Emmanuel Macron suivi d’Alexandre Benalla, lors du deuxième tour des élections législatives, le 18 juin 2017 au Touquet. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Emmanuel Macron est attendu à Madrid jeudi 26 juillet pour une visite de travail avec le nouveau président du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez. S’il lui donne l’occasion de s’éloigner de Paris, le voyage devrait se dérouler dans l’ombre de l’affaire Benalla, qui ne passe pas inaperçu en Espagne, comme dans les autres pays voisins de la France.

Depuis une semaine, les journaux espagnols, allemands, britanniques ou belges suivent les révélations de près, sans en faire pour autant leurs gros titres. Ils s’accordent cependant sur la gravité du scandale. The Guardian au Royaume-Uni et Die Welt, le quotidien conservateur allemand, parlent ainsi « du plus gros scandale depuis le début du mandat » d’Emmanuel Macron.

Dans un pays très « macronphile » comme l’Espagne, le scandale risque dès lors d’entacher la venue du président français alors même que Pedro Sanchez espérait réaffirmer sa carrure internationale en posant au côté de M. Macron. C’est la « pire crise de son gouvernement », selon le quotidien espagnol El Pais. Pour le quotidien de droite El Mundo, l’affaire Benalla « révèle au moins un dysfonctionnement : un président tout-puissant a cru avoir le droit de concéder d’extraordinaires prérogatives à son garde du corps de confiance, et peut-être, c’est à voir, a permis que fonctionne une police présidentielle loin des contrôles légaux ».

D’après le journal, M. Macron se trouve dans son « pire moment de popularité » : « le nom d’Alexandre Benalla pèsera pour toujours sur son mandat ». Pour sa part, le journal conservateur et monarchique ABC estime que « le scandale du “gorille” d’Emmanuel Macron s’est transformé en un champ de mines politique qui menace tous les projets de réformes du président, transformé dans un rosaire de casseroles qui peuvent le poursuivre indéfiniment ».

La presse allemande relativise

En Allemagne, l’affaire Benalla a été largement relatée dans les médias depuis jeudi 19 juillet, au lendemain des premières révélations du Monde. Si les articles se contentent de relater les faits, l’un d’eux, paru dans le Spiegel samedi 21 juillet, se distingue : « Benalla porte une barbe et a des origines nord-africaines. Pour cela, certains de ceux qui le critiquent estiment qu’il ressemble davantage à un terroriste qu’à un policier. »

Quelques articles vont toutefois plus loin sur le plan de l’analyse, et estiment que cette affaire est révélatrice du rapport au pouvoir du président français. C’est le cas dans le Tagesspiegel, dans un article intitulé « La dangereuse arrogance de Macron ». « Le chef de l’Etat se retranche dans le silence. Avec cette attitude, il renforce ses contempteurs qui lui reprochent de se comporter en hyper-président sans égard pour le parlement et les médias », écrit ainsi le quotidien berlinois.

« Avant son élection, Macron a publié un livre intitulé Révolution, rappelle le Süddeutsche Zeitung, quotidien munichois de centre-gauche. La politique manque trop souvent de transparence, estimait alors le candidat, qui promettait de gouverner de façon désintéressée et honnête. Un tel candidat, pouvait-on imaginer, allait être un président capable de supporter la critique. On a plutôt l’impression du contraire. Macron se tait. »

Malgré ces critiques, la presse allemande qui, depuis le début du quinquennat, s’est montrée globalement très élogieuse à l’égard de M. Macron, refuse de basculer d’un extrême à l’autre, et, même si l’image du président français est sérieusement écornée, la condamnation n’est pas totale. « Si l’on met tous les détails bout à bout, l’affaire apparaît moins grave que d’autres scandales qui ont entaché la Ve République – par exemple celui du Rainbow Warrior, ce bateau de Greenpeace coulé par les services secrets français en 1985 », relativise ainsi le Tagesspiegel.

La presse britannique ironise

Un président à l’image dépréciée, c’est aussi ce qui ressort dans la presse britannique. Si l’affaire ne fait pas non plus les gros titres outre-Manche, les quelques analyses se concentrent sur le récit des faits et le président, alors qu’Emmanuel Macron est « arrivé au pouvoir en mai 2017 plaidant pour un nettoyage de la politique française et la “moralisation” de la vie publique », comme le rappelle le quotidien The Guardian. Une affaire « qui n’arrange rien » à l’image du président, « rapidement passée de celle d’un souple libéro-centriste à celle d’un réactionnaire inflexible » à en croire le quotidien généraliste The Independent.

Pour la BBC, l’affaire Benalla est même révélatrice des faiblesses d’un président désormais « aux pieds d’argile » :

« Qu’un si petit événement devienne une affaire d’Etat suggère une de ces deux choses. Soit l’opposition et les médias manquent tellement d’éléments critiques sur le président qu’ils ont joyeusement poussé “l’affaire Benalla” dans ses retranchements, au risque d’exagérer. Soit l’événement en lui-même révèle une vérité plus sombre à propos de la présidence Macron, qui nous a jusqu’alors trop éblouis pour que nous puissions la remarquer. »

Et The Guardian de rappeler que, malgré la « probité exemplaire de son équipe à l’Elysée » vantée par Emmanuel Macron lors du sommet du G7 au Québec les 8 et 9 juin, sa présidence s’intègre dans l’histoire des présidents de la Ve République qui n’est, elle, pas un exemple. Enumérant les scandales – des diamants de Bokassa pour Valéry Giscard d’Estaing aux soupçons de financements libyens de la campagne de Nicolas Sarkozy, en passant par le « cabinet noir » de François Mitterrand –, le quotidien suggère qu’Emmanuel Macron « aurait dû savoir que sa croisade de nettoyage finirait par tomber sur un os ».

The Daily Telegraph, quotidien conservateur, suggère enfin un double coup pour le chef de l’Etat français, dont la popularité « a atteint des records de baisse après la publication des images », au lieu du « bond » qu’elle aurait dû connaître après la victoire française à la Coupe du monde de football, le 15 juillet.

La presse belge temporise

S’ils ont un peu boudé leurs voisins français après la Coupe du monde de football, les Belges retrouvent peu à peu leur curiosité pour la politique hexagonale avec l’affaire Benalla. Les quotidiens suivent l’affaire de près, surtout depuis le début des auditions devant l’Assemblée nationale. Globalement, les éditorialistes se rejoignent sur deux points : ils critiquent eux aussi le mutisme observé par le chef de l’Etat jusqu’au 24 juillet, et applaudissent la soif de démocratie du peuple français.

« La France, l’Europe ont besoin d’un Macron éclairé, pas d’un Jupiter retranché », écrivait ainsi le quotidien La Libre Belgique. « Dans l’affaire Benalla, ce sont la presse d’abord, la justice et le Parlement français ensuite, qui ont forcé l’exécutif à appliquer les lois et à respecter les prescrits éthiques et de responsabilité […]. C’est la seule chose réjouissante à constater », soulignait pour sa part lundi l’éditorialiste Béatrice Delvaux du journal Le Soir. Elle explique au Monde que la presse francophone « suit l’affaire, mais pas de manière hystérique non plus ».

De manière générale, les francophones sont très attentifs à la politique française, ne serait-ce que parce qu’ils regardent énormément les chaînes de télévision de l’Hexagone et parce que la politique belge, avec tous ses niveaux de pouvoir, est parfois moins lisible. Cet intérêt s’explique aussi, selon Béatrice Delvaux, par l’image « glamour politiquement et personnellement », que renvoie Emmanuel Macron. Ce qui n’est pas toujours le cas des décideurs belges.

Du côté de la presse flamande (la Flandre, au nord du pays), la couverture est plus limitée. « Mais si ça devient plus grave, on écrira », assure Lieve Dierckx, journaliste pour De Tijd.

Notre sélection d’articles sur l’affaire Benalla

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