Aux championnats de France en petit bassin à Montpellier, en novembre 2017. / PASCAL GUYOT / AFP

Charlotte Bonnet a longtemps été la nageuse « next door ». Autant en raison de son extrême discrétion que de l’ombre XXL de ses partenaires d’entraînement niçois : celle de Camille Muffat, qu’elle a toujours considérée « comme une grande sœur » et de Yannick Agnel, l’autre élève surdoué de Fabrice Pellerin à l’Olympic Nice natation (retraité depuis fin 2016).

A Glasgow, pour la première fois, Bonnet a débarqué dans un grand championnat avec l’étiquette de favorite sur 200 m, détentrice du meilleur chrono européen de la saison sur la distance, où elle est la seule à être descendue sous les 1’56 (1’55”53). Et cette fois, depuis le départ, elle assumait son statut et clamait ses ambitions : le titre et rien d’autre. En finale, lundi 6 août, ses concurrentes n’ont pas existé : elle s’est offert l’or (1’54”95) et du même coup son premier titre international en individuel en grand bassin.

A 14 ans, elle nageait plus vite que Manaudou

Charlotte Bonnet répond enfin aux attentes placées sans doute un peu trop précocement sur ses épaules, elle qui, à 14 ans, nageait le 800 m nage libre plus vite que Laure Manaudou au même âge. L’adolescente, formée au Club nautique brestois, apparaît alors comme un phénomène dans les bassins, accumulant les meilleures performances de sa catégorie d’âge. « Je suis dans l’eau depuis mes 6 mois. Mes parents sont maîtres-nageurs, j’ai été vite dans le bain ! », relativise à l’époque la native d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise).

En 2010, elle quitte la Bretagne pour la Côte d’Azur et le groupe de Fabrice Pellerin. Présente depuis 2011 sur les rendez-vous internationaux, Charlotte Bonnet a été très tôt médaillée avec les relais (bronze sur 4×200 m aux Jeux de Londres et aux Mondiaux de Barcelone l’année suivante), ce qui ferait presque oublier qu’elle n’a que 23 ans. Mais en individuel, la nageuse, médaillée de bronze sur sa distance de prédilection aux championnats d’Europe en grand bassin à Londres en 2016, a longtemps eu du mal à gérer la pression.

Le déclic s’est produit la saison dernière. D’abord en sprint aux championnats de France en petit bassin, en novembre, où elle efface des tablettes le record du 100 m (52” 41) vieux de sept ans de son ancienne coéquipière et amie Camille Muffat, disparue dans un accident d’hélicoptère en 2015 en marge du tournage de l’émission « Dropped ». Avec Muffat, son aînée de six ans, elle partagera quatre années d’entraînement à Nice.

« Elle est toujours avec moi. Quand je regarde les émissions de télé-réalité débiles, je pense à elle. Quand je mange n’importe quoi, je pense à elle aussi parce qu’on aimait se faire des fast-food et manger comme des grosses quand on était déprimées. Voilà. Je me dis qu’elle me regarde et j’espère qu’elle est fière de moi. Elle doit bien rigoler, là », racontait-elle lors des championnats de France un mois seulement après sa disparition, où elle nagera en sa mémoire, bonnet et t-shirt à son effigie.

« J’essaie d’être un peu leadeur dans l’équipe »

En décembre 2017, aux championnats d’Europe en petit bassin, elle est sacrée pour la première fois en individuel sur 200 m. « Copenhague m’a fait prendre conscience de plein de choses, de ne plus vraiment avoir peur des autres concurrentes », disait-elle en mai à Saint-Raphaël, elle qui a mis l’accent sur la vitesse à l’entraînement cette saison avec Fabrice Pellerin. « Elle arrive avec des convictions beaucoup plus ancrées sur ses possibilités par rapport à ses rivales, elle a beaucoup plus d’atouts dans son jeu et cela change les choses », soulignait l’entraîneur dans L’Equipe cette semaine.

Sur 100 m (séries et demi-finale mardi 7 août, finale mercredi), elle visera le podium : elle détient le deuxième chrono européen de la saison derrière la Danoise Pernille Blume grâce à son record de France battu fin mai à Saint-Raphaël (52”74, 4e marque mondiale), propriété de Malia Metella depuis 2009 (53”49).

Sur la première marche du podium, vendredi 3 août à Glasgow, avec ses coéquipières du 4x100m (de gauche à droite : Margaux Fabre, Beryl Gastaldello et Marie Wattel). / FRANCOIS XAVIER MARIT / AFP

Une progression chronométrique qui va de pair avec une solidité mentale désormais pour celle qui fut longtemps inhibée par les grands événements et un statut qu’elle ne revendiquait pas. « Je suis engagée sur tous les relais et j’essaie d’apporter une dynamique, d’être un peu leadeur, même si ça n’est pas trop mon tempérament », répétait-elle cette semaine. A l’image de ses coéquipières du 4×100 m (Béryl Gastaldello, Marie Wattel et Margaux Fabre), médaillées d’or vendredi, il lui a fallu digérer l’héritage des Manaudou, Muffat et Balmy. En 2015 aux Mondiaux de Kazan, l’équipe de France féminine avait coulé : une seule finaliste parmi les Françaises engagées. Trois ans plus tard, à Glasgow, avec trois médailles d’or, ce sont les filles qui tiennent la baraque.