• 1990 : quatre garçons dans le temps

Ce 1er septembre 1990, Split est encore une ville yougoslave, mais la guerre déjà approche entre Croates et Serbes. Avec les titres de Christian Plaziat au décathlon, de Monique Ewanjé-Epée sur 100 m haies ou la médaille de bronze de la jeune Marie-José Pérec sur 400 m, ces championnats sont déjà une réussite pour la France. Arrive alors ce relais 4 × 100 m masculin. Max Morinière, Daniel Sangouma, Jean-Charles Trouabal et Bruno Marie-Rose espèrent bien dominer les Britanniques emmenés par Linford Christie.

Réputés pour être les meilleurs techniciens sur les passages de relais, les Français se font une légère frayeur lors de la dernière transmission entre Trouabal et Marie-Rose. Mais quand ce dernier franchit la ligne devant Christie, il n’en revient pas : « J’ai regardé le chrono, il me paraissait bizarre. On n’était pas habitués à ces chiffres [37 s 80 ramené à 37 s 79]. Je me suis dit que quelque chose n’avait pas marché. »

Au contraire, tout a très bien marché. Marie-Rose et ses copains viennent d’effacer le record du monde des intouchables américains. Une surprise totale. Trouabal avouera même ne pas connaître le temps du record du monde avant la course. Carl Lewis et les maîtres du sprint reprendront leur bien onze mois plus tard, mais le temps établi à Split reste le record de France, vingt-huit ans après.

Le relais français 4 x 100 M analyse leur course record de Split
Durée : 02:07

  • 1998 : la Reine Christine

Christine Arron a toujours su qu’elle courait vite. « A l’école, je gagnais toutes les courses, même contre les garçons », raconte, à l’été 1998, la Guadeloupéenne au Monde. Arrivée en métropole à l’âge de 19 ans, « la nouvelle Pérec » enchaîne les blessures et finit par se détourner du 200 m et du 400 m pour la ligne droite en 1997. Un an plus tard, l’élève de Jacques Piasenta bat à trois reprises le record de France sur la distance détenue par Pérec.

A Budapest, elle prend un mauvais départ – comme souvent – avant de fondre sur ses rivales, dont la Russe Irina Privalova, dans les cinquante derniers mètres. Arron signe en 10 s 73 un nouveau record d’Europe. « Je peux améliorer beaucoup de points techniques en course. Cela veut dire que je peux descendre sous les 10 s 70 », estime-t-elle après sa course. Des nouvelles blessures et son problème récurrent au départ l’empêcheront de faire mieux.

Arron aura toute sa carrière l’impression de ne pas avoir lutté à armes égales avec certaines concurrentes. « J’ai fait six finales mondiales et quand on regarde toutes les filles qui m’ont devancé, elles ont été mêlées à des affaires de dopage, avançait-elle au journal La Provence en 2015. J’aurais dû me retrouver plus souvent sur le podium, or je n’ai eu qu’une médaille mondiale [de bronze, à Helsinki, en 2005]. J’ai les boules ! »

1998 Christine Arron record d'europe du 100m 10"73
Durée : 08:46

  • 2006 : Diniz, le premier des marcheurs

Et dire qu’au départ, Yohann Diniz voulait juste éviter l’armée. Alors ce diplômé d’œnologie à l’enfance difficile accepte d’effectuer son service civil au club d’athlétisme de Reims. Tout en s’occupant de jeunes des quartiers populaires, il remarque les marcheurs dont la drôle de démarche le fait sourire autant que l’intrigue. Diniz décide de les imiter et voilà qu’il se retrouve quelques années plus tard au départ du 50 km des championnats d’Europe de Göteborg.

Ce jour-là, il ne fait pas un temps à mettre un marcheur dehors. Le mot déluge rend encore assez mal hommage à cette pluie qui s’abat sur la capitale suédoise. A Göteborg, Diniz a juste en tête de « finir ». Il n’est pas encore un habitué des départs canons, le Français de 28 ans marche caché, loin des meilleurs, avant de produire son effort dans les quinze derniers kilomètres et récupérer un à un tous ses adversaires pour s’offrir le premier de ses trois titres européens (Barcelone 2010, Zürich 2014). La France vient de faire connaissance avec l’un de ses champions les plus attachants.

Campeonato de Europa Goteborg 2006, 50km marcha
Durée : 01:48:28

  • 2010 : chapeau Lemaître

« Le TGV de Culoz » est bien arrivé en gare de Barcelone et réalise un triplé inédit sur 100 m, 200 m et 4 × 100 m. Cinq ans après avoir découvert le sprint lors de la fête des sports de Bellay (Ain), Lemaître est devenu l’homme le plus rapide d’Europe. De sa victoire sur le 100 m, on retiendra autant le chrono 10 s 11 que sa joie d’après-course.

Coiffé d’un improbable chapeau de paille du parfait touriste sur les Ramblas, le Français effectue la tournée des médias. Un moment de fraîcheur salvateur quelques semaines après l’affaire du bus de Knysna. Avec huit médailles d’or, l’athlétisme français réalise des championnats d’Europe historiques, le début d’une période dorée avec les Mekhissi, Lavillenie, Vicaut, Soumaré.

merci pour le chapeau du coupeur de paille ambiance paillottes.ts
Durée : 02:15

  • 2014 : la « remontada » de Floria Gueï

Quand Pascal Dupraz prend, au printemps 2016, les commandes du TFC, l’entraîneur motive ses joueurs – que tout le monde voit déjà en Ligue 2 – avec une vidéo : celle de l’incroyable dernière ligne droite de Flora Gueï lors du 4 × 400 m des championnats d’Europe à Zürich. Les Toulousains arracheront finalement leur maintien lors de la dernière journée de Ligue 1. Depuis, l’exploit de Gueï est devenu l’incontournable de tous les séminaires de motivation. La preuve qu’il ne faut jamais renoncer, toujours se battre même quand la situation paraît désespérée.

Quand Floria Gueï attrape le témoin, la dernière relayeuse française se situe en quatrième position, très loin du trio de tête Ukraine, Royaume-Uni, Russie. « Il n’y aura pas de podium pour le 4 × 400 m français… Parce que là, on ne revient pas », souffle Patrick Montel au micro de France Télévision. Et il n’est pas le seul à le penser. Mais à l’entrée du dernier virage, la Française allonge sa foulée et lance un sprint désespéré pour coiffer au poteau ses trois adversaires dans les vingt derniers mètres. Inoubliable.

Incroyable remontée de Floria Guei sur un relais 4x400m
Durée : 02:40

  • 2014 : Mekhissi tombe le haut et perd la médaille

Au niveau européen, Mahiedine Mekhissi n’a presque pas de concurrents sur 3 000 m steeple. Trop fort. Mais le Français sait toujours pimenter ses courses. En 2012, il survole sa finale à Helsinki avant de s’en prendre à une malheureuse… mascotte sans défense.

Deux ans plus tard, le Rémois se promène de nouveau. Alors il savoure sa victoire à venir dans les derniers hectomètres et, pris par l’enthousiasme, retire son maillot pour franchir la ligne… torse nu. S’il avait été footballeur, le triple médaillé olympique aurait récolté un carton jaune. En athlétisme, le règlement est bien plus sévère : disqualification.

Mais la France ne perd pas pour autant la médaille d’or. Deuxième de la course, le Périgourdin Yoann Kowal devient champion d’Europe un peu malgré lui. « Je suis vice-champion d’Europe, je ne suis pas champion d’Europe. Il n’y a aucune intention d’être à la première place. Je ne sais pas quoi dire… Franchement, c’est nul ! » Deux ans plus tard à Amsterdam, Mekhissi terminera premier (et avec son maillot) et Kowal sera un très heureux médaillé de bronze.

Français athlète Mekhissi 3000m Disqualifié Enlève sa chemise Célébrer avant finition
Durée : 02:49