Film sur Ciné + Emotion à 23 h 45

SPRING BREAKERS Bande-Annonce HD VF
Durée : 01:33

On aurait tort de voir dans le film d’Harmony Korine une plongée opportuniste et rouée au cœur d’un phénomène social, à la fois excentrique et banal. Spring Breakers ne relève pas d’une volonté anthropolo­gique et documentaire de décrire des comportements qui tiennent autant du rituel que du défoulement collectif.

Harmony Korine a pris pour ­objet, et pour contexte, le spring break, ces « vacances de printemps » durant lesquelles les étudiants américains se retrouvent au bord de la mer pour des orgies au cours desquelles l’alcool, le sexe et les drogues diverses servent de viatique à la manifestation d’une réjouissance grégaire et, a priori, déraisonnée.

Fantasme générationnel

Le dessein du cinéaste n’est pas d’en révéler les mécanismes, mais d’en interroger les significations comme fantasme générationnel et actuel. Tout est dit peut-être dès les premières images du générique où l’on voit s’ébattre, au ralenti, de jeunes hommes athlétiques en bermuda et des ado­lescentes pulpeuses en bikini, monades déchaînées, buvant, ­fumant, inventant des jeux grotesques qui signalent tous un ­rapport d’agressivité et d’émulation triviale entre les sexes.

Le parti pris de monter ces scènes au ralenti est une manière de jouer la fascination publicitaire pour ce moment dont, très vite, il est démontré qu’il est ­convoité par des personnages qui n’y voient pas seulement le temps d’un plaisir programmé mais une introuvable raison d’être.

Le récit s’attache à quatre filles qui attendent avec impatience de partir pour le spring break. Un soir, elles braquent un fast-food pour réunir l’argent de leur excursion. Arrivées sur leur lieu de villégiature, elles se font embarquer par la police, qui fait une descente dans une chambre où circulent des drogues diverses. Emprisonnées, elles sont libérées par un malfrat, chef de bande local surnommé « Alien » (James Franco), qui exhibe caricaturalement les attitudes de la culture rap. « Alien », dont les intentions, sont, un temps, assez obscures, et qui se vante d’avoir « commis tous les crimes du monde », les enrôle dans sa bande en leur promettant les plaisirs les plus intenses. Elles participent à une série de coups fourrés au cours desquels elles s’illustreront, en bikini et passe-montagne roses, manipulant toutes sortes d’armes automatiques. Deux d’entre elles, pourtant, rentreront chez elles ; l’une par peur, l’autre parce qu’elle a été blessée.

Brit (Ashley Benson), Alien « James Franco) et Candy  (Vanessa Hudgens). / Mars Films

Le pacte faustien qu’ont accepté les filles ne constitue pas vraiment une bifurcation essentielle du scénario. Car la seconde partie de Spring Breakers n’est en fait que la continuation de la première par d’autres moyens. La grande débauche des sens, de ­l’assouvissement infantile des pulsions, y atteint sa vérité cachée, une dimension mortifère et cruelle qui se démasquera progressivement comme le refoulé putréfié du monde néolibéral.

On sent bien que la réalité ­intéresse moins Harmony Korine que sa représentation fantasmatique, son reflet forgé par la publicité et les clichés sans esprit des industries culturelles. Les personnages veulent entrer dans une image qui n’est que leur propre horizon mental. Le faux devient ici une expression du vrai.

Spings Breakers, d’Harmony Korine. Avec Selena Gomez, James Franco (EU, 2012, 92 min).