A coups de canon à eau et de gaz lacrymogènes, la police guinéenne a dispersé, lundi 23 juillet, deux marches organisées pour réclamer l’annulation de la hausse du prix du carburant. La manifestation de quelques dizaines de personnes, à l’appel des « Forces sociales », une nouvelle coalition de la société civile, avait été interdite par le gouverneur de Conakry et s’est soldée par l’arrestation de six personnes.

Les syndicalistes se sont ensuite repliés à la Bourse du travail, où ils ont tenu un meeting au cours duquel ils ont annoncé « une grève générale illimitée sur toute l’étendue du territoire national ».

En Guinée, depuis début juillet, syndicats et membres de la société civile tentent de mobiliser contre une hausse de 25 % du prix du carburant à la pompe, passé de 8 000 francs guinéens à 10 000 francs guinéens le litre (de 76 à 95 centimes d’euros) le 1er juillet dernier.

A la station-service de Bambeto, en banlieue de Conakry, Moustafa Diallo soupire avant de reprendre le volant de son taxi, le réservoir à moitié plein : « Les chiffres défilent beaucoup trop vite. Je consomme 20 litres par jour, ce qui fait maintenant 200 000 francs guinéens [19 euros]. Avec ce que je donne au patron, à ma famille et à la police, où voulez-vous que je trouve une telle somme ? »

Malgré la grève, les manifestations et les journées « ville morte », le gouvernement ne fléchit pas car il s’agit d’un « réajustement inévitable » lié à la hausse des cours mondiaux du pétrole, selon Amara Somparé, ministre de l’information. « Nous ne produisons pas de pétrole et sommes donc soumis aux prix du marché. Les subventions représentent près de 100 milliards de francs guinéens de pertes par mois. »

« Les exportations de bauxite [dont le pays détient les plus grandes réserves mondiales] ont été multipliées par trois en un an mais cela ne s’est pas traduit proportionnellement dans les recettes, précise un économiste. Le Fonds monétaire international [FMI] a donc formulé une série de recommandations. En février, le gouvernement s’est engagé en choisissant les mesures les plus simples à appliquer mais pas forcément les plus équitables. »

« Droits régaliens »

« Il fallait réduire des dépenses ! s’insurge Abdourahman Sano, membre de la société civile. Le train de vie de l’Etat est insupportable, de hauts cadres s’enrichissent, 87 % des marchés publics sont passés de gré à gré et on accorde des exonérations ahurissantes aux compagnies minières. »

« Le riz, le sac de charbon, tout a augmenté ici, car l’économie repose sur le transport routier », explique Souleymane Diallo, un bijoutier qui a décidé de fermer boutique en signe de protestation. « Pour limiter cette inflation, nous subventionnons les produits de première nécessité, assure Amara Somparé. Les importateurs de riz se sont engagés à ne pas augmenter leurs prix. »

Le 16 juillet, à l’appel des Forces sociales, quelques milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Conakry aux cris de « 8 000 c’est bon, 10 000 c’est non ! » en référence à l’augmentation du prix du carburant. « Pour la première fois depuis dix ans, nous parlons à nouveau d’une seule voix ! », se félicite l’un des membres de la nouvelle coalition. Mais, derrière cette apparente unité, « il y a des intérêts, des luttes d’ego, des ambitions politiques », décrypte un diplomate, plutôt pessimiste sur l’avenir du mouvement.

Parallèlement, les syndicats dénoncent une mesure « unilatérale ». « Le gouvernement devait nous appeler plutôt que d’agir en pharaon », regrette Mamadou Mansaray, secrétaire général adjoint de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée. « Il n’y a pas eu suffisamment de concertation, concède le ministre Amara Somparé. Mais rien ne nous oblige à consulter les syndicats. Il est temps de rétablir l’Etat dans ses droits régaliens. »