Donald Trump était apparu comme le meilleur avocat de Vladimir Poutine, lors de sa rencontre avec le président russe à Helsinksi mi-juillet. Pour tenter d’en finir avec la polémique incessante née de cette première rencontre bilatérale, la Maison Blanche a annoncé mercredi le report du prochain sommet entre les présidents américain et russe.

Juste avant le début de l’audition sous haute tension du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, devant le Sénat, l’administration a fait deux annonces symboliques, dans une vaste opération de déminage : le report du prochain sommet initialement envisagé pour l’automne à « l’année prochaine » et une déclaration qui réitère le « refus » de Washington « de reconnaître » l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Une annonce saluée par le président ukrainien, Petro Porochenko, qualifiant la déclaration de M. Pompeo « d’historique ». Il s’agissait de dissiper l’impression laissée par la conférence de presse qui avait suivi le sommet américano-russe d’Helsinki, quand Donald Trump s’était montré incapable de critiquer Moscou, notamment sur la Crimée et le conflit en Ukraine.

Le motif invoqué pour le report du sommet est que l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2016 aux Etats-Unis et sur des soupçons de collusion entre l’équipe du candidat Trump et le Kremlin, qualifiée de « chasse aux sorcières » par la Maison Blanche, doit auparavant être bouclée pour ne pas parasiter les échanges.

« Les Américains méritent de savoir ce qui s’est passé »

Une double annonce qui n’a pas empêché des échanges très vifs lors de l’audition du chef de la diplomatie américaine par des sénateurs, républicains comme démocrates, ulcérés par l’attitude de Donald Trump. En toile de fond, le tête-à-tête de deux heures dans la capitale finlandaise avec Vladimir Poutine, en présence seulement des interprètes, objet de toutes les conjectures sur d’éventuelles promesses secrètes faites au président russe.

« Nous ne connaissons pas la vérité », « les Américains méritent de savoir ce qui s’est passé », a attaqué d’emblée le chef de file de l’opposition démocrate au sein de la commission des affaires étrangères, Bob Menendez, accusant le milliardaire républicain d’afficher sa « proximité avec nos adversaires ». L’élu a tenté de mettre en difficulté le secrétaire d’Etat sur le flou qui règne sur les échanges d’Helsinki.

« Sénateur, je vais uniquement vous dire aujourd’hui ce dont vous avez besoin pour remplir votre tâche, rien de plus », a sèchement répondu l’intéressé, visiblement agacé par le feu roulant des questions. « Je vais tenter de rester à l’écart du cirque politique », a-t-il lâché un peu plus tard, tout en assurant à plusieurs reprises avoir eu « un débriefing complet de la part du président Trump ». Sur le fond, Mike Pompeo a défendu un sommet utile entre deux superpuissances nucléaires, qui doivent tenter de s’entendre. Et il a tenté de dissiper les principales inquiétudes des parlementaires en affichant sa fermeté face à Moscou.

Trump « conscient des défis posés par la Russie »

Ces derniers reprochent au locataire de la Maison Blanche d’avoir dans un premier temps donné plus de poids aux dénégations du maître du Kremlin au sujet de l’ingérence russe qu’aux rapports du renseignement américain qui attestent d’une telle immixtion dans la vie démocratique américaine. « J’ai personnellement dit clairement aux Russes qu’il y aurait de graves conséquences pour l’ingérence dans nos processus démocratiques », a lancé le chef de la diplomatie américaine, promettant de travailler à de nouvelles sanctions avec le Congrès, très largement hostile à la Russie. « Nous avons fait clairement comprendre que la balle est dans le camp russe », a-t-il dit. Selon lui, le président Trump est « bien conscient des défis posés par la Russie ».

Souvent sur la défensive, haussant la voix contre les « soliloques politiques » de certains démocrates, Mike Pompeo n’a pas dissipé toutes les craintes au cours de trois heures d’audition, y compris dans son propre camp.

Sur les autres sujets chauds pour la diplomatie américaine, le ministre des affaires étrangères s’est voulu rassurant, promettant notamment que l’OTAN, bousculée par Donald Trump lors d’un sommet très tendu, resterait « un pilier indispensable de la sécurité nationale ». Quant à la Corée du Nord, alors que les négociations sur la dénucléarisation semblent patiner, il a réaffirmé son optimisme et vanté des « progrès », tout en reconnaissant que Pyongyang continue de « produire des matériaux fissiles » et refusant de dire en public si le régime développe toujours son programme nucléaire malgré ses engagements.