La procédure a été lancée par le ministre du développement économique, Luigi Di Maio (ici à Rome, le 7 juin). / Tony Gentile / REUTERS

Le nouveau gouvernement italien antisystème a annoncé mardi 24 juillet dans la soirée le lancement d’une procédure qui pourrait conduire à l’annulation de l’attribution du sidérurgiste Ilva au géant mondial ArcelorMittal, un coup de tonnerre susceptible de mettre en danger des milliers d’emplois.

Ilva compte 14 000 salariés, pour l’essentiel à Tarante, dans les Pouilles (sud), et ArcelorMittal devait en garder 10 000 tandis que 2 500 devaient être repris par l’administration extraordinaire de l’ancienne Ilva pour des travaux de dépollution de ce site.

La procédure a été lancée par le ministre du développement économique, Luigi Di Maio, après des problèmes relevés par l’ANAC, l’autorité nationale anticorruption, dans la procédure d’appel d’offres.

« A la suite des vérifications internes sur le dossier Ilva et de l’avis fourni par l’ANAC, [le ministère] estime que les conditions sont réunies pour lancer une procédure administrative pouvant conduire à l’éventuelle annulation » du décret d’adjudication de juin 2017, a expliqué M. Di Maio dans un communiqué. « C’est une mesure régie par la loi qui prendra 30 jours. Un acte visant à vérifier les faits à la suite des importants manquements relevés », a-t-il ajouté.

Le ministre, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), a précisé qu’il rencontrerait mercredi « les dirigeants d’ ArcelorMittal pour poursuivre la discussion sur la mise à jour de leur proposition ». Plus tôt dans la journée, le ministre avait souligné : « Nous sommes en train de confier la plus grande aciérie d’Europe, qui a eu un impact dévastateur sur la santé » et pour cela « nous avons besoin d’un appel d’offres bien fait ».

Pertes de parts de marché

Le ministère avait saisi l’ANAC le 11 juillet, à la demande de Michele Emiliano, président (gauche) de la région des Pouilles. Le 19 juillet, le président de l’ANAC, Raffaele Cantone, avait relevé plusieurs points litigieux, comme par exemple le fait que le délai pour la mise aux normes environnementales ait été allongé de six ans en cours d’appel d’offres alors même qu’il ne restait plus que deux candidats. Une période plus longue dès le départ aurait pu permettre à d’autres groupes de rester dans la course.

Début juillet, M. Di Maio avait de plus jugé que les précédents engagements concernant Ilva pris par ArcelorMittal avec l’ancien gouvernement de centre-gauche n’étaient pas suffisants, tant sur le plan environnemental qu’en termes d’emplois maintenus.

ArcelorMittal avait annoncé mardi avoir accepté, sans les détailler, « toutes les demandes substantielles » du nouveau gouvernement.

Dans la journée, le secrétaire général du syndicat italien de la métallurgie Fim-Cisl, Marco Bentivogli, avait appelé le gouvernement italien à prendre rapidement une décision. « Il est temps d’arrêter de rejeter la faute. S’il y a des vices [de forme] dans l’appel d’offres, il faut l’annuler. Et sinon il faut rouvrir immédiatement les négociations syndicales arrêtées depuis deux mois », avait-il souligné. Car selon lui, l’incertitude ralentit les travaux de mise aux normes environnementales, ce qui « rend moins sûr le site pour les travailleurs et fait perdre des parts de marché et des ressources financières considérables » au sidérurgiste italien.

Une procédure qui n’en finit pas de s’enliser

A la tête d’un consortium composé également de la Caisse italienne des dépôts (CDP) et de la banque Intesa Sanpaolo, ArcelorMittal a obtenu début mai le feu vert européen pour le rachat d’Ilva, en contrepartie de la cession d’autres actifs en Italie, dans le Benelux ainsi qu’en Europe centrale et orientale.

Mais la nouvelle coalition au pouvoir en Italie, formée par le M5S et la Ligue (extrême droite), a repoussé la prise de contrôle de la société, initialement prévue pour le 1er juillet.

ArcelorMittal, qui doit acquérir Ilva pour 1,8 milliard d’euros, s’est aussi engagé à investir 2,3 milliards d’euros pour améliorer la productivité et à accélérer la dépollution du site de Tarente, accusé d’être l’un des plus polluants d’Europe.

En juin 2017, le précédent gouvernement de centre-gauche avait privilégié l’offre ArcelorMittal à celle d’un consortium formé autour du groupe indien Jindal South West Steel. Ce dernier avait relevé in extremis son offre sur Ilva, passant de 1,2 milliard d’euros à 1,85 milliard, mais sans succès.

Lourdement endettée et au bord de l’asphyxie financière, Ilva a été placée sous tutelle par l’Etat italien début 2015 puis nationalisée. L’Etat a lancé début 2016 une procédure qui n’en finit pas de s’enliser pour trouver un repreneur.