L’avis du « Monde » - Pourquoi pas

En à peine deux heures de Charmer, on sera passé à travers trois genres distincts – la chronique sociale, le thriller et le dernier qu’on ne peut révéler sans dévoiler un ressort essentiel du scénario. Cette instabilité convient bien à la situation d’Esmail, immigrant iranien à Copenhague, en attente d’un titre de séjour. Elle est aussi la marque de l’incertitude d’un propos qui hésite entre la froideur analytique et la manipulation du spectateur. Si bien que, malgré le brio de la mise en scène, The Charmer manque – de peu – ses deux buts avoués : ajouter quelques éléments inédits à l’impressionnante filmographie traitant de l’immigration en Europe ; faire surgir de ce terrain une intrigue surprenante.

Esmail (Ardalan Esmaili) est arrivé depuis deux ans au Danemark quand le film commence. Le jour, il est déménageur. Le soir, il fréquente un bar chic dans l’espoir d’y rencontrer une Danoise prête à l’épouser dans un délai raisonnable, qui ne cesse d’ailleurs de se réduire, au fur et à mesure que ses recours sont rejetés. Il semble d’ailleurs que Milad Alami, Suédois né en Iran, ait tourné son film avant que le royaume du Danemark n’instaure les réglementations violemment dissuasives à l’encontre de l’immigration qui sont en vigueur aujourd’hui.

Changement de rythme

Il ne s’agit donc pas de dénoncer le manque d’hospitalité du monde des nantis, plutôt de mettre en scène les efforts un peu absurdes d’un garçon charmant (d’où le titre) pour trouver une place qu’il aurait lui-même du mal à définir. Lorsque Esmail fait la rencontre de Sara (Soho Rezanejad), une jeune bourgeoise iranienne qui vit depuis longtemps au Danemark et se débat entre le poids de sa famille et les normes sociales scandinaves, le film se fait un moment joliment sentimental, par la grâce de son interprète féminine.

Cet interlude est fracassé par l’irruption d’un Danois vengeur, et par le dévoilement un peu laborieux des raisons qui le poussent à s’en prendre à Esmail. Milad Alami prend un plaisir manifeste à l’accélération que provoque ce changement de rythme. Reste qu’il procède d’une certaine gratuité, sans apporter grand chose à la définition du personnage principal, qui reste – malgré ou à cause du regard ténébreux d’Ardalan Esmaili) – une énigme avant que le dénouement et ses révélations n’en fassent un être tout à fait incohérent.

THE CHARMER - Bande annonce
Durée : 01:54

Film danois de Milad Alami, avec Ardalan Esmaili, Soho Rezanejad, Lars Brygman (1 h 40). Sur le web : sister-distribution.ch, www.facebook.com/sisterdistribution