Pour réduire les maladies causées par le travail, il faut frapper au portefeuille des chefs d’entreprise en leur appliquant un « malus » s’ils restent passifs face au problème. C’est l’une des préconisations les plus marquantes de la commission d’enquête pilotée par le député (LRM) Julien Borowczyk et son collègue communiste Pierre Dharréville – le premier en tant que président, le second rapporteur. Rendues publiques mercredi 25 juillet, leurs conclusions sont centrées sur les « pathologies professionnelles dans l’industrie » et sur les « moyens à déployer pour leur élimination ». De ce « panorama » ressort la conviction que « le nombre de victimes » peut être diminué, à condition de provoquer « une prise de conscience massive » et de faire émerger « une culture de la prévention ».

Les maladies professionnelles s’avèrent tenaces dans le secteur industriel. Premier point à avoir en tête : les ouvriers sont davantage concernés « que les autres salariés » par des « contraintes physiques intenses » (activité en position debout, manutention manuelle de charges, gestes répétitifs…). Les statistiques de l’Assurance-maladie montrent également que, parmi les cancers ayant pu être associés à un domaine d’activité, près d’un quart « sont rattachables » à la métallurgie, sur la période 2011-2015. Une « spécificité » liée au fait que la part des « travailleurs de l’industrie » en contact avec « au moins un produit chimique cancérogène » est plus élevée que la moyenne : 18 % pour les premiers contre 10 % pour l’ensemble des salariés, en 2010 – le pourcentage atteignant un peu plus de 31 % dans la mécanique et le travail des métaux.

Même chose, s’agissant de l’exposition « longue ou importante à au moins un risque chimique » : la moitié des ouvriers qualifiés des secteurs du métal, du bois et de l’ameublement sont dans cette situation (contre 8 %, si on raisonne sur tous les salariés). Enfin, d’autres problématiques émergent, avec la diffusion « d’agents nouveaux » comme les nanomatériaux ou les perturbateurs endocriniens.

Des maladies sous-évaluées

Dès la fin du XIXsiècle, des lois ont été adoptées pour combattre le phénomène. Elles ont débouché sur la mise en place d’un système d’indemnisation dont l’objectif est double : réparer les préjudices et inciter les employeurs à agir avant que le mal soit fait. Ainsi, le travailleur peut être dédommagé sans avoir à prouver le lien entre son problème de santé et l’activité qu’il occupe, dès l’instant où la maladie « entre dans les critères définis par des tableaux ». Un dispositif complémentaire a été créé afin d’assurer la prise en charge des affections non inscrites dans ces tableaux.

Mais cet édifice demeure imparfait, les maladies professionnelles étant sous-évaluées. De très nombreux facteurs jouent : « pressions » de la hiérarchie sur les salariés « pour qu’ils ne procèdent pas aux déclarations », méconnaissance des droits, procédures longues et complexes, non-respect des obligations de prévention dans certaines sociétés, etc. S’y ajoutent les faiblesses du monde la santé, pris dans la globalité : les médecins généralistes sont très peu formés à ces sujets, tandis que la médecine du travail, elle, est en crise, avec un « manque d’effectifs » criant.

M. Dharréville formule quarante-trois recommandations très concrètes qui visent à renouveler la politique de prévention des risques professionnels dans l’industrie. Leur but est d’améliorer « la traçabilité des expositions », par le biais – entre autres – d’un « dossier médical personnel de santé au travail » qui suivrait le salarié tout au long de sa carrière. Les entreprises qui recourent à des sous-traitants et à des intérimaires auraient des devoirs accrus à l’égard de cette main-d’œuvre ponctuelle. Et sitôt qu’une maladie professionnelle serait reconnue, le patron aurait l’obligation de prendre des mesures sur « le poste de travail en cause ». Autant de propositions susceptibles de retenir l’attention de l’exécutif, le thème de la santé au travail figurant dans l’agenda social qu’Emmanuel Macron veut traiter à partir de la rentrée.