Alexis Kohler, le 26 juillet, lors de son audition par la commission des lois du Sénat, à l’occasion de l’affaire Benalla. / FRANCOIS MORI / AP

L’association Anticor a déposé mercredi 8 août une plainte complémentaire pour « prise illégale d’intérêt » contre le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, dont Mediapart a révélé lundi 6 août qu’il avait approuvé, comme haut fonctionnaire, des contrats concernant l’armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère.

L’association anticorruption avait déposé fin mai une plainte initiale auprès du parquet national financier (PNF) contre le bras droit d’Emmanuel Macron pour « prise illégale d’intérêt », « trafic d’influence » et « corruption passive » après des premières révélations du site d’information. Ces révélations avaient déclenché l’ouverture d’une enquête judiciaire.

Anticor dénonçait alors la présence de M. Kohler comme représentant de l’Etat à partir de 2010 au conseil d’administration de STX France (chantiers navals de Saint-Nazaire), dont MSC était le principal client, sans faire état de ses liens familiaux avec l’armateur, dont il était devenu en octobre 2017 directeur financier de la filiale croisières.

Le PNF avait alors révélé enquêter sur les conditions dans lesquelles la commission de déontologie de la fonction publique avait donné son feu vert à ce départ dans le privé, après un premier refus en 2014.

M. Kohler a voté en faveur d’une filiale de MSC

Dans sa nouvelle plainte, consultée par l’AFP, Anticor s’appuie sur des procès-verbaux du conseil de surveillance du Grand Port maritime du Havre (GPMH) où Alexis Kohler siégeait de 2010 à 2012, comme représentant de l’Agence des participations de l’Etat (APE) aux côtés du maire du Havre, l’actuel premier ministre Edouard Philippe.

Ces compte rendus de 2010 et 2011, publiés par Mediapart, révèlent que M. Kohler a pris la parole et voté en faveur de contrats à venir entre GPMH et Terminal Normandie MSC (TNMSC), filiale française de l’armateur italo-suisse et acteur majeur de l’extension considérable du port alors engagée.

Anticor souligne notamment que, le 30 septembre 2011, M. Kohler vote, « contre l’avis du commissaire du gouvernement », en faveur de l’extension de la présence de TNMSC dans le nouveau terminal « Port 2000 ».

Lien familial « dissimulé jusqu’à sa révélation par “Mediapart” »

« A défaut de preuve contraire – et notamment de la communication de sa déclaration d’intérêt dont il conviendrait d’obtenir communication », ce lien familial « a toujours été dissimulé par monsieur Alexis Kohler jusqu’à sa révélation par le journal Mediapart », concluent les avocats d’Anticor, Jean-Baptiste Soufron et Patrick Rizzo.

Plusieurs ex-membres du conseil de surveillance du port du Havre ont affirmé à Mediapart « qu’ils ignoraient tout de la situation familiale d’Alexis Kohler et qu’ils sont tombés des nues quand ils ont découvert très récemment ses liens avec MSC ». Le site d’information a annoncé avoir saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour obtenir la déclaration d’intérêts de M. Kohler lors de sa nomination au port du Havre. Interrogé par l’Agence France-Presse, l’Elysée n’a souhaité faire « aucun commentaire » compte tenu de l’enquête en cours.

Interrogé en mai par Mediapart, le numéro deux de l’Elysée a, lui, affirmé s’être « toujours déporté » quand il a eu à connaître comme haut fonctionnaire des dossiers concernant MSC. En juin, aux lendemains de la révélation de l’enquête du PNF, Emmanuel Macron avait loué la « probité exemplaire » de son secrétaire général.