La centrale nucléaire de Bugey, sur le Rhône, le 11 août 2003. / PASCAL GEORGE / AFP

La canicule « intense et durable » qui frappe la France début août a aussi des conséquences sur les centrales nucléaires. Jeudi, EDF a indiqué avoir arrêté un réacteur nucléaire et réduit la puissance de deux autres le long du Rhône.

Le réacteur de Saint-Alban 1 (Isère) était ainsi à l’arrêt jeudi matin, mais devait repartir à la mi-journée, à une faible puissance. Les réacteurs de Saint-Alban 2 et Bugey 3 (Ain) ont, pour leur part, vu leur puissance réduite afin de limiter la température de l’eau.

  • Pourquoi faut-il diminuer la production ?

« On a choisi d’arrêter ou de moduler la puissance de certains réacteurs pour des contraintes environnementales », a expliqué une porte-parole d’EDF au Monde. Dans le fonctionnement d’une centrale nucléaire en bord de fleuve, l’eau de celui-ci est utilisée pour refroidir la vapeur du circuit secondaire qui alimente les turbines, avant d’être rejetée dans le fleuve.

Elle ne contient pas de matière radioactive mais ne doit pas dépasser une certaine température pour ne pas modifier l’équilibre environnemental du fleuve. Chaque centrale dispose de limites particulières liées aux spécificités géographiques, techniques ou environnementales. C’est notamment le cas pour les fleuves au bord desquelles se trouvent plusieurs centrales, comme le Rhône ou la Loire.

Ces rejets sont souvent critiqués par les associations écologistes, qui accusent les centrales nucléaires de contribuer à réchauffer les fleuves. « Ces rejets thermiques agissent comme une barrière qui réduit considérablement les chances de survie des poissons grands migrateurs, comme les saumons et truites des mers », affirme le réseau Sortir du nucléaire.

Sur le plan biologique, les températures au-delà de 28 oC ou 30 oC peuvent nuire à la reproduction des poissons et favoriser le développement d’algues et de végétaux aquatiques. Mais, selon la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), « les installations situées en bordure de fleuves réchauffent l’eau des fleuves de moins de 0,3 oC (parfois 0,1 oC seulement) ».

  • Quelles sont les conséquences ?

Cette décision intervient alors que la consommation électrique est relativement réduite. Les besoins de l’industrie sont moindres et même si les climatiseurs consomment beaucoup, la France n’a pas de problème de production à prévoir dans les jours qui viennent.

De fait, selon les données du Réseau de transport d’électricité (RTE), la France exporte vers ses voisins des volumes importants d’électricité pendant les journées d’été, puisque sa production est bien supérieure à la demande.

Si la température du Rhône continue d’augmenter – elle était jeudi 2 juillet autour de 28 oC – cela pourrait pousser EDF à réduire encore la production de certaines centrales en bord du Rhône. « A compter du 3 août 2018, les prévisions de température élevées du Rhône en amont des centrales pourraient conduire jusqu’à l’arrêt de deux tranches à Saint-Alban et jusqu’à l’arrêt des tranches 2 et 3 de Bugey », a ainsi prévenu EDF mercredi sur son site.

Par ailleurs, selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), la canicule ne pose pas de problème de sûreté nucléaire, le volume d’eau nécessaire pour refroidir une centrale étant relativement faible. Depuis la canicule de 2003, EDF a dû néanmoins se prémunir contre les étés plus chauds, en se dotant de climatiseurs dans les bâtiments sensibles, et de dispositifs mobiles de climatisation.

  • Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?

Les centrales nucléaires ne produisent pas de CO2 et ne contribuent pas au réchauffement climatique. Ce qui explique que le nucléaire est souvent présenté par l’industrie comme un atout pour la France dans la lutte contre le changement climatique.

Mais les centrales sont-elles mêmes victimes du climat : les étés vont devenir de plus en plus chauds et les températures extrêmes vont se multiplier. Y compris dans des zones qui jusqu’ici étaient protégées de ce type de phénomène : fin juillet la Finlande a dû ralentir la production d’un réacteur, qui rejetait dans la mer de l’eau à 32 oC. Des centrales allemandes et suédoises ont également fait face au même problème.

D’autres problèmes peuvent se poser : si l’eau pompée est à une température trop élevée, elle ne joue plus de manière efficace sont rôle de refroidissement. De même, si le cours d’un fleuve devient trop bas, la centrale ne peut plus prélever suffisamment d’eau, et risque d’assécher le cours. Un problème qui ne concerne pas la Loire ou le Rhône mais qui peut se poser, par exemple, pour la centrale de Civeaux, au bord de la Vienne.

Pierre-Franck Chevet, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, a estimé, devant la commission d’enquête parlementaire sur le nucléaire, qu’il existe « de ce point de vue, des sites plus sensibles que d’autres. Les sites en bord de rivière identifiés comme les plus sensibles sont ceux de Civaux, Bugey, Saint-Alban, Cruas, Tricastin, Blayais, Golfech et Chooz ».

A l’avenir, les centrales ne pourront plus être localisées près de cours d’eau dont le débit est trop faible et devront privilégier une localisation en bord de mer. C’est notamment le cas de l’EPR de Flamanville (Manche).