connaît bien, puisqu’il a participé, comme responsable de la sécurité, à sa campagne présidentielle. M. Benalla a par la suite été recruté à l’Elysée en tant que chargé de mission, adjoint au chef de cabinet du président, François-Xavier Lauch. Comme tout chargé de mission, M. Benalla, qui a commencé sa carrière en 2011, était soumis à la discrétion, son nom n’était pas publié au Journal Officiel.

Son nom apparaît toutefois à plusieurs reprises dans les « MacronLeaks », les courriels et documents internes d’En marche ! dérobés par des hackeurs anonymes et postés sur WikiLeaks à l’été 2017. Il est notamment suspecté d’avoir fait établir pour son équipe un devis pour deux pistolets lanceurs de balles en caoutchouc, un flash-ball et des boucliers antiémeute.

Lire le portrait d’Alexandre Benalla, : ce proche de M. Macron, auteur de violences le 1er mai
  • Qui est le second homme suspecté d’avoir participé aux violences ?

Alexandre Benalla n’était pas le seul « collaborateur » de l’Elysée à être présent lors de la manifestation du 1er mai. Il était ce jour-là accompagné d’une connaissance, Vincent Crase, que l’on voit également sur la vidéo. Il s’agit d’un gendarme réserviste par ailleurs employé de La République en marche. Cet officier basé dans l’Eure et reconverti dans la sécurité privée serait, selon les « MacronLeaks », l’un des prestataires du service de sécurité de la campagne présidentielle.

Bruno Roger-Petit, le porte-parole de l’Elysée, a précisé lors d’un point presse que M. Crase était « très ponctuellement mobilisé, comme d’autres réservistes, par le commandement militaire de la présidence de la République ».

  • Quelles sanctions ont été prises contre eux ?

Peu après les faits, M. Benalla a reçu une lettre du directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, lui faisant savoir qu’il était mis à pied temporairement, quinze jours, du 4 au 19 mai, avec suspension de salaire. Depuis son retour, il a été démis de ses fonctions en matière d’organisation de la sécurité des déplacements du président.

Selon l’Elysée, M. Benalla reste toutefois chargé de mission auprès du président de la République, quoique désormais affecté à un poste administratif, où il s’occupe de la sécurité d’événements organisés « à l’intérieur du palais », comme des rencontres avec des entreprises. Il était également présent lors de la célébration de la victoire des Bleus au Mondial, lundi sur les Champs-Elysées, pour le 14-Juillet, à Paris, place de la Concorde ou encore lors de l’entrée au Panthéon de Simone Veil — trois manifestations qui se tenaient pourtant à distance du palais présidentiel.

M. Crase a écopé de la même sanction : une mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire. Le porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit, a ajouté qu’« il a été mis fin à toute collaboration entre lui et la présidence de la République ». Christophe Castaner, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le parlement, a précisé de son côté que M. Crase était toujours salarié de LRM et que « la condamnation morale ne suffit pas pour justifier un licenciement », faute « de cause réelle et sérieuse liée à son activité professionnelle », comme le prévoit le code du travail.

  • Que fait la justice ?

Le parquet de Paris a ouvert, jeudi, une enquête préliminaire pour « violences par personne chargée d’une mission de service public », « usurpation de fonctions » et « usurpation de signes réservés à l’autorité publique ». Elle a été confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne.

Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, a annoncé dans l’après-midi avoir saisi l’inspection générale de la police nationale, afin de « déterminer dans quelles conditions » Alexandre Benalla et Vincent Crase ont pu assister aux manifestations du 1er mai aux côtés des forces de l’ordre.

Selon le porte-parole de l’Elysée, M. Benalla avait « demandé l’autorisation d’observer les opérations de maintien de l’ordre pour le 1er-Mai », autorisation qui lui avait été donnée car « il agissait dans le cadre d’un jour de congé et ne devait avoir qu’un rôle d’observateur ». « Il est clair qu’il a outrepassé le statut d’observateur », a déclaré le premier ministre, Edouard Philippe, lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat.

  • Comment réagit l’exécutif après nos révélations ?

Emmanuel Macron, en déplacement en Dordogne, a refusé de répondre aux questions. Interpellé par un journaliste lui demandant si la République était « entachée » par cette affaire, il a laconiquement répondu : « Non, non, la République elle est inaltérable ! » C’est le porte-parole de l’Elysée Bruno Roger-Petit qui est monté au créneau : Alexandre Benalla a rapidement reçu « la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l’Elysée », a-t-il fait valoir.

Lors des questions au gouvernement au Sénat, le premier ministre Edouard Philippe, interpellé par la présidente du groupe communiste au Sénat Eliane Assassi, a rappelé que l’affaire était « désormais aux mains de la justice et c’est très bien ainsi ».

  • Qu’en dit l’opposition ?

A gauche comme à droite, des voix se sont élevées pour critiquer la réaction trop clémente de l’Elysée à l’égard du conseiller d’Emmanuel Macron. La droite, La France insoumise et le Parti socialiste se sont étonné que les membres du cabinet de l’Elysée, ayant eu connaissance des actes de violence commis par M. Benalla, n’aient pas informé le parquet au titre de l’article 40 du code de procédure pénale qui prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».

Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a réclamé qu’un juge d’instruction soit saisi, car tous les « éléments sont là qui permettent d’identifier un délit », et que des responsables à l’Elysée démissionnent. Par ailleurs, des députés LFI ont convoqué une conférence de presse pour représenter leur « proposition de résolution », déjà déposée le 10 juillet à l’Assemblée, « tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’usage et de commandement des forces de l’ordre lors des événements survenus en marge de la manifestation parisienne du 1er mai ».