Les réseaux sociaux sont régulièrement accusés de biais par la droite américaine. / NICOLAS SIX / QUENTIN HUGON / « LE MONDE »

Les comptes Twitter conservateurs seraient, à en croire le président des Etats-Unis, discriminés par le réseau social. Jeudi 26 juillet, Donald Trump a en effet accusé Twitter de « shadow banning », qu’on pourrait traduire par « bannissement fantôme ».

Comme l’ont constaté plusieurs personnalités de la droite américaine, certains de leurs comptes n’apparaissaient plus dans un espace très précis de Twitter : les suggestions automatiques s’affichant au moment d’entrer une recherche. La présidente du Parti républicain, Ronna McDaniel, s’en est par exemple émue dans un tweet : « Voilà à quoi cela ressemble, quand une entreprise responsable d’un réseau social fait taire les voix conservatrices. »

La politicienne assortit son message d’un lien vers un article du site d’information Vice, qui a pu constater plusieurs cas similaires.

« Twitter fait du “shadow banning” de personnalités républicaines », a tweeté dans la foulée Donald Trump. « Ce n’est pas bien. Nous allons nous pencher sur cette pratique discriminatoire et illégale ! Il y a eu de nombreuses plaintes. »

Twitter reconnaît « un problème »

En réaction, Twitter a reconnu dans un billet de blog « un problème » dans les suggestions automatiques, qui a concerné « des centaines de milliers de comptes ». Un souci technique, depuis résolu, qui n’était « pas limité à une affiliation politique en général », assure Twitter, qui souligne que « des politiciens démocrates » ont aussi été affectés.

Toutefois, l’entreprise reste floue sur un point : les comptes républicains ont-ils été plus affectés que les démocrates ? C’est ce que laisse entendre une partie du communiqué de Twitter, qui explique que l’activité entourant les comptes républicains pourraient leur nuire dans les suggestions automatiques. En clair, pour déterminer qui apparaît dans cet espace, l’algorithme prend en compte plusieurs facteurs, parmi lesquels « comment les autres comptes interagissent avec » celui concerné. Or, explique Twitter, des comptes républicains feraient l’objet « de comportement coordonné » de la part de « communautés », qui chercheraient ainsi à « booster » la visibilité de ces comptes sur Twitter. Résultat : cela nuirait à leur classement dans les suggestions automatiques.

Twitter se défend toutefois de toute forme de « shadow banning », un terme utilisé abusivement par le président américain. Cette expression désigne en effet le fait, pour un réseau social, de rendre invisibles aux autres les messages d’un de ses utilisateurs, sans que celui-ci ne s’en rende compte. Ce n’est pas ce qui s’est passé sur Twitter : non seulement les comptes et leurs tweets étaient toujours visibles de tous, mais ils apparaissaient aussi normalement dans les résultats de recherche – seule la zone de suggestion automatique, au moment où l’internaute tape sa recherche, était concernée.

La droite dure se dit persécutée par les réseaux sociaux

Cette mobilisation de républicains, et l’implication du président des Etats-Unis lui-même, s’inscrit dans un contexte de fronde de personnalités de la droite dure américaine contre les réseaux sociaux. Celles-ci sont persuadées d’être persécutées par ces grandes entreprises du numérique, dont la majorité des employés affichent une sensibilité démocrate. Facebook est la principale concernée, et son dirigeant, Mark Zuckerberg, interrogé par le Congrès américain en avril, avait dû répondre à plusieurs questions sur le biais présumé de sa plate-forme.

Ces sites ont resserré la vis ces derniers mois sur la modération de certains types de contenus, notamment après l’élection présidentielle américaine de 2016, noyée sous les fausses informations. Mais aussi après le rassemblement néonazi de Charlottesville en août 2017, où une femme avait été tuée par un véhicule ayant foncé dans une foule de contre-manifestants. Plusieurs publications et comptes d’extrême droite avaient alors été bloqués sur différentes plates-formes. Depuis, la Silicon Valley a continué à durcir le ton pour les comptes diffusant des contenus haineux, des fausses informations ou des théories du complot, en les bloquant ou en limitant leur visibilité.

Alex Jones sanctionné

Jeudi encore, Alex Jones, à la tête du site Infowars, très populaire parmi l’extrême droite américaine, a été sanctionné par Facebook : il ne pourra pas utiliser son compte pendant trente jours, rapporte le site spécialisé Cnet, citant un porte-parole de l’entreprise. Le réseau social a aussi retiré quatre vidéos qui n’étaient pas conformes à son règlement, soulignant qu’il n’autorisait pas les contenus encourageant à attaquer quelqu’un en raison de sa religion ou de son genre. La veille, il avait aussi subi les sanctions de YouTube, qui a supprimé certaines de ses vidéos, et l’a interdit de diffuser descontenus en direct pendant quatre-vingt-dix jours. Ce ne sont pas les premières sanctions auxquelles Alex Jones est confronté – il accuse régulièrement ces réseaux sociaux de censure.

Cette chaîne illustre bien la complexité du problème auquel sont confrontées les grandes entreprises du numérique : elles ne veulent pas laisser proliférer les fausses informations, théories du complot et appels à la haine sur leurs plates-formes et en même temps veulent éviter de passer pour des censeures ne respectant pas la liberté d’expression. Le cas très médiatique d’Alex Jones et Infowars est particulièrement difficile à gérer, étant donné qu’il mélange des contenus d’opinion et des contenus problématiques comme des théoriques du complot, par exemple lorsqu’il avait affirmé que la fusillade de l’école Sandy Hook, en 2012, n’avait jamais eu lieu.