Lors du jour du souvenir du MH370, à Kuala Lumpur (Malaisie), le 3 mars 2018. / Vincent Thian / AP

Après quatre ans et demi d’enquête sur la disparition du vol MH370, l’équipe internationale d’investigation menée par la Malaisie a rendu public, lundi 30 juillet après-midi à Kuala Lumpur, son rapport final, intitulé « Rapport d’enquête de sécurité » (Safety Investigation Report).

Depuis les premières heures de cette disparition, qui a eu lieu dans la nuit du 7 au 8 mars 2014 alors que le Boeing 777 de la Malaysia Airlines (MAS) passait de l’espace aérien de la Malaisie à celui du Vietnam, les familles des 239 personnes à bord se sont habituées aux volte-faces et aux contradictions des informations dispensées par les autorités au sujet de cette affaire. Bien que, comme le conclut le rapport, « l’enquête ait été incapable d’établir la véritable cause de la disparition de MH 370 », le document, plutôt plus précis que nombre d’autres communiqués publiés sur le même accident, apporte toutefois un certain nombre d’éléments, au gré de ses 449 pages (et plus 1 000 pages d’annexes).

Tout d’abord, le rapport innocente explicitement le commandant de bord, Zaharie Ahmad Shah, régulièrement accusé, notamment dans les médias australiens et américains, d’avoir commis un acte suicidaire. Kok Soo Chon, responsable en chef de l’enquête, a indiqué que le pilote avait bien sûr été la première personne sur laquelle l’enquête s’était concentrée, mais que l’on n’avait rien trouvé de problématique chez cet homme marié de 53 ans et père de trois enfants : aucun historique de maladie mentale ou de suivi psychiatrique, aucun passif d’utilisation de drogues, aucun problème financier… Il disposait en outre d’une très grande expérience (plus de 18 000 heures de vol) et d’une excellente réputation. Le rapport clarifie aussi que, contrairement à ce qui continue d’être fréquemment répété, rien de compromettant n’a été trouvé sur le simulateur de vol du pilote.

Aberrations des données radar

En ce qui concerne les données radar qui ont permis d’étayer le scénario du « demi-tour » suivi d’un survol en sens inverse au-dessus la Malaisie (avant un détour dans le détroit de Malacca suivi d’un vol fantôme vers le pôle sud), le rapport admet que les changements d’altitude et de vitesse indiqués dans les documents précédents étaient bien au-delà des capacités techniques d’un Boeing 777, des aberrations déjà soulignées par Le Monde. Mais au lieu de remettre en cause la validité de ces données radar, le rapport choisit d’en retenir néanmoins la longitude et la latitude, ces éléments étant jugés « raisonnablement exacts ».

Selon nos informations, l’enquête française qui a de longue date demandé ces données radar, notamment lors de la commission rogatoire en Malaisie de décembre 2015, ne les a jamais obtenues. Si ces images prouvent que le vol MH 370 a véritablement survolé la Malaisie en sens inverse, il est difficile de comprendre pourquoi la Malaisie ne les a jamais partagées. Deux sources affirmant avoir vu ces images ont indiqué au Monde qu’elles étaient au contraire incompatibles avec un Boeing 777, non seulement car la « cible » volait trop vite et trop haut, mais aussi tout simplement parce que le « retour » était beaucoup trop petit pour un Boeing 777.

Pas d’avarie grave

Le rapport écarte en outre explicitement l’éventualité d’une avarie grave comme explication plausible au virage de 180 degrés que l’avion aurait effectué peu après avoir disparu des écrans radar. Autre élément nouveau, le rapport consacre plusieurs paragraphes à la technologie de prise de contrôle à distance d’un avion, avec désactivation de tout contrôle par les pilotes. Bien que les enquêteurs confirment que Boeing a déposé le brevet de cette technologie en 2003 (officiellement brevetée en 2006), ils indiquent que Boeing n’a encore installé cette technologie sur aucun avion civil.

Ayant exclu l’avarie et un acte de folie du commandant de bord, les enquêteurs concluent leur rapport en insistant sur « le manque de preuves » tant pour confirmer l’hypothèse du scénario officiel que pour la démentir. La phrase la plus surprenante de tout le rapport arrive dans l’avant-dernier paragraphe, quand les enquêteurs indiquent « ne pas exclure l’intervention d’une tierce partie ». Ils ne précisent toutefois pas ce qui les a amenés à cette idée, ni de quelle tierce partie il pourrait s’agir.

Rapport laborieux

Le chef de l’équipe de l’enquête a d’ailleurs indiqué qu’il avait été extrêmement laborieux de mettre toutes les parties d’accord sur la version finale du rapport. L’équipe était constituée de 19 experts malaisiens ainsi que des représentants accrédités de sept bureaux d’enquête dont les enquêteurs américains (NTSB), britanniques (AAIB), australiens (ATSB), singapouriens (TSIB), chinois (CAAC), français (BEA) et indonésiens (NTSC). Des conseillers de l’avionneur Boeing, du fabriquant du moteur Rolls Royce ainsi que d’Inmarsat, le fournisseur du service de Satcom, le système de communication par satellites, y ont également participé.

Les familles des disparus du MH370 avaient espéré que le nouveau gouvernement malaisien élu en mai aille jusqu’au bout de l’enquête mais elles se sont déclarées une nouvelle fois déçues. Le prochain premier ministre de Malaisie, Anwar Ibrahim, qui devrait prendre les rennes du gouvernement d’ici deux ans, a déclaré au Monde qu’il irait, lui, jusqu’au bout de cette enquête. « Il y va de notre sécurité nationale de savoir exactement ce qui s’est passé avec cet avion. »