Sam Rainsy, opposant cambodgien du PSNC, à Paris où il s’est exilé, le 19 juillet. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Le taux de participation très élevé, à 82 %, c’était ce que voulait Hun Sen. Pas une mince affaire pour un satrape accusé par ses adversaires d’avoir organisé un simulacre de scrutin. Le Cambodge est en passe de devenir un régime à parti unique : le parti au pouvoir se félicite d’avoir emporté l’intégralité des sièges de l’Assemblée.

La victoire pourrait être tempérée par un nombre important de bulletins blancs ou nuls : selon les calculs du site Asia Times, près de 600 000 votants – sur 6,8 millions – auraient rageusement rayé leurs bulletins. « Dans mon bureau de vote, de nombreux électeurs ont rendu des bulletins nuls », confirmait lundi un jeune intellectuel de Phnom Penh, qui requiert l’anonymat.

Cela pourrait être une manière de protester contre ces élections du troisième type. Après la dissolution, en 2017, du plus grand parti d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), accusé de « complot » contre le gouvernement, l’issue du scrutin ne faisait aucun doute : les dix-neuf partis en lice contre celui du premier ministre ne pouvaient le menacer.

« Sous le signe de la peur »

« A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », a réagi dans un communiqué le président du PSNC, le Franco-Cambodgien Sam Rainsy, 69 ans, en exil à Paris. Il a dénoncé de « fausses élections placées sous le signe de la peur [qui] ne peuvent pas traduire la volonté populaire ». Le cofondateur de son parti, Kem Sokha, est en prison depuis bientôt un an.

Sam Rainsy, favorable à un boycottage du scrutin, ne se faisait guère d’illusions dans un récent entretien au Monde : « Dans les campagnes, où le contrôle du PPC de Hun Sen est permanent, les gens auront peur de ne pas se rendre aux urnes. Les ruraux iront voter contre leur gré. »

Si Hun Sen a choisi la manière forte avant le vote, resserrant un peu plus l’emprise sur son pays, c’était pour éviter que se répètent les scénarios des législatives de 2013 et des municipales de 2017 : le PSNC avait alors taillé des croupières au parti au pouvoir, qui avait perdu 22 sièges au Parlement lors de la consultation d’il y a cinq ans.

La campagne antiélectorale organisée cette fois par l’opposition, en exil ou interdite, n’aura donc pas eu les effets escomptés : baptisé « opération doigt propre » – les Cambodgiens qui votent ont l’index taché d’encre pour preuve de leur passage aux urnes –, l’appel au boycottage n’a pas eu d’écho. Les adversaires d’Hun Sen apparaissent ainsi très divisés : certains d’entre eux sont à la tête de formations qui se sont présentées aux élections.

« J’ai dû me battre durant cette élection contre deux adversaires », confiait dimanche Yang Saing Koma, 52 ans, dans sa modeste baraque de bois dans la banlieue de Phnom Penh : « Hun Sen et Sam Rainsy. Ils ont beau être des adversaires, ils se ressemblent. En fait, ils appartiennent tous les deux au passé. »