Marta Caradec, Allemagne (série Atlas 1873, gouache sur carte, 53 x 70 cm). / FLORIAN TIEDJE

« C’est une aventure exemplaire, vertueuse, contre toute évidence ». Quand Jean-Jacques Aillagon évoque la galerie Réjane Louin, à Locquirec (Finistère), l’ancien ministre de la culture a des tremolos dans la voix. Car la propriétaire, femme discrète qui fête ses dix ans d’activité dans la petite station balnéaire, a déjoué tous les pronostics.

« Quiconque aurait fait une étude de marché n’aurait jamais ouvert là », poursuit l’ancien ministre. Le contexte commercial est difficile : la boulangerie historique a éteint ses fours et la maison de la presse a tiré le rideau. La ville qui compte dix mille visiteurs l’été se vide entièrement l’hiver. Et, pour corser le tout, seulemnt trois autres galeries dans les environs : l’Ecole des filles de Françoise Livinec, à Huelgoat, le Navire, à Brest, et Oniris, à Rennes. Pas de quoi constituer une masse critique ni un marché local.

Pourtant, Réjane Louin a tenu bon, contre vents et marées. Et, plus encore, contre un snobisme parisien qui lui bloque l’accès aux grandes foires nationales. « Je ne me suis jamais dit, si ca ne marche pas j’arrête. J’ai avancé à mon rythme », dit cette modeste. Bien lui en a pris. Pour Jean-Jacques Aillagon, qui vient là en voisin et y achète régulièrement des œuvres, comme pour ceux qui ont pu découvrir son travail à l’occasion de la foire Drawing Now, « la galerie Réjane Louin est devenu un passage obligé ».

Prix doux

A cinquante mètres de l’Hôtel des bains, face au monument aux morts, l’enseigne à la façade blanche se déploie dans un espace de 60 m2 en rez-de-chaussée. Avec une idée : favoriser l’intimité avec les œuvres. Ici, pas d’aimables marines comme on en trouve ad nauseam dans les galeries de bord de mer. Ce n’est pas parce qu’on est les pieds dans le sable qu’il faut se contenter d’œuvres pour touristes !

A défaut d’être des locomotives du marché, tous les créateurs présentés sont dignes d’intérêt. Leur point commun ? Une grande délicatesse, une certaine discrétion minimale, des couleurs diaphanes et séduisantes. Réjane Louin a d’ailleurs l’œil : Dominique de Beir et Christophe Robe, deux artistes qu’elle fut la première à montrer, exposent aussi désormais à Paris à la galerie Jean Fournier. Elle sait aussi faire preuve de fidélité.

Pour ses dix ans, elle a invité une quarantaine de plasticiens, avec lesquels elle a régulièrement ou ponctuellement collaborés, à concevoir une œuvre. Certains ont creusé la question du paysage et de la cartographie, d’autres ont illustré leurs tendres relations avec la galeriste.

« Locquirec, ça fait rêver les artistes, ils y travaillent dans un cadre qui n’est pas stressant, confie Réjane Louin. Quand ils viennent ils ne veulent pas repartir. » Idem pour les acheteurs qui apprécient la disponibilité de cette souriante pédagoguebrune, ainsi que ses prix doux, entre 300euros et 3 500 euros.


« 10 ans déjà à Locquirec », Galerie Réjane Louin, 19, rue de l’Eglise, 29241 Locquirec. Tel : 02 98 79 36 57. www.galerierejanelouin.fr