Un cordon de police à Harare, le 2 août. / MIKE HUTCHINGS / REUTERS

Au lendemain de l’intervention de l’armée dans le centre d’Harare, mercredi 1er août, les conséquences du déploiement de soldats face à des manifestants de l’opposition s’éclaircissent, et la tache sur la réputation du pouvoir zimbabwéen s’étend. Dans la journée de jeudi, le bilan s’est alourdi à six morts, alors que trois personnes ont péri de leurs blessures. Le nombre de blessés est estimé à « plus de vingt-cinq » par un collectif d’ONG zimbabwéennes, le Zimbabwe Human Rights NGO Forum, dont l’une des animatrices, Jestina Mukoko, déclare : « Le Forum est scandalisé par le comportement du gouvernement du Zimbabwe, qui a pris la liberté de déployer de manière illégale les militaires dans Harare, conduisant à la mort extrajudiciaire » de plusieurs civils. Tous ne sont pas des militants du MDC, le parti d’opposition.

Pourtant, le gouvernement a tenté de faire porter la responsabilité de ces morts aux responsables de l’opposition, accusant ces derniers d’avoir été à l’origine des troubles. Selon la version officielle, le fait d’avoir déployé des blindés dans les rues et des soldats tirant à vue se justifiait – il était même impossible de faire autrement. Douglas Mahiya, porte-parole de l’Association des vétérans de la guerre de libération nationale du Zimbabwe, une formation proche du président récemment élu Emmerson Mnangagwa, accuse même le MDC d’avoir organisé les violences :

« Nous soupçonnons qu’il y a des militaires derrière. Ils ont eu recours, selon nos informations, à des Selous Scouts [une unité de l’ex-pouvoir blanc, impliquée dans la sale guerre de Rhodésie, qui a cessé d’exister depuis l’indépendance] (…) L’objectif est de renverser le nouveau pouvoir. »

Des détails ont aussi émergé sur les personnes tuées par les tirs des soldats dans le centre des affaires et du commerce, à Harare. L’une des victimes, une commerçante, était en train de fermer son magasin pour fuir le chaos, lorsqu’une balle l’a atteinte dans le dos. Difficile de prétendre qu’elle constituait une menace. Un autre témoignage recueilli par les organisations de défense des droits de l’homme fait état d’un coup de feu tiré à bout portant dans le pied d’un passant, sans raison apparente. La photo, le nom, et même le numéro de téléphone de plusieurs militaires soupçonnés d’être responsables de ces exactions ont été diffusés sur les réseaux sociaux.

Après la série de rapports, quelques heures plus tôt, d’observateurs électoraux qui avaient exprimé prématurément leur satisfaction de voir que l’élection s’était déroulée dans un climat apaisé, certaines capitales se montrent plus prudentes. Le Royaume-Uni, soutien affirmé d’Emmerson Mnangagwa, a demandé au pouvoir de retirer l’armée des rues.