Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, le 24 avril. / Richard Drew / AP

Le ton monte, via tweets interposés : l’Iran a répondu du tac au tac, lundi 23 juillet, à la mise en garde d’une rare violence lancée la veille par le président américain Donald Trump contre Téhéran.

« SOYEZ PRUDENT ! », a rétorqué lundi sur Twitter le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, quelques heures après un tweet contre l’Iran du locataire de la Maison Blanche. Utilisant les lettres majuscules comme M. Trump la veille, M. Zarif a déclaré : « NOUS NE SOMMES PAS IMPRESSIONNES », dans un message rédigé en anglais.

Dimanche, le président américain avait adressé un message au président iranien Hassan Rohani, en tweetant : « NE MENACEZ PLUS JAMAIS LES ÉTATS-UNIS OU VOUS ALLEZ SUBIR DES CONSÉQUENCES TELLES QUE PEU AU COURS DE L’HISTOIRE EN ONT CONNUES AUPARAVANT ». « NOUS NE SOMMES PLUS UN PAYS QUI SUPPORTE VOS PAROLES DÉMENTES DE VIOLENCE ET DE MORT. FAITES ATTENTION ! », avait-il poursuivi.

Ce message était lui-même intervenu après que M. Rohani eut prévenu le dirigeant américain à « ne pas tirer les moustaches du tigre », assurant qu’un conflit avec l’Iran serait la « mère de toutes les guerres ».

« Trump essaye de changer de sujet »

Le message menaçant du locataire de la Maison Blanche, dans un registre évoquant celui auparavant utilisé face à la Corée du Nord, a suscité des interrogations sur la stratégie américaine face à la République islamique, l’administration Trump étant régulièrement soupçonnée de caresser l’espoir d’un changement de régime en Iran. Le 8 mai, M. Trump, qui a fait du régime de Téhéran sa principale bête noire, a claqué la porte de l’accord censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique et de rétablir toutes les sanctions levées dans le cadre de ce texte jugé trop laxiste.

Si, à l’étranger, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a rendu hommage à la « position ferme » du président américain, ce tweet abrupt a aussi suscité une avalanche de questions sur sa portée exacte. Interrogée sur les motivations du président, sa porte-parole Sarah Sanders a souligné que son « objectif ultime » était de s’assurer que Téhéran n’obtienne pas l’arme nucléaire et « la protection des Américains ».

Nombre d’observateurs voyaient d’abord lundi dans la virulente sortie du président une volonté de faire diversion a moment où il traverse une passe difficile après ses propos particulièrement conciliants à l’égard de son homologue russe Vladimir Poutine à Helsinki.

« Frustré par l’absence de progrès avec la Corée du Nord, en colère à cause des réactions négatives après Helsinki, Trump essaye d’évacuer, de faire le dur et de changer de sujet », a réagi Aaron David Miller, ancien diplomate et négociateur dans plusieurs administrations démocrates comme républicaines. « Si la tirade en majuscules de Trump démontre une chose, c’est que les Etats-Unis n’ont pas de politique sur l’Iran », a-t-il ajouté, déplorant une rhétorique « vide et ridicule ».

S’appuyant sur ses discussions avec des responsables européens, Rob Malley, président de l’International Crisis Group, soulignait de son côté que ces derniers « ne prennent pas vraiment au sérieux [le tweet présidentiel], y voyant d’abord une façon de détourner l’attention de Mueller [procureur spécial qui enquête sur une éventuelle collusion entre Moscou et l’équipe Trump] et Poutine ».

Trump pas « en colère » mais « très heureux »

Si les deux dossiers sont à de nombreux égards très différents, les mots utilisés par Donald Trump évoquent ceux employées il y a un peu plus d’un an à l’adresse du régime nord-coréen et nombre d’observateurs voient des similitudes avec la campagne de « pression maximum » mise en avant face à Pyongyang.

En septembre 2017, lors de son premier discours devant l’assemblée générale de l’ONU, M. Trump avait menacé de « détruire totalement » la Corée du Nord, s’en prenant violemment au « régime dévoyé » de Pyongyang. Il s’est depuis engagé dans un processus de négociations qui s’est traduit par un sommet à Singapour avec Kim jong-un qu’il avait pourtant qualifié de « Rocket Man » (homme-fusée). Plus d’un mois après ce face-à-face historique, nombre d’observateurs soulignent cependant l’absence d’avancées concrètes sur la « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » que la communauté internationale appelle de ses vœux.

Lundi, le président américain a vivement réagi à un article du Washington Post selon lequel il serait, en privé, particulièrement frustré par l’absence d’avancée sur ce dossier. « Les “fake news” disent, sans même me demander (toujours des sources anonymes), que je suis en colère parce que cela ne va pas assez vite. Faux, très heureux ! », a-t-il tweeté.