Kevin Mayer après son troisième essai manqué au saut en longueur, mardi à Berlin. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS

Kevin Mayer ne sera pas champion d’Europe du décathlon au stade olympique de Berlin. Accroupi sur le sautoir et la tête enfouie entre ses mains pendant de longues secondes, il n’en revient pas lui-même. Ultra-favori, il vient de laisser filer une médaille d’or qui ne pouvait pas lui échapper. Son rival le plus affirmé étant le Canadien Damian Warner, sa marge vis-à-vis de ses adversaires européens semblait indécente.

Après seulement deux épreuves, le constat est cruel et implacable. Pour les non-initiés, le champion du monde a abandonné toutes chances en mordant, mardi 7 août, ses trois essais au saut en longueur. Avec un zéro pointé, qui le rend certain de terminer dans les profondeurs du classement, il a décidé de jeter l’éponge et d’abandonner.

La journée avait pourtant idéalement débuté. En 10 s 64, le Français avait battu son record du 100 m en ouverture de ce décathlon. Cette saison, il avait amélioré quatre de ses meilleures performances. Que s’est-il passé au moment de se présenter sur le sautoir ? Une chose est sûre, Mayer ne manquait pas de jambes. Sur ses trois essais manqués pour quelques centimètres, il flirtait avec les 8 mètres, bien au-delà de son record de la discipline. C’est peut-être cet état de forme qui l’a conduit à cet échec. Il avait sans doute en tête le record du monde de l’Américain Asthon Eaton (9045 points).

« Je n’ai pas voulu me brider, je fais un premier essai qui est très très loin. Je pouvais sauter huit mètres, quand on a ça dans les jambes on ne peut pas se dire de courir doucement pour assurer, a commenté Mayer, C’est le sport. Je suis tellement déçu. On a tous droit à une faute et j’espère que ça n’arrivera plus jamais. Je ne m’en veux pas, je me suis exprimé en longueur, ça n’a jamais été aussi loin. »

Le champion du monde affichait pourtant une forme insolente avant de manquer son concours à la longueur. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS

A Londres, l’été dernier, Kevin Mayer était passé tout près d’une énorme désillusion au saut à la perche. Il n’avait franchi 5,10 m qu’au dernier essai, en touchant la barre. Juste avant le début des championnats d’Europe, conscient de sa supériorité sur la concurrence, il avait lâché cette prémonition funeste : « Comme on a cette marge, on a encore plus peur de faire zéro. » Son entraîneur Bertrand Valcin s’est montré philosophe : « « Je suis surtout déçu pour Kevin, il avait une telle forme qu’on ne l’a pas forcément maîtrisée... C’est pas aller dans notre sens, on n’avait eu de la réussite l’an dernier à la perche, là ce n’est pas aller dans notre sens. »

Ce n’est finalement pas dans l’épreuve la plus imprévisible du décathlon que l’athlète a trébuché mais à la longueur, une spécialité qui nécessite également quelques réglages. Le problème était peut-être aussi un peu collectif, dans la prise de marques, puisque les deux autres Français engagés, Ruben Gado et Romain Martin, sont également complètement passés à côté de leur concours. Commentateur indéboulonnable de l’athlétisme sur France TV, Patrick Montel n’a pu retenir son émotion devant ce coup de Trafalgar : « Mais arrêtez les coups de massue, c’est du jamais vu pour l’athlétisme français je vous l’assure. »

Avec les forfaits de Yohann Diniz et Christophe Lemaitre, l’athlétisme tricolore perd, avec la contre-performance de Kevin Mayer, une nouvelle chance majeure de titres. Les records de médailles de Barcelone (2010) et de Zurich (2014) semblent désormais à des années-lumière.