Editorial du « Monde ». Un climat de plus en plus malsain s’installe en Italie. Depuis le début du mois de juin, plus d’une dizaine de faits ont été relevés où des Italiens ont attaqué des personnes étrangères ou prises pour telles. Le plus récent s’est produit dans la nuit du 29 au 30 juillet. Une jeune athlète de 22 ans, Daisy Osakue, née à Turin de parents nigérians, a reçu un projectile en pleine tête lancé d’une voiture. Il ne s’agissait que d’un œuf, mais il lui a endommagé la cornée.

« Il s’agit d’un acte raciste, a assuré cette Italienne qui devrait représenter son pays au lancer de disque aux championnats d’Europe d’athlétisme à Berlin en août. Ils cherchaient une femme de couleur. » Peu auparavant, un Marocain qui tentait d’échapper à des poursuivants qui l’avaient pris, à tort, pour un voleur, a été victime d’un accident de voiture.

Cette préoccupante flambée d’actes de racisme a provoqué une vive émotion en Italie. L’opposition de gauche a dénoncé un « climat d’intolérance et de racisme rampant », en s’en prenant principalement à Matteo Salvini. Le dirigeant de la Ligue (extrême droite), vice-président du conseil et ministre de l’intérieur, a récusé ces accusations. Tout en condamnant des « faits inacceptables », il a botté en touche : « Il y aurait du racisme en Italie ? Ne disons pas de bêtises. »

Mais il a vite renoué avec la thématique qui l’a porté au pouvoir, et qui lui vaut toujours une forte popularité, résumée par cette invective à l’intention des migrants : « La belle vie, c’est fini ! » Une politique résolument hostile à l’immigration, menée en coalition avec le Mouvement 5 étoiles, qui a valu au premier ministre italien, Giuseppe Conte, en visite le 30 juillet à Washington, les félicitations de Donald Trump.

Une suite de déclarations xénophobes

M. Salvini porte à l’évidence une lourde responsabilité dans cette montée de la haine à l’égard des migrants. Sa longue carrière politique est illustrée par une suite de déclarations xénophobes et d’attaques contre les immigrés. En arrivant aux affaires, le 1er juin, le ministre de l’intérieur n’a rien renié de ses convictions. Cette stigmatisation systématique des immigrés entretient un climat où, même s’il s’agit encore d’actes isolés, certains extrémistes se sentent « autorisés » à passer à l’acte. Elle crée aussi une diversion qui permet d’occulter les dégâts provoqués par les premières mesures économiques du nouveau gouvernement. Progressivement, tous les indicateurs virent au rouge, avec un ralentissement de la croissance plus fort que prévu et une remontée du chômage, ce qui laisse augurer une rentrée lourde de menaces.

Fort du soutien de son allié du Mouvement 5 étoiles – « Il n’y a pas de montée du racisme, on cherche juste à attaquer Salvini », a déclaré son chef de file, Luigi Di Maio, vice-premier ministre –, le ministre d’extrême droite reste droit dans ses bottes. En vacances depuis quelques jours sur la plage de Milano Marittima (Emilie-Romagne), il a posté sur les réseaux sociaux un message pour le moins provocateur, en reprenant une inscription que Benito Mussolini avait fait graver en 1932 sur son obélisque, dans le nord de Rome : « Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur. » Le slogan, utilisé par Jean-Marie Le Pen en 2012, est accompagné d’un smiley figurant un baiser. Et pendant ce temps, l’Union européenne, incapable d’adopter une position commune, et humaniste, face aux migrants, se comporte en spectatrice muette.

En Italie, les crimes racistes ont été multipliés par onze en quatre ans
Durée : 03:50