Michel Delpuech, le préfet de police de Paris, arrive pour son audition par la commission d’enquête parlementaire, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 23 juillet. / LAURENCE GEAI POUR "LE MONDE"

Michel Delpuech a été auditionné sous serment, lundi 23 juillet dans l’après-midi, sur « l’affaire Benalla » par la commission des lois de l’Assemblée nationale, constituée pour l’occasion en commission d’enquête. Alexandre Benalla, désormais ex-proche collaborateur d’Emmanuel Macron, a été l’auteur de violences filmées sur deux manifestants en marge de la manifestation du 1er mai, place de la Contrescarpe dans le 5e arrondissement de Paris.

Après cette seconde audition, consécutive à celle, lundi matin, du ministre de l’intérieur Gérard Collomb, de nombreuses zones d’ombre persistent autour du rôle d’Alexandre Benalla et sur les raisons de sa présence auprès des forces policières ce jour-là. Au cours de son audition, le ministre de l’intérieur avait insisté sur la responsabilité de l’Elysée et de la préfecture de police de Paris. Michel Delpuech a quant à lui rappelé que M. Benalla n’était « pas sous [s] on autorité », mais sous celle de l’Elysée.

Retour sur les temps marquants de l’audition du préfet de police de Paris.

Comment et quand Michel Delpuech a-t-il rencontré Alexandre Benalla ?

M. Delpuech a affirmé avoir rencontré M. Benalla pour la première fois l’avant-veille du deuxième tour de l’élection présidentielle, il y a un an, au cours d’une réunion de travail. Il dit avoir croisé M. Benalla à plusieurs reprises : « Il était dans le cercle proche des personnes autour du président. Beaucoup de photographies le montrent, en disant ça, je ne révèle rien », rapporte M. Delpuech.

Le préfet de police de Paris affirme par ailleurs ne pas connaître personnellement M. Benalla. « Dans mon téléphone portable, je n’ai jamais eu le numéro de M. Benalla », rapporte-t-il.

Qui a autorisé Benalla a assiter à la manifestation auprès des forces de police ?

On en sait une peu plus à l’issue de cette journée d’audition. Selon Michel Delpuech, c’est le chef d’état-major de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), Laurent Simonin, qui a donné l’autorisation à Alexandre Benalla.

L’homme est déjà mis en examen pour avoir participé à la transmission d’éléments de vidéosurveillance à Alexandre Benalla le soir du 18 juillet. Selon Michel Delpuech, Laurent Simon a agi sans en référer à sa hiérarchie. Plus tôt dans la matinée, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb, affirmait déjà que « Alexandre Benalla avait obtenu l’autorisation non pas par le préfet mais par quelqu’un placé plus bas dans la hiérarchie ».

Plus tard au cours de son audition, M. Delpuech précisera cependant :

« Si j’avais été sollicité, je ne l’ai pas été, pour cette demande, l’aurais-je refusé ? L’honnêteté m’oblige à dire que non, je n’avais aucune raison de la refuser pour un collaborateur de l’Elysée qui travaille quotidiennement avec mes services. En revanche, je l’aurais mis en garde contre les risques que présentait cette manifestation, compte tenu des informations dont nous disposions. Ce n’est pas la place d’un observateur de faire du maintien de l’ordre. Un observateur sage et intelligent reste à sa place, en retrait. Vous connaissez la formule : “fraus omnia corrumpit” [« la fraude corrompt tout »]. »

Quand et comment a-t-il été informé de sa présence auprès des forces de police le 1er mai ?

Le 2 mai, « à 10 h 15 », précise Michel Delpuech, il reçoit un appel de Laurent Hottiaux, collaborateur de l’Elysée. « Il m’a indiqué que circulait sur les réseaux sociaux une vidéo relatant des violences policières à l’occasion des manifestations du 1er mai. Je ne comprends pas ce dont il parle. Je lui dis que je vais me renseigner », rapporte Michel Delpuech dans son discours liminaire. Quelques minutes plus tard, il visionne la vidéo sur un grand écran, en compagnie de son service de communication, et identifie M. Benalla.

Les mesures prises ensuite

Après avoir visionné la vidéo, Michel Delpuech rapporte avoir pris deux initiatives :

  • la première consiste à joindre le cabinet du ministère de l’intérieur, qui a affirmé être d’ores et déjà informé de la situation et en liaison avec l’Elysée sur le sujet ;

Et de préciser :

« Il était établi pour moi que le sujet Benalla était traité par l’autorité hiérarchique dont il dépendait. Au demeurant, c’est bien ce qu’il s’est passé puisque M. Benalla a été convoqué par le cabinet de l’Elysée, et a fait l’objet de sanctions. Je rajoute que je me suis étonné tout de même de n’avoir pas été alerté par le cabinet du ministre de l’intérieur. »
  • la seconde initiative a d’ailleurs été de lancer une investigation pour en savoir davantage sur les raisons ayant conduit M. Benalla à être présent sur la place de la Contrescarpe.

Sur la délivrance d’un port d’armes à M. Benalla

Le député Les Républicains Philippe Gosselin a souligné que le ministre de l’intérieur avait refusé à trois reprises de délivrer un port d’armes à l’endroit de M. Benalla, qui lui sera finalement délivré grâce à l’autorisation de la préfecture de police. « On est en présence d’une législation assez complexe », avance M. Delpuech :

« Pendant la campagne électorale un port d’armes avait été délivré pour permettre à l’agent de sécurité de protéger les locaux. Cette autorisation n’a jamais été renouvelée. Benalla a ensuite sollicité un port d’arme. […] Il y a des ports d’arme liés aux fonctions, c’est de la compétence préfectorale. […] J’ai pris cette décision. Je l’ai retirée quand M. Benalla a cessé ses fonctions. »

Le préfet de police affirme que ce dernier lui a été accordé car l’enquête de proximité ayant visé M. Benalla avait eu des retours positifs, et que son casier judiciaire était vierge.

« J’assume cette responsabilité personnellement », ajoute le préfet de police.

Sur l’équipement (brassard, casque et radio de police) de M. Benalla le jour de la manifestation

C’est une question qui a été posée plusieurs fois. Qui a fourni le brassard et la radio de police, visibles sur les vidéos, à M. Benalla ? Selon M. Delpuech, la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) a seulement fourni un casque de protection à M. Benalla. Le préfet de police affirme ne pas disposer d’informations permettant d’expliquer pourquoi M. Benalla avait également un brassard et une radio.

Sur la non utilisation de l’article 40 du code de procédure pénale

Dans la même veine, interrogé plusieurs fois sur le fait que l’article 40 du code de procédure pénale n’ait pas été actionné, le préfet de police a répondu :

« En pratique, on renvoie à l’autorité qui a la responsabilité hiérarchique. c’est en tout cas ce que j’ai pensé – peut-être à tort, mais je l’assume. Il y avait déjà pas mal de personnes informées quand je l’ai été moi-même, la liste serait longue s’il fallait dresser les autorités qui auraient pu saisir l’article 40. Dans ces conditions, ce n’était plus au préfet de prendre cette décision. »

Pour rappel, l’article 40 du code de procédure pénale prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Sur sa responsabilité en tant que préfet de police de Paris

Michel Delpuech a estimé avoir pris les mesures nécessaires. Il justifie cela en avançant qu’il a immédiatement informé le cabinet du ministère de l’intérieur lorsque la vidéo a été portée à sa connaissance, le 2 mai.

Mais également en soulignant que « dès lors que c’était pris en compte par l’autorité hiérarchique compétente [c’est-à-dire l’Elysée], j’ai considéré que l’affaire était prise en compte au niveau pertinent ».

« M. Benalla n’était pas sous mon autorité. »
« Le préfet de police est une autorité importante, mais dans une chaîne hiérarchique. »

Le préfet de police de Paris a par ailleurs conclu son discours introductif en expliquant que ces faits étaient « le résultat de dérives individuelles inacceptables, condamnables, sur fond de copinage malsain ». Interrogé sur cette dernière formule, Michel Delpuech a engagé la responsabilité de l’Elysée. « La relation quotidienne de proximité et de confiance entre la préfecture de police et les services de l’Elysée est une nécessité. Quand on bascule dans un lieu de proximité à une relation qui perd de sa pureté, on prend des risques, c’est ce que j’ai voulu évoquer par cette expression. Le reste ne me concerne pas », a conclu le préfet de police de Paris.

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