Il a fallu attendre le dernier jeudi du Tour, mais une équipe française a fini par s’imposer sur cette Grande boucle pas simple pour les quatre formations tricolores. Arnaud Démare s’impose au sprint à Pau après que son équipe a roulé toute la journée derrière les cinq échappés. Christophe Laporte, deuxième et gêné dans les 100 derniers mètres par Démare, complète un doublé français.

  • ALLEZ NONO ! ALLEZ NONO ! ALLEZ NONO !

« TIENS ANDRE, DANS TA FAAAAAAAAAAACE !!! », semble murmurer Arnaud Démare. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Certains diront que c’est plus facile quand Gaviria, Groenewegen, Greipel, Kittel et Cavendish ne sont pas là, et ils auront raison. Les autres répondront que ces messieurs n’avaient qu’à passer la montagne, et ils auront raison aussi.

Devant un peloton dépouillé de ses meilleurs sprinteurs depuis les Alpes (abandon ou hors-délai), Arnaud Démare a remporté à Pau sa deuxième étape sur le Tour, un an après l’inoubliable sprint de Vittel. Il devance Christophe Laporte – premier doublé français sur un emballage massif depuis Jacques Esclassan et Yvon Bertin à Saint-Amand-les-Eaux en 1978 – et signe une 3e victoire d’étape française cette année (après Alaphilippe, deux fois), la première pour une équipe tricolore.

Au bout d’un « sprint parfait », mis sur orbite par Jacopo Guarnieri, « Nono » a pris la tête aux 200 mètres, et ne l’a plus quittée, autant grâce à sa puissance qu’à une subtile embardée vers le centre de la chaussée qui a peut-être empêché Christophe Laporte de le devancer. Peter Sagan finit 8e, peut-être pas tout à fait remis de sa chute de la veille.

Démare, lui, s’est parfaitement remis de la courte mais rude étape du col du Portet, ainsi que de la polémique qui l’a « énormément blessé » : André Greipel avait ouvertement accusé le Français d’avoir effectué l’ultime ascension accroché à une voiture pour finir dans les délais. « Je peux le remercier parce qu’aujourd’hui, je pensais beaucoup à lui », a taquiné Arnaud Démare à l’arrivée. La Groupama-FDJ, au départ de Trie-sur-Baïse, était drôlement remontée, le directeur sportif Yvon Madiot jurait sur la tête de ses enfants et l’équipe avançait que les commissaires de l’Union cycliste internationale (UCI) avaient accompagné Démare toute l’étape. Une caméra dans la voiture de l’équipe derrière Démare, conduite par Frédéric Guesdon, attesterait même que le sprinteur n’a jamais saisi la portière.

« Il y aura toujours des doutes quand on gagne, a déploré le sprinteur français, qui a raconté cette anecdote illustrant la suspicion dont il fait l’objet dans le peloton : Lors de l’étape de Bagnères de Luchon [la 16e, qu’il a fini largué à l’arrière], la voiture de Bora [l’équipe de Sagan] s’est arrêtée, et m’a suivi pendant 40 kilomètres sur le plat. Elle a vu que je me suis battu. Certes, je perdais du temps sur le peloton, mais j’étais toujours dans les temps. J’ai peut-être une force mentale qu’ils n’imaginent pas. »

De son côté, Marc Madiot, mi-soulagé, mi-surexcité, pouvait souffler : « On se faisait un peu chambrer, c’était normal. On voulait vraiment aller chercher quelque chose, on a été la chercher, c’est super. On avait bien remonté les pendules ce matin, y avait de la rage, de l’envie, du collectif. » On attend maintenant une vidéo du patron de la FDJ digne de celle de l’an dernier, que l’on revoit pour le plaisir.

Tour de France 2017, 4e étape - La géniale hystérie collective du bus FDJ à l'arrivée
Durée : 01:17

  • Cofidis a trouvé son sprinteur

Christophe Laporte n’a pas attendu que la ligne soit complètement franchie pour féliciter chaleureusement le vainqueur du jour, Arnaud Démare. / Christophe Ena / AP

On peut bien l’avouer, la rédaction d’En Danseuse a parfois souri à la lecture des communiqués quotidiens de l’équipe Cofidis, contant l’aventure d’une formation invitée à une table trop haute pour elle. Souvent présente à l’avant quel que soit le terrain, l’équipe nordiste, qui s’est relancée cette année sous l’impulsion de son nouveau manager Cédric Vasseur a au choix eu « pas de chance », vécu « une journée difficile », montré un « bel état d’esprit » ou connu une « transition délicate ». Jeudi, elle est pourtant passée tout près d’être la première équipe française à lever les bras sur ce Tour, grâce à Christophe Laporte.

Sauf qu’Arnaud Démare a semblé aimanté par le centre de la route dans son sprint, pile l’endroit, c’est curieux, où Laporte était en train de le déborder : le sprinteur de Cofidis était le plus rapide dans les 100 derniers mètres - 70 contre 68 km/h - et la photo-finish aurait sans doute été plus serrée si Démare avait sprinté droit.

Le Varois au duvet d’adolescent n’avait pas vraiment le cœur à célébrer son premier podium sur le Tour, à l’arrivée : « On démarre le sprint le long des barrieres et on finit au milieu de la route... Après, il y a des commissaires... » Démare était-il le plus fort ? « Je ne sais pas. En tout cas, c’est lui qui a gagné sur le papier. Que ce soit le plus fort ou pas, c’est lui qui a gagné. Je trouve qu’il se décale sur la gauche, chacun jugera. »

« Il ne fait aucun doute qu’Arnaud dévie sa trajectoire dans le final, observait Cédric Vasseur.Je ne fais pas partie du collège des commissaires mais on nous a déclassé Nacer Bouhanni pour moins que cela ! »

Tiens, Nacer Bouhanni ! Ce jeudi, l’ancien meilleur sprinteur de Cofidis, rétrogradé par Cédric Vasseur dans la hiérarchie interne de l’équipe, galérait en Belgique sur une course balayée par la pluie et le vent. Sur le Grand Prix Pino Cerami, son équipe a roulé toute la journée pour favoriser une arrivée au sprint. Les échappés ont eu le dernier mot et Bouhanni a fini 34è. Il chercherait une nouvelle équipe pour l’an prochain, même si son contrat expire fin 2019.

Christophe Laporte aura, lui, une dernière chance sur les Champs-Elysées. Pas de pression : cela fait dix ans que Cofidis n’a pas gagné sur le Tour de France.

  • Les échappées restent fanny

Autant chercher un cycliste dans une botte de paille. / STEPHANE MAHE / REUTERS

A moins qu’un homme seul refasse le coup d’Alexander Vinokourov en 2005 sur les Champs-Elysées, le peloton du Tour disputera à Paris son huitième sprint massif : une première depuis 2013, et un chiffre qui n’a pas été dépassé depuis...1999.

C’est beaucoup, et c’est la preuve que les équipes qui viennent sur le Tour avec un sprinteur ne laissent plus passer une seule occasion sur la course la plus importante de l’année. Rien de plus rationnel : les sprinteurs sont parmi les coureurs les mieux payés du peloton et les équipes investissent beaucoup autour d’eux, avec du développement matériel et des « poissons-pilotes » qui les accompagnent toute l’année.

Depuis deux ans, la FDJ a investi autour d’Arnaud Démare en recrutant des coureurs expérimentés, parmi les meilleurs du monde dans le secteur : les Italiens Jacopo Guarnieri et Davide Cimolai en 2017, et le Néerlandais Ramon Sinkeldam, cet hiver. Elle n’allait pas laisser passer l’occasion de donner une nouvelle chance de victoire à Arnaud Démare, dans le contexte d’un peloton qui a perdu ses meilleurs sprinteurs et avec un Peter Sagan affaibli par sa chute de la veille.

Ainsi la FDJ a-t-elle mis tous ses hommes – elle est encore au complet – à contribution dans une poursuite qui n’a laissé aucune chance aux cinq échappés, des rouleurs de compétition dont l’avance n’a jamais atteint deux minutes (Niki Terpstra, Luke Durbridge, Matthew Hayman, Guillaume Van Keirsbulck et Thomas Boudat).

Les échappés devraient avoir plus de chance vendredi, entre Lourdes et Laruns.