Il refuse tout net de quitter le pouvoir, malgré la contestation. Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, a écarté lundi 23 juillet de démissionner, comme l’exigent des manifestants depuis plus de trois mois, et alors que ses opposants et ses supporteurs battaient de nouveau le pavé.

Le dirigeant nicaraguayen a assuré dans une interview à une chaîne américaine qu’il irait jusqu’au bout de son mandat. « Notre mandat électoral se termine avec les élections de 2021, quand nous aurons nos prochaines élections », a-t-il dit à Fox News en rejetant l’idée d’élections anticipées. « Avancer les élections créerait de l’instabilité, de l’insécurité et ne ferait qu’empirer les choses ».

M. Ortega a aussi affirmé que les troubles meurtriers qui agitent son pays depuis avril étaient terminés. « Cela fait une semaine maintenant que la tourmente est finie », a-t-il déclaré. « Les choses sont en train de devenir plus normales dans le pays », a-t-il ajouté, tout en reconnaissant que les manifestations pacifiques, pour et contre son gouvernement, se poursuivaient.

Lundi pourtant, des milliers de Nicaraguayens, parmi lesquels des opposants et des partisans de Daniel Ortega, ont manifesté dans la capitale Managua.

Ses opposants de nouveau dans la rue à Managua

Lors d’une marche qui s’est terminée devant l’Université centraméricaine (UCA), des étudiants et des opposants au gouvernement ont défilé en scandant « Liberté pour les prisonniers », « Justice » et « Autonomie universitaire ». Des étudiants portaient des croix avec des sacs à dos symbolisant les personnes mortes au cours des manifestations qui secouent le pays depuis plus de trois mois. D’autres brandissaient des photos de leurs camarades arrêtés « arbitrairement » pour avoir pris part aux marches, selon les organisations de défense des droits de l’homme.

Au moins 292 personnes ont été tuées au cours des manifestations qui ont débuté le 18 avril, selon un bilan actualisé lundi par le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh).

Le président Ortega a nié contrôler les paramilitaires pro gouvernementaux qui ont été vus en train d’agir aux côtés de la police. Il a au contraire accusé des groupes politiques de diriger des milices antigouvernementales, qui ont selon lui tué « des dizaines » de policiers lors des troubles et auraient cherché des financements auprès de trafiquants de drogue et des Etats-Unis. « Aucune des manifestations pacifiques » n’a été attaquée, a-t-il assuré.

« Campagne de mensonges »

L’ancien guérillero admirateur du Che a également démenti les informations rapportées par des manifestants et des prêtres, selon lesquelles ses forces auraient abattu deux jeunes hommes qui s’étaient réfugiés dans une église de Managua. « Aucun Nicaraguayen n’est mort dans aucune église. Pas un seul Nicaraguayen n’est mort dans une église. C’est faux », a-t-il dit. « Il n’y a pas un seul prêtre que nous soyons en train de persécuter », a-t-il encore dit, affirmant accueillir favorablement les efforts de l’Eglise catholique pour jouer les médiateurs entre son gouvernement et les groupes d’opposition.

Le président, qui a fait de sa femme sa vice-présidente en 2016, a aussi démenti toute velléité d’installer une dynastie au pouvoir. « Ça ne m’est jamais passé par la tête d’installer une dynastie », a-t-il affirmé. « Ma femme, c’est la première fois qu’elle est vice-présidente. »

M. Ortega a enfin dit avoir accordé une interview à Fox News, après avoir refusé de parler aux médias étrangers pendant des années, parce qu’il voulait que les Etats-Unis fassent preuve de « respect » envers son pays. « L’histoire de nos relations avec les Etats-Unis a été douloureuse. Je ne veux pas qu’elle se répète », a-t-il déclaré. Il a aussi critiqué « une campagne de mensonges, des mensonges terribles pour tenter de nuire à l’image du Nicaragua et de son gouvernement ».

Les opposants réclament la démission d’Ortega, au pouvoir depuis onze ans. Ils l’accusent d’avoir mis en place avec son épouse Rosario Murillo, qui occupe les fonctions de vice-présidente, une dictature marquée par la corruption et le népotisme.