Le premier ministre grec, Alexis Tsipras (à gauche), et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à Bruxelles, le 24 juin. / YVES HERMAN / AFP

Le bureau du premier ministre grec, Alexis Tsipras, n’a pas manqué de se réjouir, lundi 6 août. « Le déboursement du dernier versement du programme [d’aide européen] marque le dernier acte du drame des mémorandums. Nous avons beaucoup de travail devant nous, mais enfin, un nouvel horizon se profile pour la société. » Une bonne nouvelle, passée presque inaperçue dans le pays, alors que le chef du gouvernement essuie moult critiques après les incendies meurtriers survenus le 23 juillet.

Le versement de 15 milliards d’euros – la dernière tranche de l’aide financière européenne avant le 20 août, date à partir de laquelle la Grèce devra voler de ses propres ailes et se financer seule sur les marchés internationaux – a été approuvé lundi par le Mécanisme européen de stabilité (MES).

La semaine dernière, la presse grecque s’inquiétait du retard pris dans ce versement et accusait le ministre allemand des finances, Olaf Scholz, de vouloir bloquer la procédure parce que le gouvernement hellène avait décidé de retarder l’augmentation de la TVA dans cinq îles proches des côtes turques ayant été en première ligne de la crise des réfugiés ces trois dernières années.

Le Parlement allemand a finalement voté en faveur de cet ultime prêt le 31 juillet. En huit ans de crise, la Grèce a bénéficié de plus de 273 milliards d’euros d’assistance de la part de ses créanciers – Union européenne (UE) et Fonds monétaire international (FMI) – en contrepartie de réformes douloureuses pour la population et à l’issue de tractations souvent houleuses avec Berlin.

Le directeur général du MES, Klaus Regling, a souligné que 9,5 milliards d’euros serviraient à la constitution d’une réserve de trésorerie et 5,5 milliards d’euros au remboursement de la dette. Dans la foulée de ce dernier versement, « la réserve atteindra environ 24 milliards d’euros. Cette somme devrait couvrir environ 22 mois des besoins de financement de la Grèce après la fin du programme le 20 août », a-t-il ajouté.

Promouvoir des mesures sociales

Alexis Tsipras compte appliquer son plan de croissance, présenté en mai, et promouvoir des mesures sociales pour les populations les plus durement touchées par la récession. M. Regling a toutefois tenu à rappeler que laisser filer les déficits budgétaires était exclu : « La Grèce devra prouver à ses partenaires et aux marchés qu’elle s’est engagée à ne pas inverser les réformes passées et à poursuivre les politiques économiques et budgétaires durables nécessaires à long terme pour devenir une économie robuste qui crée de la croissance et des emplois. »

Alors qu’Athènes et ses créanciers européens se réjouissent de la fin du programme d’aide, le FMI a jeté un pavé dans la mare, le 31 juillet, en remettant en question la viabilité de la dette grecque à long terme. L’institution de Washington a ainsi démontré une nouvelle fois qu’elle n’était pas en adéquation avec l’analyse européenne. Ce constat risque fort d’écorner un peu plus la confiance des investisseurs et, partant, de compromettre le retour du pays sur les marchés.

Dans le détail, le FMI juge que les mesures prises jusqu’ici devraient suffire à assurer l’accès de la Grèce aux marchés financiers internationaux à court et moyen terme. Cependant, il estime que les prévisions à long terme de l’UE sont trop optimistes en ce qui concerne la croissance et l’excédent budgétaire. De fait, il anticipe un excédent budgétaire (hors service de la dette) limité à 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) avec une croissance annuelle d’environ 1 %, tandis que l’UE table sur un excédent de 2,2 % du PIB en maintenant la croissance annuelle à 3 %.

D’après son scénario, le FMI affirme que les coûts de la dette grecque vont « commencer une hausse ininterrompue » après 2038, marquant une explosion des besoins de financements bruts au-delà du seuil de 20 % du PIB. Les directeurs exécutifs du Fonds affirment qu’à ce moment-là, « un allégement supplémentaire serait nécessaire pour assurer la viabilité de la dette ».

L’accord sur les modalités de sortie de la Grèce des programmes d’aide, intervenu en juin entre les créanciers, prévoit bien une réévaluation de la situation en 2032 afin de déterminer si des mesures d’allégement additionnelles sont requises. Mais cet exercice, réaffirme le FMI, doit être « subordonné à des hypothèses réalistes ». La Commission européenne a réagi à ce rapport en affirmant que l’allégement de la dette était « suffisant ». Elle a souligné que ce sont les Européens qui avaient financé le programme et que le FMI était connu pour ses « prévisions systématiquement pessimistes ».