Qualifiés d’« ennemis du peuple » par Donald Trump, les médias américains, au premier rang desquels CNN et le New York Times, se rebellent et mettent en garde contre la montée d’un climat de haine en pleine campagne pour les élections de mi-mandat en novembre.

Mardi 31 juillet, un des reporters vedettes de CNN a été pris à partie lors d’un meeting du président des Etats-Unis à Tampa, en Floride. En plein direct, Jim Acosta, le correspondant de CNN à la Maison Blanche, a été apostrophé par des partisans de Donald Trump placés juste derrière lui : « CNN est nul ! », « Arrêtez de mentir ! »… Quelques jours auparavant, le 26 juillet, une des journalistes de la chaîne d’information s’était vu refuser l’accès à une conférence de presse à la Maison Blanche.

Hostilité croissante

« J’ai eu l’impression de ne plus être aux Etats-Unis », a ensuite témoigné Jim Acosta sur son antenne. Sur Twitter, celui qui s’est distingué depuis le début de la présidence Trump par son ton combatif s’est inquiété de ce qu’une atmosphère de plus en plus hostile envers les médias « entretenue par Trump et certains médias conservateurs peut avoir pour résultat que quelqu’un soit blessé ».

« On ne devrait pas traiter nos compatriotes de cette façon. La presse n’est pas l’ennemie », a-t-il ajouté, accompagnant son message d’une vidéo montrant des militants de Trump en train de le conspuer. M. Acosta a également accusé la chaîne concurrente conservatrice Fox News d’alimenter la haine anti-CNN.

Le lendemain, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, a déclaré que le président condamnait ce type de comportement, tout en s’en prenant à la presse :

« Quant aux médias, le président pense qu’ils portent une part de responsabilité. Nous soutenons totalement une presse libre. Mais il y a dans cette affaire un certain de niveau de responsabilité. »

Théorie du complot

Dans la foule du meeting de mardi soir, les médias américains ont remarqué l’émergence de références, sous forme de banderoles ou sur les tee-shirts portés par des supporteurs de Trump, au mouvement conspirationniste et antiélite QAnon, abréviation de Q et de Anonymous. Ce groupe QAnon, particulièrement actif sur des plates-formes comme le forum 8chan, sur lequel pullulent théories conspirationnistes et promotion du harcèlement en ligne, est persuadé de l’existence d’une vaste conspiration mondiale à laquelle s’oppose Donald Trump. Leurs cibles sont pêle-mêle l’« Etat profond » – l’administration qui s’opposerait aux politiques de M. Trump –, les banquiers, Hollywood et l’élite démocrate américaine, notamment Hillary Clinton et Barack Obama. Dans cette vision délirante, la lettre Q fait référence à un supposé expert en sécurité du gouvernement qui publierait sur le Net des messages cryptés au sujet de cette cabbale.

Mercredi, la porte-parole de la Maison Blanche a affirmé que le président condamnait « tout groupe qui incite à la violence et ne soutient certainement pas des groupes promouvant ce genre de comportements ».

En pleine campagne, Donald Trump s’en est de nouveau pris aux médias jeudi soir en Pennsylvanie, les accusant de ne pas parler de ses réussites et de noircir systématiquement son mandat. « Qu’est-il arrivé à la presse libre ? Qu’est-il arrivé au journalisme honnête ? », a-t-il lancé en désignant les journalistes placés au fond de la salle.

Mise en garde

Quelques heures auparavant, lors d’un briefing à la Maison Blanche, Jim Acosta et Sarah Huckabee Sanders avaient eu un échange tendu, le premier cherchant à obtenir de la seconde qu’elle déclare officiellement que la presse n’est pas une ennemie, antienne de Donald Trump. Le journaliste a finalement quitté la conférence de presse après que cette dernière a jugé que les médias « abaissent fréquemment le niveau de la conversation dans ce pays ».

Dimanche soir, le patron du New York Times, Arthur Gregg Sulzberger, avait révélé avoir mis en garde le président états-unien sur ses attaques répétées contre la presse lors d’une rencontre à la Maison Blanche. Elle était censée rester confidentielle, mais M. Trump l’avait révélée dans un tweet, ce qui a conduit M. Sulzberger à publier un communiqué : « Mon objectif principal en acceptant cette rencontre était de soulever mes inquiétudes au sujet de la rhétorique antipresse extrêmement troublante du président. »

« J’ai dit franchement au président que je pensais que son discours n’était pas seulement facteur de division mais qu’il était de plus en plus dangereux », a-t-il ajouté, soulignant : « Je lui ai dit que bien que l’expression “fake news” soit fausse et nuisible, j’étais beaucoup plus préoccupé par sa façon de caractériser les journalistes comme des “ennemis du peuple” ».

Répondant toujours par tweets interposés, M. Trump a affirmé que c’étaient les médias qui « mettent des vies en danger, et pas seulement celles de journalistes (…) en révélant des délibérations internes de l’administration ». Interrogée jeudi à ce sujet, la fille de Donald Trump, Ivanka, s’est démarquée de son père en expliquant qu’elle ne voyait pas la presse comme une ennemie. Mais, là encore, M. Trump a voulu avoir le dernier mot, toujours en utilisant son média favori, Twitter :

« Ils ont demandé à ma fille Ivanka si les médias étaient ou non l’ennemi du peuple. Elle a répondu correctement non. Ce sont les FAKE NEWS, qui représentent un grand pourcentage des médias, qui sont les ennemis du peuple ! »

Trump s'en prend à un journaliste de CNN
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