Guy Maurette

« Chaque perle est un joyau de l’humanité, une trace de l’homme depuis l’aube des temps ! » Un livre en version française sur l’histoire des perles de verre manquait dans la bibliothèque, « pourtant bien fournie », de l’appartement parisien du couple Márcia de Castro et Guy Maurette. Ils l’ont donc créé, avec l’aide de la graphiste Laura Olive, et viennent de le publier : Perles de troc, african trade beads  VIIe-milieu du XXe siècle (éd. La Traversée des arts).

Riches d’une collection de cinq mille perles que Márcia de Castro et Guy Maurette se sont constituée dès 1991, au fil de leurs voyages sur le continent africain, ces deux esthètes (il a été responsable de centres culturels, elle est comédienne) ont souhaité partager leur passion pour cet objet de décoration, de commerce, voire de trafic.

A cette même fin, ils présentent régulièrement en France leur « trésor », ainsi que leur production de bijoux, sous la forme d’expositions didactiques. Ces dernières seront visibles dans le cadre de leur musée itinérant de la perle ancienne en France (Mipaf), du 9 au 12 août, à l’occasion de la 25e édition du Festival international du verre de Palau-del-Vidre (Pyrénées-Orientales) ; puis du 23 au 25 août, lors de la première édition du Festival de la perle de verre, à Asnières-sur-Vègre (Sarthe).

Quatre mille ans

Perles à chevrons, à cœur blanc ou jaune, Nueva Cadiz, millefiori, french ambassador… elles ont traversé les siècles, suivant les modes et l’usage que les civilisations leur attribuaient. Le verre est né en Mésopotamie il y a quatre mille ans. D’un siècle à un autre, de région en région, le livre nous apprend que les perles conçues dans le pourtour méditerranéen islamisé – principalement en Egypte et dans les pays du Levant – servaient déjà de monnaie d’échange pour de nombreux négoces en Afrique. En Europe, à partir du XVe siècle, les perles de verre étaient créées en Italie (Venise), aux Pays-Bas (Amsterdam), en Allemagne (Idar-Oberstein), en Bohème et en Moravie.

En France, le village de Briare, dans le Loiret, a été pendant près d’un siècle (1864-1970) une place incontournable sur le marché mondial de la perle. L’industriel Jean-Félix Bapterosses y rachète en 1851 une faïencerie, baptisée les « Emaux de Briare » par la suite, et invente une machine capable de produire par moulage cinq cents boutons ou perles en série, industrialisant leur fabrication.

Guy Maurette

Pacotille contre esclaves

Surtout, le livre revient sur le rôle économique essentiel des perles, dès l’Antiquité. Puis, au XVe siècle, les Vénitiens leur redonnent vie après des siècles d’oubli : les perles serviront au troc, entre autres, de l’or et de l’ivoire. « Après la crise de Constantinople, en 1453, par les troupes ottomanes, Venise devient la capitale mondiale du verre et de la perle grâce à des productions raffinées. Les perles de verre accompagnent les explorateurs, les missionnaires et les commerçants qui sillonnent les nouvelles terres américaines et africaines. (…) Autant de cadeaux offerts lors des rencontres et des échanges. »

Mais, du XVIe au XIXe siècle, les perles de verre ont aussi servi de monnaie d’échange dans le cadre de la traite négrière. Celles que l’on appelait « verroteries » comptaient parmi les objets de pacotille utilisés lors du commerce triangulaire – Europe-Afrique-Amériques (ou traite atlantique). Ainsi, « pendant plus de trois siècles, des milliers de navires armés dans les grands ports européens partiront de Liverpool, Londres, Amsterdam, Nantes, Bordeaux et La Rochelle pour aller sur les côtes africaines troquer des objets de pacotille, dont de la verroterie, contre des esclaves. Traversant l’Atlantique, des millions de captifs seront transportés vers le Brésil, les Antilles et l’Amérique du Nord (…) et serviront de main d’œuvre dans les plantations de sucre ou de coton. »

Le livre est aussi, bien sûr, une source d’information sur les différents procédés de fabrication de perles de verre – qu’elles soient enroulées, étirées, soufflées ou moulées-pressées –, et leurs formes ovoïdes, sphériques ou tubulaires. Et si, de nos jours, le marché de la perle ancienne a migré aux Etats-Unis, où elle est désormais l’objet d’études, de collection et de spéculation, en France, de nombreux créateurs et amateurs continuent de perpétuer cette aventure millénaire.

Collier réalisé par Márcia de Castro. / Guy Maurette

Perles de troc, african trade beads – VIIe-milieu du XXe siècle, de Márcia de Castro et Guy Maurette (édition La Traversée des arts, 150 × 201 mm, 72 p., 20 euros), emedeceparis@gmail.com ou librairie Petite Egypte (Paris 2e) 01-47-03-34-30.
Expositions : du 9 au 12 août, à la 25e édition du Festival international du verre de Palau-del-Vidre (Pyrénées-Orientales) ; puis du 23 au 25 août, lors de la première édition du Festival de la perle de verre, à Asnières-sur-Vègre (Sarthe).